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De leur lin, ils fe font encore de la Toil'e,

Enfin leur nudité par leur travail fe voille.
Quand l'efprit de l'invention

N'opere rien dans leur cervelle,

A voir feulement un modelle,

Ils trouvent tout aifé pour l'execution ;C'est comme faire un Vers à moy quand j'ay la rime:

Loin de les rebuter l'ouvrage les anime
De mille differens ils font venus à bout,
Je n'aurois jamais fait fi je décrivois tour.

Pour prouver leurs talents, je vais dire feulement un Ouvrage où j'eus quelque part. Ils n'avoient de leur vie vû conftruire.ny Barque,,ny Chaloupe; & cependant dés qu'ils fçûrent que j'avois envie de faire pêcher de la Moruë, pêche qui leur étoit inconnue jufques alors, ils en conftruiffrent fort bien, & ils entreprirent avec fuccés de les conduire fur la Mer. Enfin ils entreprirent tous. la pêche dans l'attente d'y faire du profit, Je leur donnois par là moyen de gagner mieux leur vie, & moy je trouvois mon compte à prendre leur Poiffon. Sur la fin de l'Hyver ils fe mirent à faire leurs

Chaloupes qui avoient bien vingt pieds de quille pour aller courir la Mer, & tirer de fon fonds dequoy, établir mieux leur petite fortune, & dés le Printemps on ne voyoit par tout fur la côte que Bâtimens occupez à prendre, & à aporter de la Moruë à des magazins qui ne fervoient de rien, & que je loüois pour leur faire encore plus de plaifir. Pour payer leur Poiffon je leur avois donné d'avance tous leurs befoins, & c'étoit an bien qui fe répandoit fur toute la famille; il étoit bien jufte auffi qu'il y fût partagé, car le Pere, la Mere & les Enfans s'étoient engagez à cette pêche, dans laquelle ils trouvoient le moyen de s'acquiter de leurs dettes, & moy celuy d'en être payé. Je vis pendant le Printemps & l'Eté faller & mettre en pile plus de trente milliers de Poiffon; auffi me donna-t-on au Port Royal par reconnoillance le titre de Pere des Pêcheurs: On y pêchoit prefque autant qu'à Plaifance dans l'Ifle de Terre Neuve; ce qu'il y avoit de difference, c'est qu'on ne faifoit pas fecher la Moruë, & qu'on la mettoit en verd, ce qu'on n'avoit pas encore vû dans ce Pays-là. Il faut avouer qu'elle n'y étoit pas fi propre, ny fi bonne que celle du grand Banc; mais j'avois de

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fortes raifons pour ne la pas faire accommoder autrement. Enfin j'eus de ces Habitans pendant fix mois plus de Poillon qu'une ancienne & illuftre Compagnie établie dans ces lieux pour la pêche fedentaire n'en a pû tirer en vingt ans.

Difons encor plus à la gloire

De tous ces Habitans, ils l'ont bien merité,
Ne finiffons pas leur Histoire

Sans

y

mettre un beau trait de leur fidélité.

Cent fois la Nouvelle Angleterre,

La plus voifine de leur terre,

A voulu les foûmettre & ranger fous fa loyi
Ils ont plûtôt fouffert tous les maux de la

guerre,

Que de vouloir quitter le parti de leur

Roy.

De tous leurs Beftiaux le

carnage,

De leurs maifons le brûlement >

Et de leurs meubles le pillage,

C'étoit des Ennemis le commun traitement.

Dans quel temps marquoient-ils avoit tant de

conftance ?

Dans le temps même que la France

Ne pouvoit pas les foulager,

Et qu'on leur promettoit une entiere affi

stance,

S'ils avoient bien voulu changer.

Ils ne fe laiffoient point aller à cette amorce,
Ils ne vouloient point être Anglois,

Et de tout leur courage ils défendoient leurs
droits;

Contraints de ceder à la force,

Tous vaincus qu'ils étoient, ils demeuroient
François.

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Les Anglois s'étant enfin rendus maîtres de leur Patrie, établilloient des Gouverneurs qui leur procuroient tout ce qui leur étoit neceflaire tant pour la vie, que pour le vétement ; mais ne pouvant avec tout cela gagner leurs cœurs, & ne fe trouvant pas trop en fûreté avec eux, ils fe retiroient, & abandonnoient la partie..

C'eft ainfi qu'avec fermeté

Leur zele pour Louis s'eft toûjours fait

connoître ;

Que de Peuples réduits à leur extrémité

Pour être plus heureux auroient changé de

Maître.!

Le repos & la liberté,

Dont depuis un long-temps fous la France ils joüiffent,

Peut-être bien les affermiffent

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A luy garder toujours tant de fidelité.
Mais lorfque de l'autre côté,

Je regarde le bien qu'ils en pouvoient
attendre,

Et que malgré leur pauvreté,

Ils n'ont jamais voulu s'y rendre,

Quand l'interêt fur l'Homme a tant d'au torité,

Et qu'on en voit peu s'en défendre, Je croy que pour leur Prince un amour pur & tendre,

Sur l'attrait du profit l'a toûjours emporté: Leur mérite eft plus grand, & je ne puis comprendre

Comment ils ont tant refifté.

Dans un fi grand Pays où le Commerce devroit être ouvert à tous pour l'établir, pas un Habitant n'ofe négocier,

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