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avancée, je ne laiffai pas d'être rendu en cinquante-quatre jours au Port Royal lieu de ma deftination.

Ma Mufe fe mit en devoir

De vous marquer de là fon ardeur empreffée, Et par cent traits divers elle vous fit fçavoir, Tout ce qui fe paffa pendant la Traversée. Aprés cela, j'examinai le Pays, que je trouvai bien different de l'idée que je m'en étois formée fur la fauffe peinture qu'on m'en avoit fai te, & fans changer le langage des Mufes, la mienne pour mieux ré pondre à votre attente, en fit la veritable Description, ajoûtant toûjours quelque chofe à la Relation du Païs,. & de fes manieres, felon que j'en avois de nouvelles connoiffances.

ne m'y échapa rien qu'on puisse: detirer de fçavoir, j'y paffai les quatre faifons de l'année, c'étoit affez pour le connoître, & beaucoup plus qu'il! ne falloit pour s'y ennuyer.

Je n'aimois point du tout ce fauvage féjour,
Et malgré les dangers qu'on doit craindre
fur l'Onde,

J'étois le plus joyeux du monde
De me voir fur le point de faire mon retour,

Aprés y avoir féjourné ce tempslà, je fus affez heureux pour en être rappellé, & pour comble de bonheur, il s'y rencontra pour me ramener un Navire du Roy, où je ne trouvai pas moins d'agrément que j'avois eu de peine dans le Navire Marchand qui m'avoit porté: J'étois à la compagnie des plus honnêtes, & des plus habiles Officiers de la Marine. C'étoit, MONSIEUR, un Vaiffeau de vôtre Département, rien n'y pouvoit manquer, on fçait avec quel foin & quel zele, vous rempliffez tous les devoirs de vôtre miniftere pour le fervice du Roy J'ay appris depuis mon retour par les Vaifleaux qui font arrivez de ce Pays-là que tout y avoit bien changé de face & de Gouvernement, que le fort qui étoit à la Ri viere faint Jean eft maintenant au Port Royal, & qu'on y avoit bâti beaucoup de maifons..

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Pour embellir mon plan de ces nouveautez

Je fuis feulement bien aise d'avoir marqué que le Port Royal méritoit par fa fituation d'être le lieu du Fort, & de voir que la Cour, commence à travailler à l'établissement de ce Pays Sauvage, comme fi elle avoit vû les Memoires que j'en don ne, & qu'elle voulût en tirer les avantages que je fais connoître dans ma Relation. Lorfque je la fis voir à mes amis, il arriva une chofe que je prévoyois, ils furent furpris de la trouver toute en Vers, & ils me dirent que j'en avois diminué le prix en l'écrivant de la forte; & qu'on ne la regarderoit que comme fabuleufe, étant dans un langage plus fujet à dire des menfonges, que des veritez, j'eus beau dire que je ne devois pas la faire autrement, puifque vous me l'aviez demandée de même.

Cette forte raifon ne put les fatisfaire,
Dans leur opinion conftans

Malgré la tendreffe de pere.

Il falloit immoler prés de cinq mille enfans.

Ils prétendoient que quoyque ma Mufe ne parlat que des faits de mon fujet, d'une maniere nette, fans.co

prunter les vaines fictions de la Poëfie, le Public à qui je marquois avoir envie de donner ma Relation, n'y ajoûteroit point de foy, qu'elle n'auroit point de cours, & que je devois abfolument la changer, & la mettre en Prose.

C'est le goût du ficele où nous sommes,
Ah quel mépris injurieux !

Peut-on au langage des Dieux
Préférer le parler des hommes.

Mais quoy qu'ils ayent pû dire,. je ne me fuis point laiffé aller à leurs Remontrances, & tout ce qu'ils ont pû obtenir de moy, c'est que je mélangerois ma Relation de Profe & de Vers; c'étoit un affez grand facrifice, Je vous fupplic MONSIEUR, de ne là pas recevoir moins favorablement. Quand on verra qu'elle vous eft dédiée, on n'aura point de peine à croire. les faits furprenans qui s'y rencontrent; tout le monde fçait qu'on» n'ole impofer quand on parle a une Perfonne de votre caractere, inftruite des manieres de toutes les Nations, qui fçait parfaitement

toutes choses, & dont le mérite eft fi generalement connu. Je ne crains cependant que ceux qui ne font jamais fortis de leur Pays, car j'auray pour garants de tout ce que j'avance, tous ceux qui ont voyagé dans celuy que je décris. Quel avantage ne me reviendra-t-il pas, MONSIEUR, de mettre fous vôtre protection la Relation de mon voyage de la Nouvelle France? Si elle a le bonheur de vous plaire, & que vous y trouviez quelque chofe qui puiffe vous divertir, elle aura place dans votre fameux Cabinet. Peut-il m'arriver rien de plus glorieux que de voir une foible production de mon genie, parmi les Ouvrages de ces Grands Hommes que vous avez autant illuftrez par la dépenfe que vous avez fi genereusement faite pour leur Hiftoire, qu'îls fe font rendus celebres eux-mêmes par tout ce qu'ils ont fait de plus beau ! J'attends pour elle un favorable accueil de vôtre bonté, qui ne gagne pas moins les cœurs, que vôtre mérite charme les efprits. C'eft peut-être un peu me flatter, mais

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