Imágenes de páginas
PDF
EPUB

mes, fang, crêche, calvaire; cette Majefté patiente qui avoit fi long-temps fufpendu la foudre pour ne la lancer qu'à regret; cette Majesté ravillante qu'il fuffiroit de voir un moment pour être heureux toute une éternité; quand on nous aura fait jetter un coup d'œil fur ce délicieux féjour à peu près comme à ces Amalécites à qui pour mieux faire fentir leur malheur, on faifoit fixer le Soleil avant que de les priver de la lumiere. Quand on nous aura dit: Regardez la bien, cette Sion fainte, où la mort n'a plus d'empire, la douleur plus d'accès; où coulent des fleuves de paix, & dont tous les habitans font des Princes: Regardez là bien, ce fpectacle vous enchante, ce fpectacle n'eft pas pour vous. Alors les yeux du réprouvé fondront en pleurs, il s'abîmera dans la trifteffe la plus profonde, & il fe confumera par d'inutiles regrets Ibi erit fletus, &c. Luc 13.28. Le même.

Regrets du pécheur d'avoir perdu Dieu par

fa faute.

C'est donc moi, dira le réprouvé, qui fuis l'auteur de tous mes malheurs ; fi je fuis privé de l'aimable présence de mon Dieu, j'en fuis l'uni que caufe; combien de fois m'avoit il prévenu de fes faveurs? Mille & mille occafions fe font préfentées à moi pour faire une haute fortune auprès de ce Souverain; graces intérieures, graces extérieures, infpirations faintes, lumiere célefte vous m'avez mille fois preffé de fortir de l'état de damnation où je me précipitois ; & je vous ai rejettées comme des pnlées importunes qui venoient à contre-temps troubler mes plaifirs. Souvenir cruel, que tu es affligeant! Trop fidele mémoire, pourquoi fans celle me rappeller mes égaremens monftrueux? Ah! qui me fera renaître ces beaux jours que j'ai paffes? Quis mihi det ut Job. 29. 2. fim juxta menfes priftinos? Je fuis banni de la cité des Saints, exclu du Royaume des cieux : mais à

de

qui tenoit-il que ce malheur ne m'arrivât point? Etois-je né dans un pays idolâtre, dans le fond de quelque lfle barbare? Ignorois-je ce qu'il falloit faire pour m'affurer cette bienheureuse éternité, que j'ai perdue? Domeftique de la Foi, élevé dans fon fein, inftruit par des guides fidéles qui me conduifoient dans le chemin droit, que n'en profitois-je ? Pour me fauver il devoit m'en coûter quelque chofe; ne m'en a-t-il rien coûté pour me damner? Que d'obftacles à mes paffions, que contradictions à mes defirs, que d'inquiétudes & d'agitations n'ai-je point eu à fouffrir? N'importe, j'ai brifé la barriere qui m'importunoit & me lioit encore à mon Dieu & à fa divine Religion: j'ai vaincu toutes les difficultés : j'ai furmonté tous les obftacles: tout m'a paru facile pour me damner, & tout m'a femblé impraticable pour me fauver; je ne puis m'en prendre à d'autres qu'à moi ; c'est moi qui ai fabriqué, c'est ma volonté perverfe qui a formé les chaînes odieuses de péché qui me retenoient captif; quelques larmes, quelques jeûnes, quelques foupirs, quelques actes du divin amour euffent expié mes crimes; le fang de Jefus-Chrift Sauveur couloit alors fur l'Autel, il demandoit grace pour moi; & mainte nant il ne parle plus que pour prononcer l'arrêt Matth. 14. formidable de ma féparation : Difcedite à me, maledicti. Retirez-vous de moi, maudits. ĽAuteur, Sermon de l'Enfer.

41.

Plus d'ef pérance pour le ré prouvé de

retrouver

Ne nous étonnons plus de ces plaintes ameres que pouffoit le faint Roi David, & de ces larmes intariffables dont il arrofoit fon lit, lorfque fes ennemis venoient lui demander où étoit fon Dieu: Ubi eft Deus tuus? Où eft ton Dieu, fe demandera le réprouvé? Ah! il eft où tu ne feras jaPf. 41. 5. mais il eft dans le ciel, dans ce féjour de délices fermé pour toi; il eft où tu devrois être.

jamais fon Dieu.

Thren. 3

'Ah! c'en eft donc fait, il n'eft plus pour moi de Dieu bon, de Dieu rémunérateur: Periit finis meus. O rage! ô défespoir ! j'ai perdu mon Dieu; 18. eft-il douleur égale à la mienne? Je pouvois compter entre mes biens la jouiffance de Dieu, j'avois commencé à le pofféder par la grace, je pouvois en avoir la poffeffion entiere par la gloire, c'est pour cela que j'étois né, je pouvois être Roi: mais encore, de quel Royaume ? D'un Royaume éternel. Je pouvois être heureux: mais encore, de quelle béatitude D'une béatitude immenfe & infinie ; & me voici dépouillé de tous ces biens, dépoffédé, deshérité. Ah! quel adouciffement feroit-ce à ma douleur, fi après un million de fiécles écoulés dans ce lieu de tourmens, je pouvois racheter ce que j'ai perdu. Grand Dieu, n'en feroit-ce pas affez pour fatisfaire à votre justice ? Que font devenus ces jours anciens où vous vous montriez fi doux, fi miféricordieux, fi prompt à pardonner? Pleurez, infortuné pécheur, plus rien à efpérer pour vous;

la

perte que vous avez faite eft une perte irréparable. Jamais, non jamais vous ne pofféderez Dieu : jamais vous ne le verrez dans la terre des vivans: Non videbo Dominum Deum in terrâ viven tium. Le même.

