Imágenes de páginas
PDF
EPUB

LE LIBRAIRE AU LECTEUR.

A Chevant d'imprimer le Voyage de

l'Acadie, il paroît dans la Gazette du 25..Février 1708. une Relation d'un combat donné entre les François & les Acadiens, contre les Anglois qui mérite être mife à la fuite de ce Voyage.

Un Navire arrivé de la Colonie du Port Royal dans l'Acadie, qui eft la partie Meridionale de la Nouvelle France, a apporté les nouvelles fuivantes. Les Anglois de la Nouvelle Angleterre ayant été contraints au mois de Jain de fe retirer, & d'abandonner l'entreprife qu'ils avoient faite fur cette Colonie, le Sieur de Subercafe qui y commande, fut averti par un Flibuftier, qu'ils n'avoient pas defarmé leurs Vaiffeaux, & qu'ils fe préparoient à revenir avec de plus grandes forces. Il fit auffi-tôt travailler à des retranchemens, à augmenter les fortifications du Fort, & à faire toutes les difpofitions neceflaires pour bien recevoir les ennemis. Les Habitans retirerent leurs beftiaux, leurs meubles & leurs effets en heu de fûreté, pour fe mettre en état de le feconder. Il craignoit neanmoins de manquer de vivres qui avoient été la plû

B b

part confommez durant la premiere attaque; mais dix jours avant l'arrivée des Anglois, un Armateur de Saint Domingne amena deux prifes Angloifes, dont l'une étoit chargée d'environ trois cens quarante bariques de farine, de lard, de jambons & de beurre. Dans le même. tems, les Anglois de la Nouvelle Angleterre qui croyoient l'entreprise infaillible, étoient venus avec plus de trente bâtimens pour choisir des poftes propres à la pêche, entre le Port Royal & le Cap de Sable. Les Sauvages de ces quartierslà s'en étant apperçûs, fe mirent dans leurs canots, furprirent la nuit deux de ces bâtimens, tuerent une partie des équipages & firent le refte prifonnier. Enfuite avec l'un de ces bâtimens, ils en furprirent deux autres; ce qui donna une si grande épouvente au refte, qu'ils couperent leurs cables & s'enfuirent à force de voiles. Le 20. d'Aoust ensuivant, le Sieur de Subercafe fut averti qu'il paroiffoit une flote de vingt-deux bâtimens qui n'attendoit que la marée, pour entrer dans Ja riviere, où en effet elle entra à une heure api és midy, & débarqua douze cens hommes à trois quarts de lieuë au-deffous du Fort & de l'autre côté de la Riviere. Ils occuperent quelques habitations abandon

3

nées, prefque vis à-vis du Fort; a une pointe de terre à un quart de lienë audeffus; mais comme la riviere étoit étroite en cet endroit, il étoit facile de les empêcher avec la Moufqueterie de la traverfer. Le 22. ils débarquerent leurs vivres & leurs munitions, & ils établirent leurs quartiers. Comme il parut qu'ils vouloient dreffer vis à vis du Fort une batterie de bombes, le Sieur de Subercafe fit faire fi grand feu de canons & de mortiers, qu'il les empêcha d'executer leur deffein. Le 23. il fit faire durant tout le jour un fi grand feu de moufqueterie fur ceux qui occupoient la pointe au-deffus du Fort, qui les obligea à rentrer dans leur Camp. Le 24. un parti François & de Sanvages pafla la Riviere & furprit huic Anglois, dont fix furent tuez & deux faits prifonniers, dont Fan étoit premier pi fote d'un Vaiffeau. On apprit de luy qu'il s'étoit avancé avec d'autres pilotes pour fonder le pallage de l'ifle aux Cochons: que leur deflein étoit de remonter au haut de la Riviere avec le vent & la marée pour y débarquer, enfermer le Fort de tous côtez & affamer la garnifon; que leur flote étoit compofée d'un Vailleau de cinquante-quatre canons, d'un de quarante-cinq, de cinq fregates

de dix-huit à trente canons, de huit brigantins, & de fept flutes: qu'ils avoient leze cens, hommes de débarquement, outre quatre cens qui étoient dans le gros Vailleau qu'une partie de leurs provifions étoit gâtée, mais qu'ils attendoient une fregate de quarante-quatre canons avec des vivres. Sur ces avis, le fieur de Subercafe fit pointer toute fon artillerie fur la riviere: il ordonna qu'on fit bonne garde par tout & il garnit de foldats toutes les pointes en forte qu'ils n'oferent tenter le paffage. Le 25. voyant qu'ils n'entreprenoient rien, il fit faire un fi grand feu de canons & de mortiers, qu'ils abandonnerent leur Camp, & feretirerent dans les bois. Le 28. ils allerent fe pofter vis à vis de leurs Vaiffeaux, & le 31. ils s'embarquerent tous dans leurs chaloupes & leurs canots, & pafferent de l'autre côte de la riviere. Le Sieur de S. Caftin qui étoit de garde de ce côté avec foixante habitans ou Sauvages, fit faire un grand feu fur les premiers débarquez: mais craignant d'être coupé, il se retira toûjours combattant de ruiffeau en ruiffeau. Il les arrêta même long-tems à une habitation, où il leur tua & bleffa beaucoup de gens enfuite il fit retraite fuivant l'ordre qu'il avoit de ne rien enga

ger, & vingt joindre le gros des habitans & des Sauvages qui étoient réfolus de difputer aux ennemis le paffage du ruitfeau du Moulin. Le Sieur de Subercafe s'y rendit avec cent hommes tirez de la garnifon, & fit en peu de tems faire des retranchemens capables d'arrêter deux mille hommes. Les ennemis n'avancerent point, ce qui fit juger qu'ils avoient deffein de fe retirer, ce que fit réfoudre le Sieur de Subercafe à s'avancer avec deux cens cinquante hommes, pour les charger dans le tems qu'ils fe rembarqueroient Il

avoit une lieuë & demie à faire au travers des bois & par de mauvais chemins, & les Sieurs de la Boularderie, de Saint Caftin & de Saillant, prirent les devants avec foixante hommes. Ils apprirent d'un Sauvage qu'il n'y avoit plus que trois cens hommes fur le bord de la mer. Ils fe mirent à courir pour les charger: mais en traverfant un champ de blé, ils y trouverent un grand nombre d'Anglois couchez pour Le repofer , que le Sauvage n'avoit pas vûs, dont les uns prirent la fuite & les autres fe mirent en défense. 11 y en eut un grand nombre de tuez, avant qu'ils euffent reconnu le petit nombre des François. Ils furent foutenus par les trois cens qui étoient au bord de la mer & par

« AnteriorContinuar »