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fecond contient d'autres Piéces Héroïques Le P.Com à diverfes perfonues illuftres & quelques mire, Eglogues. Le troisiéme comprend fes Odes & quelques Epigrammes: & l'on trouve à la fin un Difcours touchant l'art d'acquerir de la réputation en ce monde, que ce Pere avoit prononcé à Rouen l'an 1662.

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On dit que l'Auteur a fait encore depuis ce tems-là diverfes Piéces volantes de Poëfie, dont il ne nous eft pas aisé de parler, foit parce qu'elles font anonymes, foit parce qu'elles font errantes & fugitives, jufqu'à ce qu'elles foient réduites en Recueil.

Mais nous pouvons au moins dire ce que le Public juge des autres. Il faut reconnoître d'abord que le P. Commire eft un véritable Poëte, ce qui n'eft pas un petit éloge dans un fiécle qui a produit tant de Verfificateurs. Et quoiqu'il n'ait peutêtre pas toutes les parties d'un Poëte accompli, ou que les ayant toutes, elles' n'y foient peut-être pas dans une méfure égale & dans un jufte tempérament, on doit croire avec Mr. de la Rocque & quelques autres Critiques, qu'il a de la force & de l'élévation dans fes Piéces Héroiques, qu'il a la verfification grande & noble dans ce qu'il a fait de Dramatique: mais que toutes ces Piéces font au-deffous de fes Odes, qui font ce qu'on estime le plus dans tout fon Recueil (2). En effet

on

2. Journal des Savans du 23. Mai de l'an 1678. & plufieurs Critiques vivans.

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Ir.com. On prétend qu'il a affés bien pris le génie mire, & le tour d'Horace, & quoique perfonne ne l'ait encore accufé jufqu'ici d'avoir rien volé à Pindare, on ne laiffe pas d'y appercevoir quelque chofe de la hardieffe & de l'ardeur de cet ancien Poëte.

On n'a point eu fi bonne opinion des Epigrammes, & ce n'eft peut-être qu'à leur inégalité qu'on doit attribuer celle du goût public pour elles. Car on ne peut pas nier qu'il n'y en ait de belles, & qu'il n'y ait même de l'efprit dans plufieurs de celles qui n'ont pas été généralement approuvées.

Au reste nous ne devons pas douter que le P. Commire n'ait beaucoup gagné à la réfolution que le P. Rapin a prife de déloger du Parnaffe, parce que fe voyant prefque fans concurrent dans la Société depuis que le P. de la Ruë, quoique beaucoup plus jeune que lui, s'en eft retiré entiérement, il femble avoir tout lieu d'aspirer feul à la place que le P. Rapin y a occupée avec tant de fuffifance. Il la remplira fans doute, quoique d'une autre maniére que lui. Car encore que la Poëfie du P. Coinmire ne foit pas fort éloignée de l'excellence de celle du P. Rapin en plufieurs de les parties, il y a néanmoins une fort grande différence de caractére entre ces deux Peres.

Ils font nés l'un & l'autre dans un climat très-favorable aux Mufes, & fur une riviére dont les Nymphes ont été quelquefois nourrices des Poëtes, s'il m'eft permis de parler leur langage. Ainfi il y

à beaucoup d'apparence qu'ils font nés Lep.Com Poëtes tous deux, quoique la Nature ne mire, leur ait pas tourné le génie de la même maniére.

Ils ont l'un & l'autre de la vivacité mais celle du P. Rapin eft environnée d'un flegme qui la modére, au lieu que celle du P. Commire femble conferver toujours fon ardeur ordinaire.

Le P. Rapin eft plus doux & plus tempéré le P. Commire eft plus impétueux, & il garde encore prefque tout fon feu fous la neige de fes cheveux.

Le P. Rapin paroît avoir moins de rapidité: & le P. Commire moins de plénitude. Celui-là reffemble plutôt à une riviére paisible qui coule toujours également, & fans fracas: celui-ci femble tenir davantage de la nature du torrent ou de l'eau tournoyante.

