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Malherbe, vers. Ses Ouvrages Poëtiques ne font pas un gros volume, quoiqu'on les ait divifés en fix Livres. Ils confiftent en quelques paraphrases de Pfeaumes, en Odes, Stances, Sonnets, & en quelques Epigrammes; & ils ont été imprimés en diverfes formes jufqu'en 1666. que parut l'édition de Mr. Menage.

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Il faloit à la France un Homme d'une réfolution auffi ferme que lui, pour en treprendre de reformer la Poëfie Françoife & la remettre dans les bornes de la fimplicité & de la modeftie; & tout autre qui auroit eu moins bonne opinion de fa propre fuffifance y auroit perdu le courage.

Malherbe prévoyoit qu'il auroit presque autant d'envieux & d'ennemis qu'il y avoit de Poëtes vivans de fon tems, & de Partifans pour ceux qui étoient morts: mais loin de fe rebuter, il fe trouva foutenu & animé par le défir d'acquerir de la gloire cu de la diftinction dans le monde, & s'étant affuré du goût de fon fiécle, c'eft-à-dire de la portion la plus pure des honnêtes gens de fon tems, il ne douta plus du fuccès de fon entreprise. Dans l'efpérance de remporter une victoire importante fur la barbarie, il travailla d'abord à purifier notre Langue & à la fortifier (1),

ce

1. Char. Sorel, Traité de la connoiffance des bons Livres pag. 375. de la L. Fr. & Tr. du nouveau Langage François Chap. 4. pag. 395.

2. T. Les Poëtes qui ont précédé Malherbe ont mis dans leurs vers toute la politeffe alors connue. C'eft une chimére de dire que Ronfard, par exemple, fa

ce qu'il éxécuta par le retranchement qu'il Malherbe, fit des vieux mots qui la rendoient impure & fort imparfaite.

Se voyant fuivi & appuyé dans cet effai par diverfes perfonnes judicieuses, il tourna fa Critique fur la Poëfie, & afin que fes vers puffent fervir de témoignage à fa doctrine, il s'appliqua à les garantir de cette dureté & de cette rudeffe qui fe trouve dans ceux des meilleurs Poëtes d'entre fes Prédéceffeurs.

Ronfard & du Bellay qui avoient joint d'ailleurs une force de génie prodigieufe & une rare doctrine à la profeffion des vers, n'avoient pas eu tout le foin nécesfaire pour se rendre agréables; & comme la fin de la Poëfie eft de plaire autant que d'inftruire, il femble qu'ils ne s'étoient attachés qu'à l'une de ces deux parties, & qu'ils avoient crû pouvoir négliger l'autre avec d'autant plus d'affurance qu'ils favoient que les oreilles de leurs tems n'étoient pas fort délicates (2), ni des Juges fort févéres. La paffion qu'ils avoient pour les Anciens étoit caufe qu'ils pilloient leurs penfées plutôt qu'ils ne les choififfoient, & que mefurant la fuffifance des autres par celle qu'ils avoient acquife, ils employoient leurs Epithétes fans fe donner la peine de les déguiser

pour

voit que les oreilles de fes Lecteurs n'étoient pas fort délicates. Il ne pouvoit juger de cette délicateffe que par la fienne propre. Le tems d'écrire avec plus d'élégance, de douceur & d'agrément n'étoit pas encore venu. Ronfard & du Bellay n'ont pas fenti la dureté de leur élocution.

Malherbe, pour les adoucir, & leurs Fables fans les expliquer agréablement, ne confidérant pas d'affés près la nature des matiéres aufquelles ils les faifoient fervir.

Malherbe fût bien profiter de ce mauvais éxemple. Il fe rendit plus circonspect fur la fuite facheufe qu'avoient eu leurs fautes, & il devint plus fcrupuleux en ce point qu'ils n'avoient été. Il remarqua auffi, dit M. Godeau (1), que Defportes, Bertaut, & le Cardinal du Perron ayant apporté à la Poëfie toute la politesfe dont ils étoient capables, ou qu'ils jugeoient neceffaire pour la mettre dans l'état de fa perfection, il pouvoit bien à leur éxemple chercher de nouvelles graces pour parer nos Mufes qu'il voyoit fi cruellement deshonorées, & les retirer d'entre les mains de tant de petits monstres qui leur faifoient infulte.