If. 38. 117

Sur le mê

me fujet.

Faut-il pour furcroît d'affliction, dira le réprouvé, , que tous mes gémiffemens ne puiffent arracher à mon Dieu une parole de confolation? Je crie vers lui, & il eft auffi fourd à ma voix qu'insensible à mes miferes: Clamo ad te, & non Job. 30. 207 exaudis me. Je me préfente à lui, & il ne daigne pas me regarder: Sto, & non refpicis. J'étale à fes yeux le nombre & la grandeur des maux qui m'affiégent; & il oublie tout ce que je fouffre; ou, s'il pense à mes premieres douleurs, ce n'eft que pour en faire fuccéder d'autres également

Ibid.

Pf. 43. 24. dures & infupportables : Oblivifceris impia noftra, tribulationis noftra. Je lui répéte que je fuis l'ouvrage de ses mains, qu'il ne hait rien de ce Sap.11.25. qu'il a fait: Nihil odifti eorum qua fecifti ; & que me répondt--il ? Qu'il me hait de tout fon cœur; & que plutôt il ceTera d'être Dieu, que de ceffer Pf. 18. 22. de me haïr: Perfecto odio oderam illos; de-là ces blafphêmes exécrables, ces impuiffantes imprécations, qui n'auront d'autre effet que d'augmenter le défefpoir; de-là cette haine implacable mêlée d'un amour néceffaire; il aimera Dieu comme fon centre & fa fin derniere, il le haïra comme fon ennemi; il l'aimera comme étant feul capable de remplir fes defirs, il le haïra comme fe refufant à fon impatience; d'une part il voudroit l'anéantir & le damner avec lui; de l'autre il fouhaiteroit d'être admis dans fon Royaume. O amour! vous ferez fon martyre: fon crime fut de vous éteindre fur la terre, fon fupplice fera de ne pouvoir vous étouffer dans les enfers: ô haine, vous ferez fon tourment, parce que jamais il ne viendra à bout de vous fatisfaire: ô haine! ô amour! impérieufes paffions, vous déchirerez fon cœur tour à tour par une guerre cruelle où il fera tout à la fois le vainqueur & le vaincu : mais toujours également à plaindre dans fa victoire, ou dans fa défaite. Le P. Dufay, Sermon de l'Enfer, & un Auteur manuferit anonyme.

Dans les Réflexions Théologiques & Morales il y a bien des chofes qu'on peut amener en preuves de cette premiere Partie.

Preuves de

Que fera-ce, Chrétiens, fi portant nos réflela feconde xions plus loin, nous confidérons en elles-mêmes les flammes dévorantes dont le pécheur damné eft invefti de toute part? fupplice qui paffe infiniment tout ce que l'imagination peut concevoir de plus horrible: oui, les réprouvés dans les Enfers

Partie.

Il y a dans

PEnfer un feu réel.

brûlent & font enfevelis tout vivans dans un océan de feu qui ne s'éteindra jamais. Représentez-vous ici le terrible naufrage des Egyptiens, lorsque le Ciel éclattant contre eux en foudres & en tonnerres, les précipita confufément dans les vaftes abîmes de la mer; ce fut fans doute un fpectacle effrayant, mais qui n'eft encore qu'une très-foible image de l'état de l'Enfer. Ici ce n'eft pas un feul royaume, une feule nation de la terre, ce font des milliers d'hommes de toutes les parties du monde, de tout état, &c. Ce n'eft point un accident paffager que le défespoir de la mort puiffe en quelque façon terminer; c'eft un état fixe de malheurs où il n'y a plus de retour: tant que Dieu fera Dieu, les réprouvés brûleront avec des douleurs inconcevables, fans que le feu de la vengeance divine qui les dévorera, perde jamais rien de fon épouventable activité. Feu réel, & non en figure: c'est une vérité que toute l'Ecriture nous attefte, & fur laquelle Jesus-Chrift a parlé dans les termes les plus précis & les plus clairs: feu qui furpaffe en rigueur, non-feulement le feu commun qui brûle fous nos yeux, mais tous les tourmens que la barbarie des tyrans a jamais pu inventer. Pris d'un manufcrit attribué au P. Codolet.

Le feu dont nous redoutons fi

fort les moindres

Le feu que nous voyons, & dont les moindres atteintes nous caufent des douleurs fi vives & fi cuifantes; ce feu, dis-je, tout feu qu'il eft, n'eft après tout qu'une foible peinture de celui de l'Enfer. Vous êtes faifis d'horreur quand vous lifez atteintes, dans les Hiftoires faintes par combien de diffé- n'a rien de rentes manieres la fureur des tyrans a fait agir comparal'activité du feu fur le corps des Martyrs : vous voyez les uns étendus fur des charbons ardens pour les faire pénétrer infenfiblement par un feu également cruel & lent; vous voyez les autres enfevelis, pour ainfi dire, fous des brafiers allu

ble au feu

de l'Enfer.

« AnteriorContinuar »