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fur la conduite prefque générale qu'il voit tenir à
à la plupart des hommes qui, après avoir vêcu
long-temps dans le crime, ne laiffent
pas de mou-
rir pénitens & convertis. Or fuivez-moi, mes chers
Paroiffiens, & je vais vous faire toucher au doigt
combien font faux & combien peu doivent vous
raffurer tous ces prétextes.

1

1o. La premiere raifon que je vous donne mes chers Paroiffiens, du peu de certitude de votre pénitence à la mort, c'eft une vérité confirmée par les témoignages de tous les fiécles que vous avez mille fois entendue, & qui eft même paffée en proverbe parmi nous, & qu'on dit ordinairement que la mort eft toujours femblable à la vie; & que telle eft la vie, telle est la mort ; cent fois vous avez applaudi à cette façon de penfer: le nier, ce feroit vouloir vous contredire vous-mêmes, & renoncer au fens commun pour vouloir vous attacher à votre propre fens ; & c'eftlà précisément, mes chers Paroiffiens, ce que font plufieurs d'entre vous qui s'endorment dans l'impénitence, & qui efperent qu'après avoir vêcu dans le crime, s'être adonnés à toutes fortes de péchés, péchés de fcandales, péchés de vols & de larcins, péchés d'impudicité & d'intempérance, péchés de calomnie & de médifance, péchés d'irrévérence & de profanations dans nos Eglises; ils ne laifferont pas de mourir comme des Saints. Qu'en pensez-vous, mes Freres? Je ne veux ici que de la droiture & quelques fentimens de Religion. Y a-t-il quelque efpérance que ce que vous vous promettez arrive? Eft-il probable que vous mourrez bien après avoir fi mal vêcu? Quoi de moins plaufible, de moins apparent & moins digne de créance, qu'un fentiment qui eft oppofé au fentiment univerfel de tous les hommes! car fi S. Auguftin pense qu'il eft bien dif

Preuves

de la pre

miere Par

tie.

L'on meurt.

assez ordinairement comme l'on

a vêcu.

Se promettre de

faire péni

ficile que celui-là vive mal, qui croit bien; il dit auffi que quiconque a mené une vie fainte ne peut gueres faire une malheureufe mort; d'où je conclus contre vous, mes chers Paroiffiens, ou plutôt contre ceux d'entre vous qui vivent dans le libertinage & dans la débauche, que loin d'être certain, il n'eft pas même probable que celui qui a mené une vie déréglée puiffe faire une mort

chrétienne.

&

2o. La feconde raifon que j'apporte de l'incertitude de votre converfion à l'heure de la mort, par conféquent de votre malheur prochain mort, c'eft c'eft que lorfque vous dites tranquillement que vous ferez pénitence à la mort, vous ignorez ce

tence à la

ignorer en quoi confi

tence.

que c'eft que la vraie pénitence, & en quoi elle fte la péni confifte. Apprenez-le donc aujourd'hui de faint Auguftin: Comme le péché produit deux grands défordres dans le cœur de l'homme, dit ce Pere, l'éloignement du Créateur, & l'attachement criminel à la créature, la pénitence pour être véritable doit au contraire le rapprocher de Dieu, & lui faire hair ce qui l'en a éloigné; fans ces deux mouvemens, pourfuit faint Auguftin, point de vraie pénitence: fans l'amour de Dieu du moins commencé elle eft fauffe: fans la haine du péché elle eft infructueufe. Or je vous le demande, mes chers Paroiffiens, tout cela est-il fort aifé à un homme qui n'a jamais aimé véritablement fon Dieu, & qui n'a jamais haï fincérement le péché, & qui continueroit de l'aimer, s'il avoit encore du temps à vivre? De plus, pour faire une pénitence falutaire il faut le repentir d'avoir péché par un motif furnaturel, c'est-àdire, en vue de Dieu, & non pas feulement par P'intérêt propre. Or comment eft-ce qu'un homme qui n'a jamais eu en vûe que foi-même, s'élévera tout-à-coup au deffus de foi-même, & qu'il

fera des actes intérieurs? Je vous demande, mes Freres, fi vous concevez bien, & même s'il eft probable qu'on change ainfi tout-à-coup de fentimens & d'affections? Vous dites, tandis que vous vous portez bien, qu'un bon peccavi à la mort peut fauver un fort méchant homme, je le dis avec vous: mais enfin, il faut le dire, ce bon peccavi. Cela maintenant vous paroît peut-être fort aifé; & moi plus je confidere, plus j'examine la chofe, plus je comprends qu'il n'eft rien au monde de plus difficile que de le dire comme il faut.

