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La neige ne fait voir que fa blancheur éxtrême,

Non, non ce changement n'arrive point de

même,

Car suivant la même raison,

Ces Lievres verdiroient dans la terte
faifon.

Je veux à tout hazard dire ce que j'en pense
Le froid fait là fentir toute fa violence,
Il agit fur les poils de tous ces animaux,
Et reserrant enfin tous leurs petits touyaux
Il empêche le cours des fucs qui les nour
riffent,

Et par ce défaut ils blanchiffent.

Ce systême eft fi vray que ces poils ne font

blancs

Qu'autant que les Hyvers font grands:
Et lorfque le Printemps ranime la nature,
Dilatant les conduits que l'Hyver a bou-

chez,

Par de nouveaux fucs épanchez

Ces poils reprennent tous leur premiere teinture.

Il leur arrivoit pendant la rigueur de l'hyver un autre changement qui me chagrinoit, ils ne trouvoient à manger que du Sapin, & leur chair en prenoit fi fort le goût, que quelques fauffes qu'on y fit, on ne pouvoit le luy ôter. Je pardonnois alors aux Habitans de 'en point faire leurs ragoûts; ils ne font jamais fi bons que ceux de France, & ils different d'eux encore, en ce qu'ils ont les oreilles & la queue plus courtes, & qu'ils ne font pas fi grands. Mais je ne pouvois excufer ces Gens-là de ne pas aimer le Veau, ny l'Agneau; on n'en voit jamais paroître fur leurs tables, ils les laiffent devenir Bœufs & Moutons. Ils jettent de ces derniers la tête, les pieds, les rognons & la freffure à leurs. cochons les plus nombreufes de leurs bêtes, & les tripes mêmes des Bœufs n'en font pas exemptes; mais la chair de cochon étant leur favorite, je ne m'étonnois pas de les voir donner à ces animaux, ce que les hommes mangent bien 'ailleurs.

Ils regardent les Champignons,

Comme le plus grand des Poisons,

Ils ne feront par là jamais leurs femmes

veuves j

Je paffois cet article, ils avoient leurs
Taifons,

Trop de Gens en ont fait de fâcheufes
épreuves,

Pour moy, je les trouvois fort bons.
J'en mangeois tout mon foû fans-être malade,
Avec quelque pitié chacun me regardoit,
Tis n'aiment pas plus la Salade,
Et tout cela m'accommodoit.

A l'exception des Artichaux & des Afperges, ils ont en abondance toutes fortes de legumes, & tous excellens. Ils ont des champs couverts de Choux pommez, & de Navets qu'ils confervent toute l'année. Ils mettent les Navets à la cave, ils font moëleux & fucrez, & beaucoup meilleurs qu'en France; auffi les mangent-ils comme des Marons cuits dans les cendres. Ils laiffent les Choux dans le champ aprés les avoir arrachez, la tête en bas & la jambe en haut la neige qui vient les couvrir de cinq ou fix

:

pieds

& on

pieds d'épais les conferve ainfi n'en tire qu'à mesure qu'on en a befoin; on ne laille pas d'en mettre auffi à la cave. Ces deux légumes ne vont jamais dans le pot l'un fans l'autre, & on en fait de plantureufes foupes avec de groffes pieces de lard. Il faut fur tout avoir beaucoup de Choux, car les Gens n'en mangent que le pignon, & les Cochons le refte pendant tout l'hyver, c'eft leur unique nourriture, & ces goulus animaux dont ils ont beaucoup, ne fe con tentent pas de peu. Il y a de certaines Ifles le long de la Riviere Saint Jean, où il ne coûte rien à les nourir pendant l'Eté, & une partie de l'Automne, les Chênes & les Hêtres y étant communs. Dés le Printemps on y jette fept ou huit Truyes pleines, elles y mettent bas leurs petits qui s'engraiffent des fruits des arbres que jay marquez; lorfque l'hy ver commence elles les ramenent à l'habitation, & on n'a que la peine de les tuer pour les mettre au faloir: Ces petits Cochons font excellens en petit fälé, & il faut aller là pour en manger de lait tant ils font délicats; c'eft un plaifir d'en voir les bandes dans la faifon : ils font plus courts & plus petits que les nôtres.

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Le Bœuf falé pourroit encor toute l'année

Se rencontrer dans le faloir,

Mais des Acadiens la fortune eft bornée,

Ils ne sçauroient tous en avoir.

Quelques-uns plus à leur aife que les autres, & dont les familles font nombreufes, tuent quelquefois un Bœuf & le falent; le plus grand & le plus gras ne vaut que cinquante francs entier, & deux fols la livre, c'eft un prix reglé, & la viande en eft merveilleufe; c'est dommage qu'on ne puiffe toûjours en avoir de fraîche faute de monde pour en faire la confommation. Les Boeufs vont paître dans les Bois toutes fortes d'herbes qui les rendent d'un goût admirable, & ils n'en reviennent que lorfque les Maringouins, où les coufins les chaffent à force de les piquer. On les tue ordinairement au commencement de l'hyver, & on les falle en morceaux pour toute l'année. J'en fis mettre un au faloir felon la mode du Pays, ne pouvant pas faire autrement, & mes Commis & moy nous le trouvâmes fort bon jufqu'à la fin. A Quebec qui eft plus au Nord que le Port

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