OUR traiter ce fujet utilement, d'une maniere précife & intéreffante, le Prédicateur doit s'attacher à montrer l'origine de la fanctification des Fêtes, à quoi tout Chrétien eft tenu en vertu de ce précepte; ce qu'il eft obligé de faire en ces faints jours, & ce qu'il ne fait pas, comme ce qu'il ne doit pas faire, & ce qu'il fait. Tout étranger que femble un Difcours fur cette matiere à tous les autres points de la Religion, il est évident qu'il a une espece de liaison avec certains fujets particuliers, comme ceux-ci, l'obligation d'entendre la Meffe, d'affifter à la prédication, &. de pratiquer enfin de bonnes œuvres. Du refte l'on conçoit aifément que ces fortes de matieres ne doivent entrer qu'incidentairement dans la compofition d'un Difcours fur la fanctification des Dimanches L'origine du Diman che des Chrétiens. & des Fêtes. Tout ce que je vais fournir ici regarde fpécialement le jour du Sabbat des Juifs, mais peut être amené en preuves pour conftater F'obligation de fanctifier dans la femaine certains jours particulierement confacrés au Seigneur, & fi l'on ne remarque plus à préfent comme autrefois ces châtimens d'éclat qui imprimoient la crainte & l'effroi dans l'ame de ces hardis violateurs du Sabbat, que les profanateurs du faint Dimanche & des Fêtes loin de fe raffurer, tremblent; peut-être font-ils réservés à des châtimens d'autant plus rigoureux, qu'ils font à préfent moins frappans. Réflexions Théologiques & Morales fur la fanctification des Dimanches & des Fêtes. dire, dès le temps des Apôtres; car nous lifons que par l'ordonnance de ces hommes pleins de Dieu le jour du Sabbat qui étoit le Samedi, fut transféré au lendemain en l'honneur de la Résurrection de Jefus-Chrift; que ce jour-là qui eft le premier de la semaine, & qui fut appellé dèslors le jour du Seigneur, & que nous appellons le Dimanche, les Fidéles s'affembloient pour prier, pour écouter la divine parole qui eft la nourriture de l'ame, pour offrir le faint Sacrifice du Corps & du Sang de Jefus-Chrift, & y participer par la Communion, & pour chanter les louanges de Dieu, à quoi ils employoient la nuit & le jour ; car le Dimanche étoit alors fi célébre, que, comme nous l'apprenons des Ecrits des Peres, Pon affiftoit aux premieres Vêpres, à Matines qui fe difoient la nuit, à la Grand'Meffe & à tout l'OfD. Aug. fice: Veniat ergo cuicumque poffibile fit ad vefper tinam atque nocturnam celebrationem, in die verò Serm. 2517 nullus fe à facrarum Miffarum celebratione feparet; de temp. & cette fainte coutume a tellement continué depuis dans l'Eglife, qu'elle a paffé durant le cours des fiécles pour une Loi divinement établie, laquelle a été confirmée par les hommes Apoftoliques, c'est-à-dire, par les faints Evêques élus & ordonnés par les Apôtres, & de temps en temps par leurs Succeffeurs dans les facrés Conciles. C'est ce qui fe faifoit en la premiere Eglife de Jerufalem ; & c'eft fur ce premier modele que les Diocèfes & les Paroiffes ont été établis par tout le monde, à mesure que le nombre des Fidéles s'eft multiplié par la prédication de l'Evangile. Si l'Eglife nous fait un précepte de fanctifier le faint jour du Dimanche, elle nous oblige auffi pour certains autres jours de la femaine; & il n'y a perfonne, pour peu qu'il foit verfé dans PHiftoire de l'Eglife, qui ne fçache que dès le temps des Apôtres il y a eu plufieurs jours folemnels auxquels les Fidéles s'affembloient pour révérer dans l'union d'un même efprit les principaux Myfteres de notre Religion, comme l'Incarnation, la Naiffance, la Paffion, la Réfurrection & l'Afcenfion de Jefus-Chrift, la Defcente du Saint-Esprit au jour de la Pentecôte ; que dans la fuite des fiécles ils en ont célébré d'autres en l'honneur de Marie, comme étant en quelque fens la médiatrice & la coopératrice du falut & de la rédemption du monde ; & enfin que l'Eglife voulant que fes enfans ne perdiffent jamais le fouvenir des merveilles que Dieu a faites par l'entremife des Apôtres, des Martyrs, des Confeffeurs & des Vierges, a inftitué