Le P. Rapin s'attache particuliérement à faire paroître fon jugement par tout, & fait profeffion de lui donner le premier rang en toutes chofes : le P. Commire femble aimer mieux fuivre fon imagination, & fe rend volontiers aux premiéres follicitations que lui fait fon génie.

Le P. Rapin médite long-tems ce qu'il veut produire, il étudie fes forces, il confulte fa Mufe, il écoute Apollon, & ne laiffe pas encore de délibérer après les inspirations, en un mot il ne fait rien à la iégere: le P. Coinmire affuré de fon esprit, & de la fidélité de fes penfées, fe met d'abord en campagne, il marche le premier; & fe contentant de l'imagination

X 4

pour

mire.

Le P.Com- pour guide ou pour compagne, il fe fait fuivre ordinairement des autres fecours, que d'autres Poëtes font bien aifes quel quefois de voir devant eux.

Le P. Rapin revoit, retouche, polit, & repolit fouvent fes Ouvrages avant que de les expofer: le P. Commire produit tout d'un coup, & l'on dit qu'il a une grande facilité pour concevoir des pensées & pour les exprimer.

Le P. Rapin eft uniforme dans fon ftyle, & l'on n'y trouve que du Virgile, & tout au plus du Vida fi bien digéré, qu'on peut dire que c'est un style qui lui est propre, & qui tient le milieu entre ceux de ces deux Auteurs: le P. Commire a donné lieu à quelques fpéculatifs de croire qu'il avoit une tabatiére pleine de Virgile, d'Horace, de Lucain, de Stace, & de Claudien pulvérifés & mêlés enfemble. Mais cette imagination vient peut-être de ce que ces prétendus connoiffeurs n'ont pas encore pu attraper le caractére du style de ce Pere, foit parce qu'il n'eft pas le mêine par tout, foit parce que n'ayant pas encore pu s'en former un qui lui foit propre & particulier, il prend indifferemment & fans le favoir les maniéres que fa lecture & fes habitudes peuvent lui fournir de ces Anciens.

Enfin le P. Rapin ne reconnoît point de fureur Poëtique, & il paroît n'en avoir jamais fenti les accès. Il a prétendu même contre Platon & contre plufieurs autres Au

1. Ren. Rapin, Réfléxions fur la Poëtique Refl, s. premiére partie pag. 89, 90,

2. T. Les

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"

Auteurs (1), Qu'il n'eft nullement,, vrai, Le P.Com
comme la plupart du monde le croit, mire,
,, qu'il doive entrer de la fureur dans le
,, caractére de la Poëfie. Que bien qu'en

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effet le difcours du Poëte doive en quel,, que façon reffembler au difcours d'un homme infpiré, il eft bon toutefois d'avoir l'efprit fort ferain, pour favoir s'em,, porter quand il le faut, & pour régler fes emportemens. Que cette férénité ,, d'esprit qui fait le fang froid & le juge,, ment, eft une des parties les plus effentielles du génie de la Poëtie, & que c'est ,, par là qu'on fe pofféde. Enfin que cette fureur que Platon donne au Poëte n'est ,, qu'une pure vifion, & une chimére qu'il s'étoit formée pour décrier la Poëfie à ,, laquelle il n'avoit pu réuffir. Je m'ima gine aisément que le Pere Commire ne voudroit pas foufcrire non plus que beau coup d'autres Poëtes au fentiment du Pere Rapin, & peut-être feroit-il d'humeur à fe confidérer comme une preuve vivante de l'opinion contraire. Auffi eft-on affés perfuadé dans le monde qu'il eft fouvent rempli de la fureur Poëtique, & plein de l'enthoufiafime qui emporte les Poëtes au-desfus des autres hommes. Il paroît même avoir le caractére affés propre pour le genre Dithyrambique. Mais dès que ce Poëte fe trouve dépourvû de cette fureur divine, vous diriés un Samson tondu (2) qui a la Langue & la main liée.

MR.

2. T. Les cheveux apparemment étoient revenus à ce Samfon lors qu'il fit l'Afinus in Parnasso, PA finus judex, & l'Afinus ad lyram.

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