La troifié

me raifon que je doncertitude de

ne de l'in

T

30. Suppofons néanmoins, mes chers Paroiffiens, que les pécheurs, dont je parle, foient véritablement déterminés à fe convertir, il faut fçavoir s'ils en auront le temps. Quoi! le Seigneur s'eft-il engagé avec eux de leur accorder un temps la pénitence convenable pour faire pénitence? Combien en à la mort, avez-vous vus parmi vous qui dans le plus beau c'eft que de leur jeuneffe ont paffé rapidement de la vie on n'en à la mort, les uns par un accident imprévu, les aura pas le autres par une appoplexie & une mort fubite? temps. Combien de fois avez-vous entendu dire: Un tel eft mort au fortir d'une partie de débauches, dans le cabaret même, après avoir juré, blasphémé le faint nom de Dieu ? Hélas! quel malheur ! Il est mort, dites-vous, fans Prêtres, fans Sacremens; & moi ne pourrois-je pas dire, fans conversion, fans pénitence? Or, mes chers Paroiffiens, qui de vous eft entré dans les confeils de Dieu pour fçavoir fi un jour on n'en dira pas autant de vous ? Ces hiftoires tragiques qui tant de fois vous ont confternés pour les autres, ne peuvent-elles pas vous arriver demain, aujourd'hui, & peut-être tout-à-l'heure, comme à eux ?

Quelle eft donc, mes chers Freres, votre ftupi- Folie des dité? Eft-ce ainfi que vous vous conduifez lorfque Chrétiens vous faites un marché, que vous vous engagez fur cet artis

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fort.

cle qui de- avec un Seigneur pour faire valoir fa terre & fes vroit les in- métairies? Vous prenez vos affurances: on ne fçair, téreffer fi dites-vous, qui vit & qui meurt ; & infenfés que vous êtes, après avoir pris tant de fùretés pour vos affaires temporelles, vous rifquez témérairement & fans fcrupule de toutes les affaires la feule qui doive vous intéreffer, qui eft l'éternité; & fur quoi? Sur cette folle préfomption, que vous aurez affez de temps pour vous convertir à la mort. Hélas! mes chers Paroiffiens, qu'il y en a déja dans l'enfer qui, comme vous, fe promettoient de faire pénitence à la fin de leurs jours, & qui dans un clin d'œil ont difparu de ce monde fans avoir feulement commencé à mettre la main à ce grand ouvrage.

Quand l'on

auroit le

convertir, feroit-on

4°. Mais je veux, mes chers Freres, que vous foyez affez heureux pour avoir le temps que vous temps de fe attendez; aurez-vous une grace affez forte pour triompher en un inftant de la corruption de votre sûr que la cœur ? Qui peut vous accorder cette grace? C'est grace de la Dieu feul: maître abfolu de toutes les créatures qui refpirent, il tient dans fes mains les clefs de la vie & de la mort : il fauve Jacob, il réprouve Efau i accepte les préfens d'Abel, il détefte ceux de Caïn. Or qui vous a donc dit, mes chers Paroiffiens, que Dieu vous fera grace après vos lâches retardemens, plutôt qu'à tant d'autres qu'il a laiffé mourir impénitens ? Je ne vois pas, mes chers Paroiffiens, dans tout l'Evangile un feul paffage qui puiffe vous autorifer dans votre téméraire confiance.

:

converfion

ne nous

manquera point?

que

La grace Car obfervez ici que c'eft une vérité de notre de la con- foi, que la bonne mort eft une grace purement verfion eft gratuite, qu'on ne peut non plus la mériter la grace de la vocation au Christianisme ou de la fe mériter: converfion après le péché; deforte qu'en espérant elle cft la comme vous faites, une bonne mort, c'eft efpérer

gratuite: elle ne peut

:

les

la plus grande de toutes les faveurs: mais encore plus grande de qui l'attendez-vous, cette grace? C'eft de de toutes Dieu même que vous avez oublié durant toute graces. votre vie, & que vous n'avez ceffé d'offenfer. Quoi! mes Freres, vous aurez paflé toute votre vie en toutes fortes de déréglemens & de débauches vous aurez fermé l'oreille à toutes les inspirations du Seigneur vous aurez méprifé fes avis, fes menaces, fes commandemens: vous aurez mille fois foulé aux pieds le fang qu'il a verfé pour vous; & après tant d'outrages, après une vie noircie de toutes fortes de crimes, vous vous attendrez non-feulement à des faveurs, mais encore à la plus fignalée de toutes les faveurs, qui eft une bonne mort, lors même qu'elle eft le prix d'une bonne vie ! Si vous étiez fondés à l'efpérer ; & fur qui eft-ce donc que le Seigneur exercera fes vengeances, s'il vous traitoit ainfi, vous qui vous êtes toujours révoltés contre lui ?

5o. Je veux bien encore fuppofer. que Dieu Mille obvous accorde le & la temps ftacles fe de vous congrace vertir, il arrivera que mille obftacles vous empêpréfentent au pécheur cheront d'en profiter ; & c'eft ici que je voudrois pour fa bien vous faire fentir, mes chers Paroiffiens, converfion combien il eft peu probable qu'un pécheur qui à l'heure de s'eft promis de changer à la mort, fe conver- la mort. tiffe jamais.

converfion

Obstacles du côté de fes paffions: plus l'on a Les pafvieilli dans l'habitude du péché, plus les chaînes fions s'opfont difficiles à rompre. Or fi pendant la vie & la pofent à la fanté vous avez donné à votre Pasteur, qui vous du pécheur. reprochoit l'horreur de vos défordres, pour toute excufe, que vous en étiez fi puiffamment dominés, que vous ne pouviez venir à bout de triompher de ces honteufes paffions ; & par quel miracle vous feroit-il plus aifé de les vaincre à la mort,

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