fous leurs noms & en leur honneur des Fêtes fingulieres. Et pourquoi ne lui feroit-il pas permis de De la fantification des Fêtes. faire en faveur de ces plus précieux membres qui ont combattu pour Jefus-Chrift, qui font demeu rés victorieux de fes ennemis, qui triomphent & regnent avec lui dans le Ciel, ce que fit autrefois la Synagogue qui ordonna des jours exprès pour rendre célèbres à la postérité les fignalées victoires que remporterent Judith, Efther, Judas Macchabée, & d'autres perfonnes illuftres affiftées du divin fecours? Elle le fait avec une joie d'autant plus grande, qu'elle fçait que ces Fêtes, comme le dit S. Auguftin, ne font pas tant dédiées à l'honneur des Saints qu'à la gloire du Saint des' D. Aug. Saints, comme leur Sauveur & leur Dieu : Non Lib. de Ci- nos Martyribus Templa & Sacrificia conftituimus, vit. c. 27. quoniam non ipfi fed Deus eorum nobis eft Deus, &c. Si l'Eglife nous ordonne par un commande tion de l'E- ment exprès de célébrer les Fêtes des Saints, glife en or- c'eft, dit S. Bernard, afin de nous faire confidérer donnant la trois chofes : les fecours que nous en devons efpérer, l'exemple qu'ils nous ont laiffé, & notre propre confufion. Si durant leur vie ils ont été touchés de compaffion en voyant la mifere des pécheurs, qui peut douter qu'ils douter qu'ils ne les ressentent plus vivement devant Dieu, & qu'ils n'ayent enS. Bern. core plus de charité pour eux ? Tria funt qua in fer. in Vig. Feftivitatibus fanctorum vigilanter confiderare deSS. Petri & bemus, auxilium fancti, exemplum ejus, confufionem L'inten célébration des Fêtes. Pauli. 12. 2. des Théologiens fur l'obferva noftram. Sentimens Dans la penfée du Docteur Angélique, fanctides Peres & fier les Fêtes, c'eft féparer ces jours d'avec les autres pour les appliquer aux actes de Religion, les employer au fervice de Dieu & à la reconnoiffance de ses bienfaits : Illa enim dicuntur fanétifis cationes in lege, qua divino cultui applicantur. Saint Cyrille d'Alexandrie affure que pour fanctifier le Dimanche nous devons principalement parer & orner notre intérieur, afin de nous préfenter purs tion du Dimanche & des Fêtes. D.Thom. 2. 2. qua ft. 122, art. 4. & fans tache à Jefus-Chrift. S. Augustin met entre les obligations de ces jours celle de s'abstenir de tout péché, comme d'une œuvre qui eft nonfeulement fervile, mais qui nous affervit encore au démon : ce qui a fait avancer à plusieurs Théologiens, que celui qui commet un péché mortel le Dimanche, péche doublement: 1o. Parce qu'il viole la tempérance, fi c'eft un homme adonné au vin: 2°. Parce qu'il la viole dans un jour spécialement affecté au culte de Dieu : de forte qu'en s'accufant de ce péché il ne doit pas omettre cette circonstance aggravante. Ce que Que devons-nous faire pour fanctifier dignement le Dimanche, c'eft-à-dire, en véritables l'on doit Chrétiens? Ce qui nous eft ordonné dans ce pré- faire pour cepte: 1°. Nous devons nous abftenir de toute Dimanche œuvre fervile: 2°. Tout notre emploi durant ce & les Féres. faint jour doit être le culte & le fervice de Dieu. ya deux fortes d'œuvres ferviles, felon les Peres, dont nous devons nous abftenir; les unes font innocentes, ou indifférentes; les autres criminelles. Les premieres font les travaux corporels, & les exercices des arts pénibles & laborieux qui n'ont pour but que le gain temporel; les autres font les péchés & toutes les actions qui font ou des péchés, ou qui ne fe font prefque jamais fans péché. Les Chrétiens offenfent donc Dieu lorsqu'ils s'adonnent au travail des mains le faint jour du Dimanche, parce qu'ils profanent la fainteté d'un jour que Dieu s'eft réfervé: mais ils fe rendent plus coupables, lorfqu'ils paffent ce faint jour dans le péché; non qu'il foit permis de pécher les autres jours, mais parce que les péchés commis en un jour faint font bien plus griefs: que fi les péchés des Chrétiens font plus énormes devant Dieu que ceux des Infidéles, par cette feule raifon que ce font des péchés de Chrétiens, qui doute fanctifier le |