GENERAL. di la poësie des Hébreux. Lifés la fa- Poëfie. l'orig. de la M. Fleuri va même jusqu'à compter Difc. fur les livres de l'Ecriture qu'il croit poe-ori tiques, sçavoir, le livre de Job, les Hébreux. Cantiques de Moise, des Prophêtes & des autres personnes, rapportés dans les livres historiques & dans les Prophetes, le Cantique des Cantiques, les Lamentations de Jéremie, mais furtout les Pseaumes. « Quand, dit-il, de on lit d'abord ceux ci, , ou qu'on les c GENERAL. >> récite fans attention, on croit n'y POESIE EN >> voir que des paroles qui disent tou>> jours la même chose; mais plus on s'y >>> applique, plus on y trouve de diffé>> rences , plus on y remarque des pen>>> sées solides & délicates.... Il n'y a >>> pas une pensée qui n'ait sa figure, & >> cela avec une telle variété, que les >> figures changent presque à tous les >> versers. C'est une des preuves les plus >> claires du grand art de ceux qui ont >> compofé ces Cantiques : car cette va>> riété se trouve dans toutes les bon>> nes poëfies de l'antiquité... Ces fi>>> gures sont fortes, mais naturelles ; >> des interrogations, des apoftrophes, >> des exclamations: tantôt c'est le Pro>>> phête qui parle, tantôt Dieu, tantôt >>> les pécheurs. Il adresse la parole aux >>> choses les plus insensibles, & leur >>> donne de l'action & du mouve >>> ment. Dans le discours sur l'Ecriture, M. Fleuri prouve en particulier, que ce que nous admirons le plus dans les anciens Poëtes & dans les anciens Histo riens, est encore mieux dans les livres faints. Que le style d'Homere & celui d'Hérodote, mais surtout le premier, ressemblent beaucoup à celui de l'E 2 criture. Qu'il n'y a rien dans Job ni dans les Preaumes de si emporté & de POESIE EN fi peu suivi en apparence, que dans GENERAL. Pindare, & dans les chœurs des Tragédies: Que l'on apperçoit dans ces anciens Poëtes une infinité de choses de même génie, & conforme aux mêmes idées que l'on voit dans l'Ecriture : Qu'enfin l'Ecriture sainte avec laquelle les ouvrages des anciens ont tant de rapport, est aussi-bien écrite que ces ouvrages tant vantés, & peutêtre mieux. Je ne déciderai point si cette poësie des Hébreux étoit mesurée & rimée comme quelques-uns le croyent; fi leur poëtique étoit un art méthodique, un art réduit en regles : Pour réfoudre cette question difficile, & dont l'examen n'est pas d'ailleurs de mon plan, il me faudroit des connoifsances que je n'ai point. Le pere Calmet dans la dissertation dont je vous ai déja parlé, pense qu'il est fort croyable que la poëfie des anciens Hébreux ne consistoit que dans la grandeur, la nobleffe & l'élévation des pensées & du style; dans la hardiesse des expressions, dans des manieres vives & pathétiques; dans un discours concis & coupé, dans un tour plus fleuri, plus animé, plus expreffif, plus propre à peindre, & à POESIE EN mettre devant les yeux ce que l'on veut GENERAL. dire, que le discours ordinaire : Que les poëmes des Hébreux sont des productions du génie heureux, animé & pouffé de l'esprit de Dieu, qui dans fon enthousiasime, sans se contraindre à suivre les regles d'une poësie méthodique, exprime d'un style poëtique & élevé ses pensées & ses sentimens. Telle est l'idée que s'en est formé le pere Calmet, affés versé dans la langue & dans l'antiquité Hébraïque, pour en pouvoir parler avec justesse. Mais comme cette matiere est abandonnée à la difpute des Savans, je ne suis pas furpris d'entendre M. Fourmont tenir un langage fort différent dans sa Differtation sur l'art poëtique & fur les vers des anciens Hébreux, imprimée dans le tome 4. des Mémoires de l'Académie des inscriptions & belles lettres dont ce Savant est membre. On peut admirer sans risque la vaste érudition dont il fait usage, pour montrer qu'il y a eu une poësie rimée chés les anciens Hébreux, que leur langue est pleine de rimes, que les Hébreux les affectent jusques dans la profe. On peut loüer les conjectures ingénieuses qu'il a 1 l'art d'accumuler pour faire trouver poëmes & de vers, des chœurs de per- GENERAL. fonnes que les Prophètes introduisent, selon lui, dans leurs odes, les chœurs de musique qui chantoient ces odes, les refrains & les autres particularités de cette nature qui ne sont peut-être aussibien connuës que de lui. Mais on le trouvera trop hardi, sans doute, lorfqu'il décidera aussi affirmativement qu'il le fait, que l'amour de la rime a fait négliger aux Auteurs des Pseaumes & des cantiques, la proprieté des termes & le tour naturel des phrafes; peutêtre n'aura-t'on pas même la condefcendance de convenir avec lui qu'il y a plus d'utilité que ne le pense ordinairement ce qu'il appelle le commun des Savans, à faire les mêmes recherches qui font l'objet de sa differtation. Pour l'appercevoir, comme lui, cette utilité, il faudroit d'ailleurs avoir la même vûë, la même science que M. Fourmont & l'on convient qu'il y en a très-peu qui ayent l'une & l'autre. Servés-vous au moins de la differtation de ce Savant, pour y puiser une autorité de =plus, & une autorité d'un grand poids, en faveur de la haute antiquité de la : |