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Malherbe. Ils s'y occupérent avec une application digne de leur gravité dans le tems de leur loifir mais ce loifir ne leur permit pas d'éxaminer plus d'une de fes piéces, qui les occupa feule depuis le neuviéme jour d'Avril, jufqu'au fixiéme de Juillet de l'an 1638. c'est-à-dire, près de trois mois. Ce tems même ne leur fuffit pas pour voir toute la piéce, & de vingt & une Stances de fix vers qu'elle contient, ils furent obligés de laiffer les quatre derniéres, à caufe qu'ils furent furpris des Vacations qui furvinrent bientôt après, comme nous l'apprend le même Auteur.

Cette piéce que ces Meffieurs ont rendue encore plus célébre par leur cenfure eft la premiére du fecond Livre de Malherbe, & c'eft la Priére qu'il fit pour le Roi Henri le Grand allant en Limoufin. Ils ne furent point long-tems fans fe perfuader que s'il y a rien qui faffe voir ce qu'on a dit plufieurs fois,, que les vers

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n'étoient jamais achevés, c'eft fans doute dans la lecture de ceux de Malherbe A peine y a-t-il une Stance où ils n'y ayent rencontré quelque chofe qu'ils euffent bien fouhaité de changer, fi cela leur eût été poffible en confervant ce beau fens, cette élégance merveilleufe, & ce tour inimitable de vers qu'on trouve par tout dans ces excellens Ouvrages. Il n'y eût qu'une Stance des dixfept qu'ils examinérent, à laquelle ils ne trouvérent rien à redire. Mr. Pelliffon a remarqué qu'il eft pourtant échappé quelque chofe à leur éxactitude & à leur Criti

que

Malherbe.

que judicieufe, & toutes les réfléxions que ces Meffieurs firent durant trois mois fur une piéce de cette importance, tombérent fur quelque locution impropre; fur une faute d'impreffion dont ils ont bien voulu charger le pauvre Malherbe, & dont ils ont fort bien découvert le mal, fans en avoir pû trouver le reméde, ni Innocence même la fource, & fur quelque adjectif pour Infoen é mafculin mal placé (1). Tous ces lence. Meffieurs ne témoignérent pourtant pas toujours une fermeté d'Aréopagites ni un défíntéreffement uniforme & propre à des juges incorruptibles durant tous les trois mois que dura l'éxamen de la piéce. La tendreffe pour Malherbe amollit le cœur à quelques-uns d'entre eux, l'impa tience en faifit quelques autres,& Mr. Pellisfon nous fait connoître que Mr. de Gombaud & Mr. de Gomberville particuliérement, ne pouvoient fouffrir qu'avec une efpéce d'indignation que la Compagnie cenfurât ainfi les Ouvrages d'un grand perfonnage après la mort. En quoi ces deux Meffieurs trouvoient quelque chofe de cruel & d'inhumain, malgré les témoignages que leurs trente-huit Confréres donnoient de leur modération & de l'innocence de leurs intentions.

Mr. Ménage rapporte une chose qui peut fervir à confirmer la vérité d'un fait fi mémorable, & à faire voir la fidélité des Registres de l'Académie d'où Mr.Pel-lis

1. Le même Auteur pag. 180, 181, & dans les pages précédentes.

Malherbe. liffon l'a tiré. Il témoigne (1) qu'il avoit ouï dire à Mr. Gombaud que durant fon Directorat ces Meffieurs ayant opinć plufieurs jours avec parade pour condamner une des Stances de cette piéce, quand fon tour vint pour opiner, ce qu'il devoit faire le dernier en qualité de Directeur, il ne dit autre chofe, finon, Meffieurs, je voudrois l'avoir faite.

