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L'ENTRÉE DU JARDIN.

C'est pourquoi, dans ce lieu fauvage,'
Tous les hommes feront amis,

Et tous les langages admis.

Ici commence la carrière
D'un doux & champêtre loifir;
Chacun, au gré de fon plaifir,
A chaque borne milliaire,
Pourra pourfuivre ou s'arrêter:
Dans la carrière de la vie,
Par le fort ou la fantaisie,
Chacun fe fent précipiter;
Mais, pour ne jamais culbuter
Dans l'abîme de la chimère,

Le feul moyen, c'est de bien faire,
Ou bien de favoir s'arrêter.

C'eft ici l'entrée du parc, dont je vais essayer de donner une idée. Je fais combien les mots font infuffifans pour décrire ; ce n'est point avec leur fecours qu'on peut faire connoître les formes exactes d'un pays, & les defcriptions font toujours au deffus ou au deffous de ce qu'on veut représenter; il faut avoir recours au deffin pour rendre des paysages: auffi l'emploierai-je pour faire connoître quelques uns des fites les plus intéreffans de ces jardins. Dans un lieu où le goût a préfidé par-tout à embellir la nature, & a produit des tableaux auffi variés que pittoresques,

ce qu'il y avoit de plus difficile étoit de favoir faire un choix, afin de ne pas rendre trop volumineux un Ouvrage dont le but eft de fervir de guide à ceux qui parcourent ses promenades; mais poursuivons la nôtre. Ce fentier ombragé qui fuit le cours de la rivière, conduit à une grotte tapiffée de plantes rampantes, de toute espèce, qui contribuent à lui donner un air de vétufté; entre plufieurs voûtes de rochers, on aperçoit la cafcade, que la couleur fombre de la grotte fait paroître plus brillante. C'est du banc de mouffe qu'il faut jouir de cet effet d'eau qui eft agréable aux yeux, & porte l'ame à une mélancolie douce & tendre. Vous apercevez dans une retraite, en face de vous, cette inscription imitée du Poëte Shenstone :

Nous Fées & gentilles Naïades,
Etabliffons ici notre séjour :

Nous nous plaisons au bruit de ces cafcades,
Mais nul mortel ne nous vit en plein jour:
C'eft feulement quand Diane, amoureufe
Vint fe mirer au criftal de ces eaux,

Qu'un Poëte a pensé, dans une verve heureuse
Entrevoir nos attraits à travers les rofeaux.
O vous qui vifitez ces champêtres prairies,
Voulez-vous jouir du deftin le plus doux ?
N'ayez jamais que douces fantaifies,
Et que vos cœurs foient fimples comme nous.

Lors,

-CAS CADE SOUS LA GROTTE.

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