Les licences qu'il a évitées, foit pour l'addition, foit pour le retranchement des fyllabes dans les mots; la févérité qu'il a gardée dans l'emploi des Rimes & tant d'autres régles dont on lui reproche l'invention, font des chaînes à la vérité; mais on doit les appeller plutôt des ornemens convenables à leur féxe, que des marques honteufes de leur fervitude. Et quand l'on avoueroit qu'elles font captives, il eft cerLain que cette nouvelle prifon leur eft plus avantageufe que leur ancienne liberté. Il n'y a eu que ceux qui les ont voulu faire

parler

1. Difcours de M. Godeau Ev. de G. & de V, fur les Oeuvres de Malherbe.

parler comme des Filles débauchées,qui ont Malherbej voulu condamner cette févérité dont elles font profeffion depuis cette réforme de Malherbe que Mr. Defpreaux nous a dépeinte en ces termes (2):

Enfin Malherbe vint, & le premier en France
Fit fentir dans les vers une jufte cadence:
D'un mot mis en fa place enfeigna le pou
voir,

Et réduifit la Mufe aux régles du devoir.
Par ce fage Ecrivain la Langue réparée
N'offrit plus rien de rude à l'oreille épurée.
Les Stances avec grace apprirent à tomber,
Et le Vers fur le Vers n'ofa plus enjamber.
Tout reconnut fes loix, & ce guide fidéle
Aux Auteurs de ce tems fert encor de mo.
déle.

Marchés donc fur fes pas, aimés fa pureté,
Et de fon tour heureux imités la clarté.

Cette vigoureufe éxactitude que Malherbe a obfervée dans fa maniere d'écrire, a obligé fes plus grands ennemis d'avouer qu'il étoit au moins excellent verfificateur. C'eft toute la louange qu'il a pů obtenir. de leur courtoifie, & ils n'ont point fait difficulté de lui refufer la qualité de véritable Poëte; en quoi ils ont fait connoî tre leur aveuglement, leur injuftice & leur mauvais goût, puisqu'au jugement de Mr.

2. Nic. Boil. Despreaux de l'Art Poëtique chant Vers 1.3 1. & fuiv.

I

Malherbe, Mr. Huet (1) il n'y a jamais eu de Poëte, même parmi les Grecs & les Romains qui ait mieux mérité ce titre que lui, foit à caufe de fon génie qu'il appelle divin, foit à caufe de l'heureux tour qu'il a fait prendre à notre Langue pour la renfermer dans la mesure des vers, après l'avoir purgée des taches & l'avoir tirée des grosfiéretés de fa premiére barbarie.

Mr. Godeau ne s'eft pas contenté de dire la même chofe que Mr. Huet, mais en examinant les injuftes reproches de fes adverfaires, il a fait voir que Malherbe a été non-feulement un véritable Poëte, mais encore un des plus excellens d'entre les véritables. Car s'il eft vrai que l'Art de la Poëfie n'eft qu'une imitation de la Nature, il n'eft pas aifé de trouver dans le genre de vers, qu'il a embraffé un autre Poëte qui l'ait mieux imitée. Il represente toutes chofes avec une naïveté toute finguliere, il obferve la bienféance très-religieufement, il explique les anciennes fables de fort bonne grace & d'une maniére plus couverte & plus fine que ceux qui avoient paffé parmi nous pour de véritables Poëtes avant lui; il employe même des fables de fa propre invention avec un merveilleux artifice. Outre cela il rend fon ftyle fi éclatant par les figures qui l'embelliffent, lorfque fon fujet le demande; & fi délicat, quand il ne lui permet pas de

1. Petr. Dan. Huetius, lib. de Claris Interpretib. pag. 185.

2. Aut, God, au Difcours de ci-dessus à la tête de l'édi

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