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Ils reviennent quelques jours aprés & du Gibier qu'ils ont attrapé, on fait feftin où chair & poiffon ne manquent pas; on y convie les Sauvages de la contrée, & la nôce fe fait avec beaucoup d'allegreffe.

Le Pere de la Fille en faveur de fon Gendre, Dit les raifons qui l'ont engagé de le prendre,

Il en raconte les exploits,

Cite de les A yeux l'adreffe & le courage,
Et tout ce qu'ils ont fait pour la Race

Sauvage;

La Troupe par des cris aplaudit à la fois
A fon éloquence, à fon choix.

Le Mariage fe fait en face de l'Eglife quand les Amans n'en font pas éloignez. Ils font prefentement allez bien inftruits fur leurs devoirs, pour fçavoir que fans cette ceremonie, rien ne l'autorile, & j'en ay vû venir de bien loin recevoir ce Sacrement du Curé du Port Royal, & même j'ay vû que ceux qui étoient mariez à la Sauvage, renouvelloient leur Mariage au pied de nos Autels. Quoi

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que la ceremonie fût des plus faintes, je ne pouvois m'empêcher d'en rire; le Curé qui n'entendoit point le Sauvage, & qui ne le parloit pas mieux, avoit pour Interprete un de fes Paroiffiens qui l'entendoit & le parloit fort bien: Il luy difoit en François tout ce qu'il pouvoit de plus beau für l'excellence & les devoirs du mariage; l'Interprete repetoit en Sauvage la même chofe aux futurs Epoux qui en paroiffoient charmez par leurs démonftrations, & il leur demandoit aprés le Curé, s'ils ne fuivroient pas de point en point tout ce qu'il leur enfeignoit; ils en faifoient la promeffe en leur langage, & il l'interpretoit en bon François en rendoit témoignage au Curé, qui enfin jufqu'au conjunga obfervoit la même maniere.

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Autrefois dans leurs hymenées,

Les nouveaux mariez malgré leur paffion', Paffoient fans fe toucher enfemble des

années,

Quand je le dis, me croira-t-on ?

C'étoit cependant leur maxime

Et rien ne marquoit tant & l'amour &

l'eftime.

Ces fentimens d'amour font trop refpe

&tueux

Nos beautez dans les facrez nœuds,
Demandent des preuves plus belles

De l'ardeur que l'on fent pour elles.

Mais ils ont reconnu depuis qu'ils perdoient en gens innocens le temps le plus précieux de leur vie, & qu'ils avoient trop de peine à fe priver des plaifirs que le bel âge leur infpiroit.

Les Sauvages de ce temps

Sont affez du goût de nos Dames,
Elles fe plaindroient d'être femmes.

Sans le plus doux plaifir des fens.

Elles n'ont pas encor moins de raport en

femble,

Quand un Garçon leur fait la cour,

Elles n'atendent pas que l'hymen les affemble,

Pour goûter le plaifir d'amour.

Mais elles font bien plus heureuses

Dans leurs paffions amoureuses,

Car en acordant la faveur,

Il n'y va point de leur honneur,

S'il arrive qu'elles conçoivent »

Si-tôt qu'elles s'en aperçoivent
Elles n'ont qu'à dire le fait,
L'avouer, c'eft laver le crime,
Et l'Enfant n'eft illégitime,
Que lors qu'elles en font fecret

.

Si-tôt qu'une Femme fe croit groffe, elle doit en avertir fon Epoux, quoy qu'elle perde par cet aveu tout commerce avec luy, & qu'elle fe prive du plai fir qu'elle aime le mieux.

Son Epoux réjoui de la fçavoir feconde, De peur de rien gâter ne veut plus la toucher;

Avant que de s'en raprocher,

Il faut que l'Enfant foit au monde.

fort ree

Mais cette formalité n'est pas gulierement obfervée, & il y a bien des Maris qui rifquent le paquet. Quand la Femme eft travaillée du mal d'Enfant, & qu'elle croit être prête d'accoucher, elle quitte la Cabanne, & s'en va dans le Bois à quelque diftance de là, avec une Sauvagelle qui l'affifte, & l'affaire eft

bien-tôt faite. L'Accouchée donne à la Femme qui a délivré l'Enfant, le coûtcau avec lequel elle a coupé le cordon, & c'est toute fa récompenfe.

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Aux rigueurs de l'âpre froidure,
Que dans ces climâts on endure,

On va le laver en pleine eau

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C'est l'ufage en hyver, faifon cruelle &

dure,

Comme dans l'Eté le plus beau.

La premiere nouriture qu'il prend eft de l'huile de Poillon, ou de la graifle fondue de quelque anima!. On en faic avaler au Poupon, & aprés cela il ne prend plus que du lait de fa mere jufqu'à ce qu'il foit affez fort pour vivre comme les autres. On l'amaillote dans des peaux de Renards, de Cignes, d'Oyes, ou d'Outardes, & on luy met fur le derriere un paquet de mouffe, pour l'empêcher de gâter de fi beaux langes. Vous admirez fans doute fa layette, admirez encore davantage fon berceau, ce n'eft qu'une efpece de boete plate fans deflus, dont la planche du fond a deux crochets

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