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Vous débarquez au pied de cette tour, 2 Laquelle eft appuyée une maison d'un genre plus moderne, qui paroît devoir être celle du Batelier. Cette fabrique eft fituée fur le point le plus élevé d'une île, & préfente, dans fes différens afpects, des tableaux trèsagréables: fon ftyle, fa couleur, & fa conftruction perfuaderoient qu'elle existoit effectivement du temps de la belle Gabrielle ; fon élévation & fes acceffoires la font paroître très-considérable. Elle eft jointe à une petite tour carrée, par une porte gothique, fur laquelle on lit:

En cette tour, droit de péage,

La belle Gabrielle avoit;

C'eft de tout temps qu'ici l'on doit
A la beauté foi & hommage.

A côté de cette porte, vous voyez le trophée des armes de Dominique de Vic: il elt au deffus d'un monument dont la face principale eft occupée par un bas-relief repréfentant la bataille d'Ivry, où cet ancien Seigneur d'Ermenonville reçut un coup de feu qui lui caffa la jambe, comme on le voit par cette infcription:

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C'eft ici le trophée de Dominique de Vic, dit Sarrede. Il eut la jambe emportée d'un boulet de canon à la bataille d'Ivry, où il étoit Sergent de bataille. Son amour pour Henri IV étoit û grand

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que paffant par la rue de la Féronnerie deux jours après la perte horrible de ce bon Prince, il y fut faifi d'une telle douleur, qu'il en tomba presque mort fur la place même, & en expira le lendemain.

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Ses armes à toi pour toujours.
O mon cher, mon bien aimé Maître !
J'ai déjà, fous ton étendart,
Perdu de mes membres le quart ;
Te voue ici mon reftant être.

Que fi d'un pied marche trop lent pour toi,
Point ne défaudrai meilleure aide;

Car pour combattre pour fon Roi,
L'amour fera voler Sarrede.

L'idée qu'on fe forme de l'antiquité de cette tour, n'est point du tout détruite par le style de l'intérieur ; il répond parfaitement à celui du temps où elle eft censée avoir été conftruite.

On entre d'abord dans une cuifine gothique, voûtée, & foutenue dans le milieu par un gros pilier, fur lequel on a écrit ce couplet :

Sur l'Air: De la belle Gabrielle.

De ce bon Henri IV

Vous voyez le féjour,
Lorfque las de combattre,
Il y faifoit l'amour.

Sa belle Gabrielle

Fut dans ces lieux,

Et le fouvenir d'elle

Nous rend heureux (1).

La falle du Paffeur, que vous traversez enfuite, eft meublée en natte: l'escalier de bois qui eft en dehors de la maison, vous mène dans la chambre du Batelier; elle communique au falon de la tour, décoré de fix colonnes cannelées, foutenant une coupole. Au deffus d'une des portes, on a mis un buste d'Henri IV, au deffous duquel on lit :

Un Roi qu'on aime eft un Dieu fur la terre.

Un petit escalier qui donne dans le falon, vous fait parvenir fur la plate-forme du bâtiment, d'où vous découvrez un aspect magnifique, & d'autant plus agréable, que la forme circulaire de la tour en augmente la variété, parce que votre œil ne peut embraffer à la fois qu'une petite partie du pays.

Vous apercevez tout le développement de la rivière qui ferpente à travers les prairies: la vallée du midi eft bornée par le château ;

(1) Ce Couplet eft de M. Sedaine, de l'Académie Françoife,

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plus loin, vous voyez quelques maifons du village paroître à travers les arbres; elles prennent pour fond toute la maffe de la forêt: à l'eft, vous retrouvez les hauteurs du Défert, le lac qui vient baigner le pied des rochers de Jean-Jacques ; c'est là que vous vous êtes arrêtés pour regarder un joli tableau ; c'est ici que vous avez paffé: on jouit deux fois d'une promenade agréable, quand on revoit, d'un feul point, la plus grande partie du pays que l'on a parcouru.

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Si vous reportez votre vue vers le nord vous apercevez l'abbaye de Chaalis qui s'élève du milieu des bois, & qui fe détache fur des fonds vaporeux dont la teinte bleuâtre fe dégrade & s'unit avec celle du ciel; vous découvrez auffi la côte fertile de mont Epiloy, dont le village & la tour font un fi bon effet de la terraffe du château.

A l'oueft, au pied des côtes fablonneuses, couronnées par le bois de Perte, on voit une vigne, au milieu de laquelle eft construite, à côté du preffoir, une fabrique d'une jolie forme, fur le modèle d'un temple de Bacchus, qui fubfifte encore dans les environs de Rome; ce bâtiment eft le logement du Vigneron.

Lorsqu'on eft defcendu au pied de la tour,

il

il faut prendre le premier fentier qui fe pre fente; il paffe au milieu d'arbres verts d'ef pèces différentes, & se divife, à l'entrée d'une voûte de lilas, en deux branches, qui se réuniffent au pont que l'on traverse pour fortir de l'île: elle est plantée d'arbustes, mais on défireroit encore y trouver des fleurs de toutes espèces, dont les odeurs parfumeroient délicieufement l'air; l'île de Gabrielle doit être le bofquet de l'amour.

Toute la partie qui vous fait face eft rem plie de vignes, de potagers, & fe joint à l'enclos des cultures (1); un fentier qui prend

(1) J'ai entendu dire que M. de Gérardin avoit divise en différens enclos la partie de la plaine la plus proche du village; que fon intention étoit d'y faire bâtir des métairies, pour les donner aux gens les plus vertueux de la paroiffe, d'établir un prix d'encouragement pour augmenter l'émulation, & de tâcher, par des effais fur l'agriculture, d'approcher des Anglois dans un art qu'ils ont fi fort perfectionné.

Si jamais cet exemple pouvoit déterminer à divifer les terres en petites cultures, au lieu de les réunir en une feule ferme qui n'enrichit qu'un seul homme, tandis qu'elle fuffiroit pour faire vivre dans l'aifance tous lea habitans d'une paroiffe, M. de Gérardin auroit rendu un grand fervice à fes femblables & à fa patrie; car la fource de la vraie richeffe eft dans l'agriculture, comme la fûreté Pun Gouvernement dans le bonheur des peuples,

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