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que les autres maifons, & que j'aurois plutôt prife pour une Grange, que pour un Temple du vray Dieu Comme j'y allois le remercier de la grace qu'il pour m'avoit faite d'être arrivé heureufement, j'aperçus Monfieur le Curé qui venoit au-devant de moy; nous nous fimes des complimens reciproques enfuite dequoy il me conduifit à l'Eglife, & me fit l'honneur de me prefenter de l'Eau-benite: Je fis ma Priere, & aprés cela Monfieur le Curé me fit entrer dans fa chambre mal meublée, qui eft au bout de l'Eglife, y attenant contre l'ordre des Prefbiteres. Il me regala de plufieurs fortes de Pommes que je trouvai fort bonnes, quoy que Sauvages. C'eft un fort honnête homme qui a beaucoup de mérite & de zele pour fes Paroiffiens, & qui fait dans l'Acadie la fonction de Grand-Vicaire de Monfeigneur l'Evêque de Quebec. Il m'acom pagna pour voir une maifon que je loüai, elle avoit fervi auparavant d'Eglife c'étoit la plus grande du lieu, elle étoit compofée de trois pieces en bas, de greniers deffus, & d'une cave maçonnée fous la piece du milieu. Je trouvai que je ferois affez bien logé pour le Pays. Je ne vins pour l'habiter que trois ou quatre jours aprés mon arrivée, je me

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promenai, & confiderai plus particulierement ce qu'il y avoit à voir dans ces lieux.

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De quel côté qu'on puiffe regarder,
Le Terrain en eft agreable,

L'entrée en eft étroite & facile à garder,

On y pourroit conftruire une Ville impre-
nable.

Sur un haut entouré de deux petits Marais,
La Place en feroit fort jolie,

Et là, chaque famille enfin mieux établie
Y pourroit trouver des attraits.

Dans ces Marais, le Bœuf fçait tirer la
Charuë,

Ils fourniffent de Bleds les Peuples de ces

lieux,

Plus loin on voit des bois d'une grande

étenduë,

Dont les arbres divers élevez jusqu'aux

Cieux,

Font par tout douter à nos yeux

S'ils fortent de la terre, ou tombent de

la nuë.

Deux Rivieres dont ce terrain eft prefque environné ne font pas un fpectacle moins charmant à la vûë. La premiere qu'on apelle de Dauphin, eft large comme la Sene; elle vient de fept ou huit lieues au-deffus du Port Royal, & des deux côtez il y a des Habitations éloignez plus ou moins les unes des autres. Il y a par endroits d'affez belles prairies le long de fon cours. Au-deffous du Port Royal il y a de même encore des Habitations fur cettte Riviere, & quelques Courts auffi-bien plantées de Pommiers qu'en Normandie, avec cette difference que ces arbres ne font pas greffez. Ces Habitations vont prefque jufqu'à une Ifle qu'on apelle l'Ile aux Chevres, & qui eft diftante d'une lieuë du Port Royal. Au-deffous de cette Ifle la Riviere forme le Baffin qui va jufqu'à la Mer ; il a environ deux lieues de long & une de large, il eft parfaitement beau, & l'on trouve par tout bon moüillage. Deux Redoutes à chaque côté du Pallage en pourroient défendre l'entrée qui n'a pas plus de cent-cinquante pas de large. L'autre Riviere qu'on apelle du Moulin, & qui va fe répandre dans celle que je viens de marquer, n'a pas plus d'une lieuë de long, & eft beaucoup plus étroite que

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l'autre. Il y a trois Moulins deffus, un à Bled & deux à Planches, avec trois ou quatre habitations. Le flux monte. jufqu'au haut de celle-cy, & ne va pas fi loin dans l'autre à caufe de fa longueur. Ce Pays-là eft aflez fertile, il produit toutes fortes de Legumes & allez de Fruits, du Bled fuffifamment, & on y a Chair & Poiffon, des Volailles, & toutes fortes de Gibier, mais j'en parle rai plus amplement quand je le connoî

trai mieux.

Je faifois affez bonne chère,
J'avois porté de bon vin de Bordeaux,
En le bûvant je ne fongeois plus guére

Aux dangers que j'avois encourus fur les

eaux.

A terre on a bien-tôt oublié la mifere

Que la Mer caufe en fon trajets

C'est une peine de le faire,

C'eft un plaifir de l'avoir fait.

Lorfque je me trouvois dans un état fi paifible, & que je croyois ne devoir plus craindre la fureur des vents, le plus terrible qui fût jamais ne pouvant exer

cer la cruauté fur nous, fembla vouloir s'en déchaîner avec plus de violence fur nôtre Navire dans le Port. Il n'en fut jamais un fi grand dans le Pays, felon l'aveu trop veritable des plus vieux Habitans. Il foufloit avec tant d'impetuofité qu'il brifa les Cables du Navire à l'Ancre. Une Barque qui y étoit attachée, & dans laquelle on avoit déchargé toutes les marchandifes dont j'avois la direction, pour les porter le lendemai au Magazin, ne put pas en foûtenir le choc, elle fut renverfée, & coula bas

Quel trifte accident ! quel dommage!
Des Matelots prefque noyez,

Qui s'étoient fauvez à la nage,
Vinrent encore tour effrayez,

M'anoncer ce fâcheux Naufrage

C'étoit au milieu de la nuit

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Je ne dormois point dans mon lit,

Pendant un fi grand vent, pouvois-je être tranquille

J'en entendis plûtôt leur bruit,

Et du fommeil alors j'abandonnai l'a

zile..

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