Il lui lit celui-ci : Di penfier in penfier, di monte in monte, a De penfers en penfers, de montagnes en montagnes l'Amour me guide, & fur le premier rocher » mon imagination se plaît à deffiner fon chiffre »>. Ici tout est plein de l'image de Julie; elle ne peut faire un pas fans en avoir de nouvelles preuves, Madame de Wolmar, touchée de tant d'amour, va redevenir Julie; elle le craint; elle prend le bras de Saint-Preux, & Jui dit: Allons-nous-en, mon ami, l'air de ce lieu n'eft pas bon pour moi. Quelle différence, me dira-t-on, de ces monts qui s'élèvent dans les nues, de ces rochers qui fe perdent dans les airs, de ces fapins auffi vieux que le monde, à ces objets qui font devant moi? J'en conviens; mais ceci en eft le tableau en miniature. L'imagination qui voudroit vous tranfporter dans ces lieux confacrés par la profe de Rousseau agrandit les objets : fi le charme de la lecture de l'Héloïfe, ou les fouvenirs délicieux de cet Ouvrage viennent s'y joindre, alors l'illufion eft complète, & vous n'êtes plus à Ermenonville.. Dij Mon conducteur, en m'avertiffant qu'il falloit continuer la promenade, produifit fur moi l'effet du réveil, après un fonge agréable. Je fuivis le fentier le long du lac, qui, refferré par une île, prend la forme d'une petite rivière. La vue eft arrêtée, à droite, par des arbres plantés fur le rivage; à gauche, on découvre une montagne de bruyères, couronnée d'une forêt de pins. Ce caractère fauvage & retiré prête un charme fi grand à ce paysage, qu'on ne peut s'empêcher de dire avec Rouffeau: La Nature fuit les lieux fréquentés; c'eft au fond des forêts, au fommet des montagnes, & dans les déferts qu'elle étale fes charmes les plus touchans. Que ceux qui ne craignent ni les ardeurs du foleil, ni l'âpreté des montagnes, fuivent les hauteurs du défert en côtoyant le bois de pins qui couvre le fommet de la côte. La beauté, la variété des aspects & des paysages qu'ils trouveront fur leur route, les dédommagera de la fatigue; mais, je le répete encore, il eft des beautés dans la Nature qui ne peuvent être fenties que par des Artistes ou des gens de goût; c'eft pourquoi l'on a fait paffer la promenade au bord de l'eau, pour l'abréger & la rendre moins pénible. Les effets qu'elle préfente ne font pas auffi impofans, mais ils n'en font pas moins agréables. A l'endroit où la rivière vient rejoindre le lac, on traverfe une chauffée qui le sépare d'avec une autre pièce d'éau beaucoup plus petite. On y a conftruit une baraque, appelée la Maifon du Pécheur. C'est un banc abrité, d'où l'on jouit de deux vues d'un genre dif férent; l'une eft celle du lac dans fa plus grande étendue, l'autre eft celle d'une partie de l'abbaye de Chaalis qu'on aperçoit a travers les groupes d'arbres. La petite pièce d'eau fait le devant de ce payfage, qui rappelle le genre de Ruifdall & de Vangoyen. En quittant la maifon du Pêcheur, entrez, à droite, dans un bois planté fur une côte... D'abord les arbres ne vous laiffent qu'entrevoir les eaux du lac; mais bientôt on arrive far fes bords, d'où l'on découvre toute la côte de J. J. & la forêt de pins. Je ne veux point effayer de décrire les charmes de cette promenade; cette tâche feroit trop au deffus de mes forces; je ne pourrois jamais rendre les effets du foleil couchant, dont les derniers rayons viennent dorer les rochers, & forcer encore la teinte noirâtre des arbres verts, le calme enchanteur qui règne autour D iij 1 des eaux après le coucher du foleil, l'odeur fuave & délicieuse dur muguet, dont la Nature a pris foin de tapiffer la colline de la gauche. C'est dans les premiers jours de Mai que cette délicieuse fleur répand fon doux parfum; c'eft auffi dans ce temps qu'il faut voir Ermenonville; c'est dans la jeuneffe de la nature qu'il faut venir l'admirer. En remontant la colline boifée, vous arrivez au banc des genevriers, d'où l'on a pris une vue fort agréable de la paroiffe d'Ermenonville. Non loin de là vous traverfez un grand chemin de fable; c'est une communication de village on n'a point cherché à en féparer la partie du parc appelée le Défert. Dans un endroit où la Nature n'eft belle que de fes propres beautés, elle appartient à tout le monde, & tout le monde doit en jouir. Si l'on apercoit de temps en temps des pâlis, ils n'ont point été faits pour en défendre Pentrée, mais feulement pour empêcher que les bêtes fauves ne viennent détruire les arbres verts. Ce chemin fépare le Défert de l'enclos de la Prairie. L'oeil, fatigué des grands effets de la Nature & de la couleur laqueufe des bruyères, des tons dorés, des fables, & des feurs de genêt, va fe rep fer avec un nou veau charme fur ce vert tendre & doux qui |