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science n'ont rien d'onereux, que nous n'approuvions & que nous ne goûtions; nous en jugeons fainement, nous en parlons éloquemment : mais eft-il queftion de notre intérêt ? fe prefente-t-il une occafion où par malheur l'intérêt & cette pureté de principes ne fe trouvent pas d'accord enfemble? Vous fçavez combien l'on eft ingenieux à fe tromper. Alors les lumieres s'affoibliffent, la févérité fe dement: l'on ne voit plus les chofes avec cet œil fimple, cet œil épuré de la corruption du fiècle, parce qu'il y va de notre intérêt: ces opinions qui nous fembloient relâchées ne nous paroiffent plus fi larges : ces probabilités infoutenables ne nous paroiffent plus fi odieuses : ce que nous regardions comme injuste, change de face & nous paroît plein d'équité ; & par un changement bien étonnant, cette paffion d'intérêt fait prendre à la confcience tel pli qu'il nous plaît de lui donner. Sermon manufcrit.

La con

En quoi avons-nous communément la confcience exacte, & fur quoi fommes-nous fé- fcience se

veres dans nos maximes? Confeffons-le de bonne foi, fur ce qui n'eft pas de notre intérêt, fur ce qui touche les devoirs des autres, fur ce qui n'a nul rapport à nous, c'est-à-dire, que chacun pour fon prochain eft confcientieux jufqu'a la fé vérité. Pourquoi ? parce qu'on n'a jamais d'intérêt à être relâché pour les autres, & qu'on a plutôt intérêt à ne l'être pas; parce qu'on le fait même aux dépens d'autrui un honneur & un intérêt de cette févérité : mais par un aveuglement groffier, chacun n'eft confcientieux pour foi qu'autant que la néceffité de fes affaires, l'avancement de fa fortune, & en un mot qu'autant que fon intérêt peut le fouffrir. Ecoutez, par exemple, un laïque difcourir fur les points de confcience qui concernent les Eccléfiaftiques,

montre

droite

quand notre intérêt eft à part, & qu'il ne s'a git que du

prochain.

Ce n'eft que par degrés fon fe fait

une con

science

fauffe.

Jerem. 7.

26.

L'on ne paffe point rapidement de l'innocence au crime. D'abord on s'écrie, comme David, que nos iniquités fe font appefanties fur nous, & qu'on a peine à les foutenir : Sicut onus grave gravata funt Super me. On fe remet néanmoins bientôt après, on s'affermit, on s'endurcit : InPS. 37. 5. duraverunt cervicem fuam. Le crime n'étonne plus tant, on le commet avec infolence, on ne rougit non plus qu'une proftituée: Frons meretriJerem. 3. cis facta eft tibi. On reçoit de mortelles bleffures fans les reffentir & fans fe plaindre. Que dis-je? L'infenfibilité va plus loin, & elle n'en demeure pas-là; elle fe change en plaifirs: Rifus illorum in deliciis peccati. Ce plaifir devient familier, cette familiarité fe convertit en coutume, & cette coutume dans une feconde nature. Le P. Girouft, troifiéme Sermon de fon Avent.

3.

fois dans le

ce repos

Malgré la L'héréfie des derniers fiécles, pour affurer le fauffe con falut des pécheurs, établit pour principe, que la science l'on foi fuffit, & qu'à l'abri de cette foi ils n'ont rien eft quelque. à craindre. Voilà jufqu'où Calvin a porté la prérepos, & fomption de l'homme, pour donner aux pécheurs une licence impunie, & à celui qui le commet vient de l'a- une paix imperturbable. Je demanderois aux parveuglement tifans de cet Héréfiarque,pourquoi Salomon nous de l'efprit. a tous avertis, que nul ne peut fçavoir s'il est digne d'amour ou de haine, & que tout l'avenir nous eft inconnu : Nemo fcit utrum amore an odio fit dignus, & omnia in futurum funt incerta. Vérité qui tombe d'elle-même, fi, comme ofe l'avancer Calvin, tout homme qui a la foi, connoîr

Ecl. 27.

14.

c'eft un oracle qui parle, & rien n'approche de fes lumieres: mais voyez comment il raisonne pour lui-même, ou plutôt jugez-en par fes actions; à peine lui trouverez-vous fouvent de la confcience, & cet oracle prétendu vous fera pitié. Le même.

Eccli.9.2.

qu'il poffede ce don excellent, & que de cette connoiffance il émane une certitude infaillible de fon falur, dont il doit fe tenir auffi affuré, qu'il l'eft de la prédestination même de Jesus-Christ. Je leur demanderois comment ils entendent ces paroles de S. Paul; Je ne me fens coupable de rien, & je ne me crois pas pour cela justifié : Nihil mihi confcius fum, fed non in hoc juftificatus. fum. De quel front l'Apoftat & fes Sectaires, après une vie dépourvue de bonnes œuvres, fe promettont-ils plus confidemment que le Maître des Nations, une récompenfe qu'il craignoit tant de perdre, & pour laquelle il ne croyoit pas en avoir affez fait? Illufion déplorable! illusion, cependant des Chrétiens ! Ils rejettent l'erreur: mais ils ne la rejettent que dans la fpéculation, tandis qu'ils la fuivent dans la pratique; ils n'oferoient dire: Je le crois, qu'avec la foi, telle que foit leur conduite, le falut eft immanquable: mais du refte ils vivent auffi tranquilles que s'ils étoient convaincus que tout va bien pour eux. D'où peut venir ce faux repos, finon d'un efprit aveuglé, qui ne penfe jamais à la juftice de Dieu, ou qui s'en fait un idée chimérique ? Abrégé du Sermon du P. Girouft.

