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Mais nos Miffionnaires zelez les ont corrigez de ces fortes d'abus, leur en ayant fait connoître le ridicule & la vanité, & s'ils n'en font pas encore toutà-fait revenus, du moins n'y ajoûtentils plus guéres de croyance. Ce qui leur refte de fuperftition, c'eft d'arracher les yeux des Poiflons, des Oyfeaux & des Bêtes, & de les jetter difant fans cela ils feroient aperçus de leurs femblables, & n'en pourroient plus aprocher, & ils n'en brûlent jamais les os, les arrêtes. Par un même abus, ne flambent jamais les pieds des Canards, des Oyes, des Outardes, des Cignes, & de tout autre Gibier d'eau à pied plat, croyant que ceux qui reftent vivans ne pourroient plus fe pofer fur le fable, & qu'à caufe de cela ils n'en attraperoient guéres.

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ils

Quand une Fille eft dans un certain état que la Lune luy caufe par une regle allez ordinaire, fi elle pale par-deflus un Garçon, quand ils font cabanez enfemble, il fe croit tout perclus de fes membres, & il eft fi perfuadé de leur débilité, qu'il ne voudroit pas s'expofer à faire un pas, & il fe tient couché jusqu'à ce que la caufe imaginaire du mal, qui ue l'eft pas moins, le paffe. Si elle tou

choit fon fufil dans ce temps-là, il le croiroit enchanté, & qu'il n'en pourroit jamais rien tuer; cette opinion le poffede fi fort qu'il craindroit moins le charme du plus méchant de leurs Magiciens. Quand une Femme eft dans cet état, il faut qu'elle fe mette à l'écart, & qu'elle en avertille fon Mary, de peur qu'il ne luy prît envie de la toucher fans le fçavoir.

Il ne l'aproche point pendant tout ce

temps-là,

Quel obstacle fâcheux aux defirs de fon

Ame !

En France il eft plus d'une Femme
Qui fçauroit fe taire en cela.

Il en eft cependant beaucoup entre les Sauvageffes, qui quoique bien amoureufes, fe privent long-temps des plaifirs qu'elles goûtent avec leurs Maris, regardant comme des Concubines celles qui ont beaucoup d'Enfans.

Des fottes fuperftitions des Sauvages, paffons à une de leurs plus belles & loiia

.

b'es qualitez; c'eft leur amour pour 'hofpitalité, ils fe fecourent entr'eux de tout leur pouvoir; fi quelqu'un a des vivres, il ne manque jamais de les partager avec ceux qui n'en ont pas, & qui en fouffrent. Un Sauvage fe verroit mourir de faim, qu'il ne voudroit pas manger feul une Cercelle qu'il auroit tuée, & qui pourroit luy rendre la vie, il la porteroit à la Cabanne où il fçauroit que d'autres en auroient befoin comme luy, & chacun en auroit fa part. Lors qu'un d'eux en va vifiter un autre, celuy qui reçoit la vifite, ne demande point à l'autre ce qui l'amene, il commence par luy donner à manger, aprés cela ils parlent d'affaires s'ils en ont, c'eft leur maniere ; & voicy la raifon qui les engage à en ufer de la forte: Ils difent que fi on demandoit d'abord ce que l'on veut, on n'auroit plus qu'à s'en aller quand on l'auroit dit, & qu'on y auroit répondu. Quand ils chaffent plu fieurs de compagnie, celuy qui tue une Bête, content de fon adrefle & de l'honneur qui luy en revient, il l'abandonne à Les Compagnons, qui par un genereux retour en la partageant entr'eux, luy en font toûjours la meilleure part..

Admirez dans ces Nations,

Quelle eft en même temps & la peur &

l'audace!

Ils donnent fur un Ours en braves Cham

pions.

Quand il fe prefente à la Chaffe;

Et s'ils rencontrent un Cheval,

Ce n'eft point une fauffe hiftoire,

Ils tremblent à l'afpect de ce doux Animal,

Je l'ay vû dans le Port Royal

Plus d'une fois, on peut

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m'en croire.

Quand un Sauvage vieux & caduque ne peut plus aller à la Chaffe, & qu'il perd à la guerre un Fils unique, accablé de douleur & comme defefperé, il affemble fes amis, les regale, & leur dit le trifte & funefte fujet de fa peine. Touchez de compaffion, ils entrent dans fa mifere, & forment en même temps le charitable deffein de rendre à ce Pere affligé un autre Enfant; ils luy en donnent leur parole, & bien-tôt aprés ils travaillent à l'effectuer. Ils s'en vont dans la Terre Etrangere où a peri ce Fils fi regretté, & cherchent un au

tre Garçon pour le malheureux Pere qui a perda le fien; ils le trouvent, le luy amenent, & il l'adopte.

Le jeune Homme confent à cette adoption,
Il l'affure par fa parole

Qui vaut le jeu chez cette Nation,

Et fon faux Pere fe confole

De la mort de fon vray Garçon.

Quoique les Sauvages vivent dans les Bois avec les Bêtes, ils ne laiffent pas d'avoir beaucoup d'honnêteté. Un Frere devant fa Sœur ne dira jamais un mot qui puiffe choquer en rien fa pudeur: Un démenty feroit la plus cruelle des offenfes, & le Pere & la Mere ne le regarderoient plus que comme un indigne Frere, & luy en marqueroient fans ceffe avec aigreur leur mécontentement; auffi eft-il toujours fort fage, & fon refpect pour fa Sœur va à un excés qui va vous étonner. S'il fe fentoit preflé, mais vous le dirai-je ? d'un vent, matiere facile à s'échaper, il aimeroit mieux crever que de le faire entendre. Je vais vous dire fur ce fujet une avanture fort particuliere.

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