pour saisir l'ensemble du parc dans les deux vues de la maison. Celle du midi offre un tableau composé dans le genre de Claude Lorrain : on croiroit que cet Artiste en a deffiné les plans & les masses: cette agréable composition est toujours animée par une quantité de figures & de bestiaux qui passent continuellement sur le pont & le chemin du village. Les formes du terrain ont été fi bien fuivies, qu'on ne peut imaginer que ce sfite n'ait pas toujours été le même, & qu'il soit entièrement l'ouvrage de l'art. Cependant des bâtimens environncient encore il y a peu d'années une cour carrée où l'on n'entroit que par une grille de fer. Une porte gothique, flanquée de tourelles, à laquelle se joignoient des murs à créneaux, défendoient l'entrée du château : la rue du village se trouvoit enfermée entre ces murs & ceux qui servoient de clôture à des potagers. Au delà de ceuxci régnoit, dans toute la largeur du vallon, une chauffée d'étang de 60 toises de longueur, plantée de tilleuls, qui formoient une promenade régulière : au milieu de cette digue étoit un grand escalier en pierre de taille, qui descendoit dans les potagers, divisés par différens canaux. Ces formes symé 1 triques ne tardèrent point à disparoître lorf que M. de Gérardin devint Seigneur d'Ermenonville. Bientôt les murailles furent abattues & la forêt découverte. Pour en rompre la ligne, on a placé sur une hauteur qui est en avant des bois, un Temple, construit d'après celui de Tivoly; le grand escalier de pierre a fait place à une chûte d'eau; elle forme une rivière qui tombe en cascade dans les fossés du château : les canaux ont été comblés, les potagers détruits; un joli gazon les remplace; la digue est masquée par des plantations qu se joignent aux plants de la forêt, & qui rompent la monotonie de sa forme. Un pont de bois établit la communication entre les deux parties du village qui se trouvent entièrement cachées. La grille de fer est enlevée; la cour & l'avant-cour sont dépavées; un gazon vient les lier au paysage dont elles font partie: des arbustes, des fleurs forment de la cour un jardin agréable, & fur le tapis de verdure qui s'étend au milieu, on a planté un groupe d'ormes qui fert de repoussoir au paysage: c'est ainsi qu'on a vu le séjour le plus triste se métamorphofer en un fuperbe tableau. Lorsque le génie commande, la nature obéit. Du même salon où l'on est placé pour jouir de la vue du midi, en tournant les yeux du côté du nord, vous découvrez une belle rivière qui ferpente dans une vaste prairie : ce tableau fait un contraste frappant avec celui que vous quittez; il porte avec lui un caractère mélancolique & doux. Si le côté du midi a besoin pour l'effet des rayons brillans du soleil levant, il faut au contraire pour embellir le côté du nord, les rayons affoiblis du foleil couchant; il seroit bien difficile de faire un choix entre ces deux aspects. Je fais que le tableau du midi doit plaire davantage aux Artistes; la composition en est plus riche, la couleur plus variée, la scène plus animée ; mais je crois que l'homme sensible donnera la préférence à celui du nord: il y règne toujours ce calme enchanteur, qui plaît fi fort à l'ame; elle peut s'y répaître de souvenirs agréables, d'idées douces, s'y bercer d'aimables chimères, tandis que du côté du midi elle feroit toujours distraite par le bruit des cascades, par le mouvement du paysage, & fe fatigueroit enfin d'une situation qui ne lui permet pas de s'occuper des sentimens qu'elle éprouve. Le tableau du nord étoit moins difficile à deviner; mais la situation en étoit encore plus désagréable que celle du midi: un marais remplissoit la vallée dans toute son étendue, |