Comment eft-ce S. Paul appelle le monque de? Il l'appelle la région des ténèbres. Or felon cette regle, je dis que le monde contribue beaucoup de fa à former les mauvaises confcienpart ces. Comment cela? Le voici : par les exemples, par fes coutumes, par fon langage, par fes dé

cifions.

Que faut-il à nos yeux pour juftifier de grands égaremens? Nous le voyons; rien que de grands exemples. C'est par cet endroit qu'une confcience déréglée peut en dérégler plufieurs autres; une fille, en matiere de vanité, fe croit permis

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L'on en

tout ce que le permet fa mere: un fils fe croit autorisé à vivre comme vit, ou comme a vêcu fon 'pere. C'est là ce qu'on appelle ne pas dégénérer des maximes de fa famille, chacun a les fiennes. Ces principes héréditaires paffent de l'un à l'autre, du pere aux enfans, fes erreurs avec leur fucceffion. On voit cela par-tout; chaque famille a fon caractere distinctif; ici on vit aux dépens d'autrui, c'est un usage ancien ; là on ne pardonne jamais, c'eft une obftination qui eft dans le fang; ici ce font des avares, des ambitieux; là des emportés & des voluptueux : ce qu'ils étoient il y a cent ans, ils le font encore aujourd'hui ; ce font les mêmes principes, les mêmes maximes, les mêmes rafinemens tout le monde eft fidéle au dépôt de ces traditions & de ces erreurs : mais fi chacun a fon vice privilégié, chaque fiécle a le fien; c'est l'exemple qui a commencé la féduction, c'est l'exemple qui le consomme. Pris d'un Auteur moderne, manufcrit & anonyme.

treprend Y a-t-il un appui plus commun des dérégletout contre mens publics, que cette frivole autorité de l'ufala confcien- ge & de la coutume au préjudice des devoirs les ce, quand plus importans de la Religion? De quoi ne fe rifé de la croit-on pas difculpé quand on peut dire : C'est la mode? On ne vit point autrement, tout le mon

on eft auto

coutume.

de fait ainsi. Tout le monde fe trompe-t-il? Dieu D. Aug damnera t il tout le monde ? Numquid omnes perSerm. 35.3. diturus eft Deus? C'est-là, dit S. Auguftin, le

langage ordinaire des mondains: mais langage faux, parce que la coutume ne prescrira jamais contre l'Evangile; point d'incident, de conjoncture, d'occafion, d'ufage particulier, de Loi générale qui puiffe abolir la Loi de Dieu; point de pays où la licence publique ait droit d'excufer l'intempérance, d'aurorifer l'immodeftie des parures, de juftifier l'ufure. Le Fils de Dieu

Tertul, de

disoit Tertullien, ne s'est pas appellé la Coutume, il s'eft appellé la Vérité: Chriftus veritatem fe, non confuetudinem nuncupavit. S'il eût dit: Je Veland. fuis la coutume, elle eût prévalu peut être à la Loi de la vérité: mais il dit: Je fuis la Vérité : c'eft donc la vérité qui doit prévaloir à la coutu

me. Le P. La Rue.

Non, le torrent de la coutume, tel que vous le fuppofiez, ne fuffit point devant Dieu pour excufer le péché, pas même pour le, diminuer ; il en augmente au contraire le poids, il irrite Dieu contre nous, il hâte le coup de fa vengeance. Eh quoi! parce que le vice eft en crédit, la miféricorde en oubli, la juftice dans le mépris, faudra-t-il que vous, homme de bien, qui voulez vous fauver, & qui voyez la coutume infulter à la vertu, vous abandonniez fon parti pour céder au caprice de la coutume? Non, au contraire, vous devez vous garantir de la corruption générale avec plus de précaution; autrement, fi vous tombez dans le mal, vous le rendrez plus incurable, en lui donnant plus de cours. Il est donc évident que la confcience eft dans l'erreur, quand elle n'a point d'autre appui de sa fûerté que la coutume courante. Le même.

La Coutume, c'eft le grand oracle du monde c'eft l'Evangile de je ne fçais combien de Chrétiens ; c'est ce vafte & large bouclier de menfonge, dont parle Ifaïe; la coutume le dit, c'eft du moins autant que fi l'Evangile le difoit. Par exemple, ces manieres de fe mettre, de fe parer, choquent la modeftie ; mais la coutume & la mode rendront auffi-tôt permis à des femmes chrétiennes ce qu'on croiroit très-féverement défendu parmi des femmes infidéles. Il y a une mode pour les habits, il y en a une pour la confcience, comme il y en a une pour le reste. Parmi

Virg. . .

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