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audience pour lui représenter fes fervices paffés, & la fituation où il fe trouvoit. Heureufement il en fut difpenfé par un événement fingulier. Malte fe crut menacée par les Turcs, & le Grand-Maître fit demander au Roi par fon Ambaffadeur M. Renau, pour être le défenfeur de fon Ifle. Le Roi l'accorda au Grand-Maître; & M. Renau, en prenant congé de Sa Majefté, eut le plaifir de ne lui point parler de fes affaires, & de s'affurer feulement d'une audience à fon retour.

L'alarme de Malte étoit fauffe, & le Roi mourut. M. Renau, qui avoit l'honneur d'être connu de tout temps, & fort eftimé de M. le Duc d'Orléans, Régent, & qui même avoit fervi fous lui en Efpagne, n'eut plus befoin de folliciter des audiences. Il fut fait Confeiller du Confeil de Marine, & Grand'-Croix de l'Ordre de Saint-Louis.

L

S. A. R. ayant formé le deffein de faire dans le Royaume quelques effais d'une Taille proportionnelle, ou Dixme, qu'avoit propofée feu M. de Vauban, & qui devoit remédier aux anciens & intolérables abus de la Taille arbitraire, M. Renau accepta avec joie la commiffion d'aller avec M. le Comte de Chateauthiers travailler à un de ces effais dans l'Election de Niort. Rien ne touchoit tant fon cœur

que le bien public, & il étoit Citoyen comme fi la mode ou les récompenfes euffent invité à l'être. De plus, il ne croyoit pas pouvoir l'être mieux qu'en fuivant les pas de M. de Vauban, & en exécutant un projet qui avoit pour_garant le nom de ce grand Homme. Tout le zèle de M. Renau pour la Patrie fut donc employé à l'ouvrage dont il étoit chargé; & ceux qui à cette occafion fe font le plus élevés contre lui, n'ont pu l'accufer que d'erreur, accufation toujours douteufe par elle-même, & du moins fort légère par rapport à la nature humaine. C'est un homme rare, que celui qui ne peut faire pis que de fe tromper.

Il étoit fujet depuis un temps à une rétention d'urine, pour laquelle il alla aux eaux de Pougues au mois de Septembre 1719. Dès qu'il en eut pris, ce qu'il fit avec peu de préparation, la fièvre furvint, la rétention augmenta, & il s'y joignit un gonflement pareil à celui d'une hydropifie tympanite. Il fit prefque par honnêteté pour fes Médecins, & par ma nière d'acquit, les remèdes ufités en pa reil cas; mais il fit avec une extrême confiance un remède qu'il avoit appris du P. Malebranche, & dont il & dont il prétendoit n'avoir que des expériences heureuses,

A

foit fur lui foit fur d'autres : c'étoit de prendre une grande quantité d'eau de rivière affez chaude. Les Médecins de Pougues étoient furpris de cette nouvelle médecine, & il étoit lui-même furpris qu'elle leur fût inconnue. Il leur en expliquoit l'excellence par des raifonnemens phyfiques, qu'ils n'avoient pas coutume d'entendre faire à leurs malades; & par refpect, foit pour les autorités qu'il citoit, foit pour la fienne, ils ne pouvoient s'empêcher de lui paffer quelques pintes d'eau: mais il alloit beaucoup au delà des permiffions, & contrevenoit même aux défenfes les plus expreffes. Enfin, ils prétendent abfolument qu'il fe noya. Il mourut le 30 Septembre 1719, fans douleur, & fans avoir perdu l'usage de la raison.

La mort de cet homme, qui avoit paffé une affez longue vie à la guerre, dans les Cours, dans le tumulte du mon→ de, fut celle d'un Religieux de la Trappe. Perfuadé de la Religion par fa Philofophie, & incapable par fon caractère d'être foiblement perfuadé, il regardoit fon corps comme un voile qui lui cachoit la vérité éternelle, & il avoit une impatience de Philofophe & de Chrétien, que ce voile importun lui fut ôté. Quelle différence, difoit-il, d'un moment

au

au moment fuivant ! Je vais paffer tout-àcoup des plus profondes ténèbres à une lumière parfaite.

Il avoit été choisi pour être Honoraire dans cette Académie, dès qu'il y en avoit c'eft-à dire en 1699. La nature pref

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que

feule l'avoit fait Géomètre. Les Livres du P. Malebranche, dont il étoit plein, lui infpirèrent affez le mépris de l'érudition, & d'ailleurs il n'avoit pas eu le loifir d'en acquérir. Il fauvoit fon ignorance par un aveu libre & ingénu, qui pour dire le vrai, ne devoit pas coûter beaucoup à un homme plein de talens. Il ne démordoit guère ni de fes entreprises, ni de fes opinions, ce qui affuroit davantage le fuccès de fes entreprises, & donnoit moins de crédit à fes opinions. Du reste, la valeur, la probité, le défintéresfement, l'envie d'être utile, foit au public, foit aux particuliers, tout cela étoit chez lui au plus haut point. Une piété toujours égale avoit régné d'un bout de fa vie à l'autre ; & fa jeuneffe, auffi peu licencieufe que l'âge plus avancé, n'avoiť pas été occupée des plaifirs qu'on lui auroit le plus aifément pardonnés.

Tome II

K

ELOGE

DE M. LE MARQUIS DE DANGEAU.

PHILIPPE HILIPPE DE COURCILLON naquit le 21 Septembre 1638 de Louis de Courcillon, Marquis de Dangeau, & de Charlotte des Noues, petite - fille du fameux Dupleffis-Mornay. Dès le temps de Philippe- Augufte, les Seigneurs de Courcillon font appellés Milites, ou Chevaliers. Leurs defcendans embrafsèrent le Calvinifme.

M. le Marquis de Dangeau fut élevé en homme de fa condition. Il avoit une figure fort aimable, & beaucoup d'efprit naturel, qui alloit même jufqu'à faire agréablement des vers. Il fe convertit affez jeune à la Religion Catholique.

En 1657 ou 58, il fervit en Flandres, Capitaine de Cavalerie, fous M. de Turenne. Après la paix des Pyrénées, un grand nombre d'Officiers François, qui ne pouvoient fouffrir l'oifiveté, allèrent chercher la guerre dans le Portugal, que l'Espagne vouloit remettre fous fa domination. Comme ils jugeoient que malgré

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