Après tout, Meffieurs de l'Académie n'ont pas choifi la piéce la plus importante d'entre celles de Malherbe pour en faire le fujet de leurs occupations critiques, quoiqu'elle puiffe paffer pour une des belles, & qu'elle ait mérité à fon Auteur la bienveillance du Roi Henri le Grand. S'ils euffent voulu choifir la plus belle ils auroient pris fans doute l'Ode fur le Voyage du Roi Henri IV. à Sedan, du moins est-elle l'une de celles que Malherbe eftimoit davantage; comme Mr. Ménage l'avoit appris de Mr. de Racan (2). En effet elle eft fort belle, dit cet Auteur. Les vers de fept à huit fyllabes dont elle est compofée font éxtrémement harmonieux; & quoiqu'ils foient petits, ils font beaucoup plus propres à exprimer de grandes chofes dans le genre Lyrique, que ceux de huit à neuf, de dix à onze, & de douze à treize.

Mais fi ces Meffieurs euffent voulu

choifir

1. G. Ménage, Obferv. fur le 2. Livre de Malherb. piéce 1. pag. 292.

2. Le même, Observ. sur le 3. Livre pag. 304.&c. 3. Guill

choifir la plus répréhensible & la plus pro- Malherber pre à la cenfure d'entre les Piéces de Malherbe, ils n'auroient pas manqué de prendre le Poëme des larmes de faint Pierre, qui eft une imitation ou une traduction de celui du Tanfille dont nous avons parlé en fon lieu. 11 eft vrai que la Piéce au rapport de Mr. Colletet (3) fit pleurer toute la Cour du Roi Henri III. avec faint Pierre, mais après tout, l'Auteur n'y eft pas fi poli que dans les autres Ouvrages. Auffi le compofa-t-il étant encore fort jeune, dans un tems auquel le bon goût n'étoit pas encore devenu le maître du fiécle, & où notre Langue n'étoit pas encore dans fa liberté naturelle. Mr. Ménage avoit ouï dire à Mr. Guyet & à Mr. de Racan, que Malherbe defavouoit ce Poëme (4). On ne peut pas nier, dit cet Auteur, qu'il n'y ait beaucoup de belles chofes : & comme Longin a dit de l'Odyffée, que c'étoit un Ouvrage de vieilleffe, mais de la vieillesfe d'Homere, on peut de la même maniére affurer de la piéce fur les larmes de faint Pierre, que c'eft un Ouvrage de jeuneffe, mais de la jeuneffe de Malherbe. Néanmoins il y a remarqué ailleurs une faute de jugement qui lui eft commune avec plufieurs Poëtes Chrétiens de ces derniers tems qui ont eu l'indifcrétion de mêler

3. Guill. Colletet, au Difc. de l'Eloquence pag 34. après l'Art Poëtique.

4. G. Ménage, Obferv. fur le 1. Livre de Malh pag. 257. Item 278. 279.

Tom. IV. Part. II.

B

Malherbe, mêler les chofes profanes dans des fujets qui font purement de notre Religion.

*Poëfies de Malherbe avec les Obfervations de Mr. Ménage, nouvelle édition augmentée des Remarques de Mr. Chevreau, de la Vie de Malherbe, de fes Lettres, de fa Traduction du xxx111. Livre de Tite-Live, & de fon Eloge par Mr. Godeau, fous preffe. *

LOUIS DE GONGORA ET

D'ARGOTE,

Natif de Cordouë, Poëte Espagnol, mort dans fon pays le 23. Mai 1628. âgé de 55. ans.

Louis de 1412. Gongora étoit fans contredit le

plus beau génie que l'Espagne

eût jamais produit pour la Poëfie jufqu'alors. Mais par une humeur bien différente de celle des Poëtes du commun, il ne fe fit connoître qu'après fa mort.

Ses Ouvrages font pofthumes, on en a recueilli ce que l'on a pû, & on les a publiés à Madrid plus d'une fois in-4. en 1654. à Bruxelles en 1659. in-4. & ailleurs; ils comprennent des Sonnets, des Chanfons, des Romances, des Dizains & des Letrilles, quelques piéces de longue haleine, des vers Lyriques, quelques-uns d'Héroïques, une Comédie, & quelques

mor

1. Nicol. Anton. Biblioth. Scriptor. Hifpan. tom. 2. pag. 29, 30,

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