lumiere qu'on fe mit à déferler toutes les voiles que les vents avoient obligé de ferrer par leur violence, & ils devinrent enfuite fi petits qu'on ne pouvoit voguer. Quelle inconftance! Mais il faut peu s'en étonner, ils font trop accoûtumez à changer. Les Germons qui avoient été comme nous tourmentez de l'orage, étoient dans ce calme fort affamez, & ils mordoient à nos ains d'une grande force: On en prit entre autres trois ou quatre d'une grandeur extraordinaire, & je puis dire fans exagerer, qu'un feul auroit pû fuffire à nourrir dans un repas toute une Chartreufe. A la Pêche on joignit la Chaffe, Un Râle de fort loin vint dans nôtre Vail feau ; Il fut pris, & ce fait me parut fi nouveau La Mer garde long-temps fon agitation.. femble que les vents ont penetré les Ondes, Qu'ils les agîtent fourdement, Et que dans un tel mouvement, Les vagues n'en font que plus rondes Et s'étendent plus largement. Après ces deux chofes notées, Je veux encore mettre en avant Ce jour-là fe paffa de la forte, mais fur le foir le vent devint plus frais, & nous fit naviguer agreablement pendant toute la nuit; ce bonheur ne dura pas plus long-temps, car dès le point du jour le vent changea, & l'ayant entierement contraire, nous n'avancions point dus tout. Sur le foir on vit un Navire qui venoit à toutes voiles fur nous le vent en poupe On crut que c'étoit un Saletin, & nous étions alors affez intriguez, ne pouvant éviter d'être pris par ces Barbares. : Ces Gens-là ne font nul quartief, Il nous le fit fçavoir par un vilain patois,- J'en eus quelque frayeur, elle fçut me Je n'aimois point cet inftrument, Bien nous en prit de n'être pas plus mal rencontrez, car nous avions été forcez de mettre au fond de calle pour nous fervir de l'Eft quatorze canons dont nôtre: Navire étoit monté. J'efperois que pendant la nuit je pourrois avoir quelque repos, la Mer étant fort tranquille.. Mais ce calme trompeur fut de peu de durée, Le vent au premier quart mit la Mer en courroux, Et fa groffeur demesurée, Nous faifoit reffentir fes plus terribles coups, Je ne dormis non plus que l'Onde, Le Soleil revint éclairer tout le monde, Saus que j'euffe fermé les yeux... Le jour ne fut pas plus beau que la nuit, nous naviguions de tous côtez errant au gré des flots, fans pouvoir trouver un azile contre leur fureur : On ne pouvoit fe foûtenir fur le pont du Navire à caufe du grand roulis; auffi je pris le parti de me coucher tout le long du jour j'étois tout malade, & ne pus prendre qu'une feule rôtie que je rendis prefque auffi-tôt que je l'eus prife.. La Mer me fit payer ce tribut de nouveau,, Je ne croyois pas que fur l'eau, N'ayant pour tout que le nom de Marin, j'enviois le courage de tous les Matelots; ils voyoient fans aucune peur les coups de Mer que je croyois capablede nous faire abîmer; ils étoient fre-quens, & plus ils fe réjoinfloient. Nous etions à la cape; c'eft-à-dire, que toutes les võiles étoient ferrées; le Navire pour lors ne faifoit que roûler felon les divers. mouvemens que les ondes luy faifoient. prendre; les Matelots n'étoient occupezà aucunes manœuvres, ils ne fongeoient. qu'à fe mocquer & fe rire les uns des autres, felon ce qui leur arrivoit ; tantôt les uns étoient entierement percez depuis les pieds jufqu'à la tête des vagues qui fe répandoient fur eux; tantôt les autres étoient renverfez & balotez comme une bale de paûme d'un bord à l'autre du pont ; tout cela ne faifoit qu'exciter des éclats de rire qui faifoient autant de bruit que les coups de Mer. Ces Gens-là font trop heureux dans le rude métier qu'ils font. On ne fouffre dans les differens états de la vie qu'autant qu'on ne s'y trouve pas bien les Matelots paroiffent toûjours contents du leur, que leur faut-il plus Ils boivent & mangent tout leur foû, fans s'embaraffer d'où vient ce qu'ils dépenfent. Quand ils font fatiguez & mouillez quelquefois jufqu'aux os, ils n'en font que plus aller tes, & fecoüant feulement l'oreille, ils vont changer d'habit, & fe repofer fi le temps le permet. Quand le jour est fini, & qu'ils ont bien loupé, après une courte Priere, ceux qui ne font point du premier quart; c'est-à-dire, qui ne veillent point depuis huit heures du foir jufqu'à minuit vont fe coucher, & fans chandelle ils trouvent leurs hamacs auffi facilement que les Lapins trouvent leurs trous. Ils ne font pas fi-tôt agitez qu'ils |