C'est à cette Chambre que l'on enregiftre encore les fermens de fidelité que font au Roi les Archevêques, les Evêques, les Abbés d'Abbéies roiales & les Chefs d'ordres fujets aux droits de régale. La Chambre des Comptes juge fouverainement de toutes les matieres qui concernent la recette & la dépenfe des Finan ces, examine les comptes du Tréfor roial & ceux de la Maifon du Roi & des maifons roiales, & generalement tous les comptes. Les autres Chambres des Comptes des Provinces font obligées d'envoier tous les ans à celle ci les doubles des comptes de leurs Provinces, afin qu'elle ait une connoiffance generale de toutes les Finances de l'Etat, & bien d'autres chofes qu'il feroit trop long de raporter. Le bâtiment de la Chambre de Comp. tes a été regardé autrefois comme un édi fice remarquable & de quelque diftins Яtion. Il fut commencé fous Charles VIII. & achevé par les foins particuliers du fage roi Louis XII. dont la devise est repétée en plufieurs endroits. C'est un porc-épic avec ces paroles, COMINUS ET EMINUS. Cet édifice eft fitué à une des extré mite de la cour du Palais, prefque visà-vis du frontifpice de la Sainte-Chapelle. La façade eft fort chargée d'orne mens Gothiques & de sculptures confuses, cependant affez proprement terminées. Il y a quantité de fleurs-de lys avec des palmes & des rinceaux, plufieurs feuillages en enroullemens, & mille caprices de cette forte. Les quatre vertus cardinales de grandeur naturelle, font placées dans des niches entre les croifées, au milieu defquelles eft la figure de Louis XII. revêtu de fes habits roiaux, tenant le fceptre & la main de justice. Jamais Prince ne mérita plus juftement que lui ces attributs, puifque tous les hiftoriens françois & étrangers qui parlent de fon regne heureux, en ont fait des éloges extraordinaires : ce qui a donné matiere à un auteur moderne des plus fideles & des plus eftimez, d'en dire des chofes qui méritent bien d'être rapor tées dans l'occafion qui se présente ici. Il fe plaifoit à la lecture des bons Livres, & cheriffoit & avançoit les gens de lettres, mais beaucoup plus ceux qui étoient capables d'inftruire & de fervir, que ceux qui ne l'étoient que de flater & de plaire. La pofterité lui confervera à jamais le furnom de PERE DU PEUPLE, qui lui fut donné de fon vivant. Jamais Prince ne fut tant aimé que lui. Par tout où il alloit il n'entendoit que des cris de joie formez dans le cœur avant que de paßer par la bouche, que des louanges fans flaterie, que des bénédictions, qui font les plus doux concerts dont les oreilles d'un Prince genereux & fage puiffent être flattées ; auffi jamais Roi ne chérit plus tendrement fes peuples, & ne les épargna davantage. De peur d'être obligé de les foaler, il faifoit peu de liberalitez, parce que dans an tems de dépense comme eft celui de la guerre, où les revenus ordinaires ne fuffifent pas, elles ne fe peuvent faire qu'aux dépens des fujets, & souvent au dommage de l'Etat. Il ne fouffroit pas que le peuple fut la proie des grands ni des gens de guerre, aussi il avoit fi bien reglé ceux-ci, que les Provinces lui demandoient fouvent comme une grande grace, qu'il leur envoiât des com‐ pagnies de fes hommes d'armes. On le vit plus d'une fois avoir les lar mes aux yeux quand la néceffité le forçoit d'impofer quelque petit fubfide; & dans la vue qu'il avoit des diffipations que le luxe lavaine prodigalité de François I. cauferoient après la mort, il difoit en soupirant: Ah! nous travaillons en vain, ce gros garçon gâtera tout, MEZERAY in 4. tom. 2. pag. 407* édition 1690. Ce grand Prince eft mort à Paris dans le palais des Tournelles, la premiere nuit de l'année 1515. âgé de 54 ans, après un regne de 17 ans, qui parut trop court à fes peuples & à toute l'Europe. Au commencement de fon regne, il remit une grande partie des impofitions que fes prédeceffeurs exigeoient du peuple, ce qui lui attira mille bénédictions. Le roi Louis XII. portoit ordinairement cette belle devife en broderie, fur fa cotte d'armes, lorsqu'il entroit en triomphe dans quelque Ville révoltée, qui marquoit fa clémence & fa bonté. NON UTITUR ACULEO REX L'édifice de la Chambre des Comptes eft du deffein de Joannes JOCONDUS Dominicain né à Veronne, expert dans l'art de bâtir, & fort eftimé en fon tems. un C'étoit, à ce que dit l'histoire bon religieux, qui avoit fait une grande étude des beaux arts, fans avoir negligé les devoirs de fon état, & qui réuniffoit en fa perfonne plufieurs qualitez qui rarement le trouvent enfemble. Il avoit été maître de Scaliger & du fameux Bude pour les belles Lettres ; & après la 1 mort de Bramante, il fut choisi pour la conduite de la fuperbe fabrique de faint Pierre de Rome. On a de lui d'excellen res notes fur Vitruve, & fur les Commentaires de Céfar; le Pont de bois deffiné dans ce dernier ouvrage, eft de fon imagination. Felibien ajoute à fon fujet, dans fon hiftoire de la vie des Peintres, que ce fut par les foins que l'on trouva par has zard dans une boutique de cette Ville, la plus grande partie des Epitres de Pline, qui depuis furent imprimées par Alde Manuce. S'étant attaché au fervice du Roi Louis XII. qui l'aimoit beaucoup, à caufe de la vertu, il entreprit l'édifice du Pont Nôtre-Dame, & du petit Pont, comme on le dira en fon lieu. Dans une des chambres il y a quelques anciens tableaux affez curieux, qui representent au naturel des Princes & des Princeffes de la Cour de Charles V. & |