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fçachant bien que je n'avois pas le pied marin, défendit à tous les Matelots de la Chaloupe d'en fortir que je ne fulle dans le Navire; chacun fit de fon mieux pour m'en donner les moyens, & ne me plaifant point là, j'y aportois de mon côté tous mes foins : Le Capitaine croyant y reüffir mieux que les autres, me tendit une corde que je faifis d'abord, & la ferrant bien fort de peur qu'elle ne m'échapât, je montai fur le bord de la Chaloupe; mais je n'y eus pas fi-tôt les pieds, qu'une vague me l'enleva de deffous, & je demeurai pendu à la corde fort mal à mon aife, & en trés-grand danger d'être emporté par une vague, mes pieds touchant à l'eau. Je ne perdis point la tramontane, & fongeant férieufement à me fauver du peril où j'étois, j'aperçus un petit bord de planche, où j'apliquaile bout d'un pied, il me fervit d'apuy, & à l'aide de mes bras, grimpant le long de la corde, je me mis bien-tôt à portée d'autres bras qui étoient tendus pour me fecourir, & qui acheverent de me tirer d'affaire.

La corde aux Normands fi funefte,
Fut là pour moy d'un grand fecours,
Le Ciel ne voulant pas fi-tôt finir mes jours,
Qu'il prenne long-temps soin du refte.

Les Matelots que j'avois laissez dans la Chaloupe, ne furent pas moins embaraffez que moy pour en fortir, je ne craignois plus rien, & j'eus le plaifir de voir les plus allertes grimper avec autant de peine aux échelles des Haubans, que j'avois fait à une fimple corde. Quand je me vis fur le pont du Navire au milieu de vingt-deux hommes d'équipage je me crûs en fûreté, & je ne fongeai qu'à décrire le peril où je venois de me

trouver.

C'eft fe confoler en Poëte

Tout peut exciter fes transports
Sa Mufe toûjours trop folette

Se fait un jeu des maux de l'efprit & du corps,

On apareilla, & l'on prit plufieurs bordées pour tâcher de s'élever ; mais on y travailla vainement tout le jour; le vent qui devint contraire ne nous permit pas de paffer les Pertuits d'Antioche, nous y fûmes contraints de relacher, & de revenir moüiller le foir au même lieu d'où nous étions partis le matin. J'y paffai la nuit affez tranquillement; cependant le bruit du Gouvernail me chicannoit, & je ne dormis pas fi à mon aife dans le Navire que je faifois dans ma

chambre à la Rochelle. On remit à la voile dés le point du jour, le vent étant affez favorable, & en moins de trois heu res de temps, nous allâmes plus loin que nous n'avions fait la veille en toute la jour née, & nous perdimes bien-tôt la terre de vûë.

Ce jour le paffa bien, quand je fus loin fyr
l'Onde,

Je pris plaifir à voir cette machine ronds
Que compofe le Ciel & l'eau

Qui n'auroit jamais vû la terre en fon niveau
Auroit crû que nôtre Vaiffeau

Marquoit le point central du Monde.

Le vent devint plus frais fur le foir, & groffiffant peu à peu, il rendit la Mer allez rude pendant toute la nuit; les Matelots en eurent plus de peine, mais je ne m'en fentis point, je dormis fort bien jufqu'au point du jour, & alors une pluye abondante & continuelle fe joignant à un vent furieux, sembloit vouloir égaler fa violence.

Nous foûtimes long-temps leur choc impe

tueux,

Et ne pouvant tenir contre eux

Les Matelots que j'avois laiffez dans la Chaloupe, ne furent pas moins embaraffez que moy pour en fortir, je ne craignois plus rien, & j'eus le plaifir de voir les plus allertes grimper avec autant de peine aux échelles des Haubans, que j'avois fait à une fimple corde. Quand je me vis fur le pont du Navire au milieu de vingt-deux hommes d'équipage, je me crûs en fûreté, & je ne fongeai qu'à décrire le peril où je venois de me

trouver.

C'eft fe confoler en Poëte,
Tout peut exciter fes tranfports
Sa Mufe toûjours trop folette

Se fait un jeu des maux de l'efprit & du corps.

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On apareilla, & l'on prit plufieurs bordées pour tâcher de s'élever ; mais on y travailla vainement tout le jour; le vent qui devint contraire ne nous permit pas de paffer les Pertuits d'Antioché, nous y fûmes contraints de relacher, & de revenir moüiller le foir au même lieu d'où nous étions partis le matin. J'y paffai la nuit affez tranquillement; cependant le bruit du Gouvernail me chicannoit, & je ne dormis pas fi à mon aife dans le Navire que je faifois dans ma

chambre à la Rochelle. On remit à la voile dés le point du jour, le vent étant affez favorable, & en moins de trois heu res de temps, nous allâmes plus loin nous n'avions fait la veille en toute la jour née, & nous perdimes bien-tôt la terre de vûë.

que

Ce jour le paffa bien, quand je fus loin fur
l'Onde,

Je pris plaifir à voir cette machine ronds
Que compofe le Ciel & l'eau

Qui n'auroit jamais vû la terre en fon niveau
Auroit crû que nôtre Vaiffeau

Marquoit le point central du Monde.

Le vent devint plus frais fur le foir &groffiffant peu à peu, il rendit la Mer affez rude pendant toute la nuit; les Matelots en eurent plus de peine, mais je ne m'en fentis point, je dormis fort bien jufqu'au point du jour, & alors une pluye abondante & continuelle fe joignant à un vent furieux, fembloit vouloir égaler fa violence.

Nous foûtîmes long-temps leur choc impe

tueux,

Et ne pouvant tenir contre eux,

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