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ÉLOGE.

DE MONSIEUR

COUPLET.

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CLAUDE-ANTOINE COUPLET naquit

à Paris le 20 Avril 1642 d'Antoine Couplet, Bourgeois de Paris. Son père le deftina au Barreau, fans confulter, & apparemment fans connoître fes talens & fon goût qui le portoient aux Mathématiques, & principalement aux Méchaniques. Elles lui causèrent beaucoup de diftraction dans fes études. Cependant il fut reçu Avocat; mais il quitta bientôt cette profeffion forcée, & fe donna entièrement à celle que la Nature lui avoit choifie.

Il chercha de l'inftruction & du fecours dans le commerce de M. Buhot, Cofmographe & Ingénieur du Roi, qui, après avoir reconnu fes difpofitions, fe fit un plaifir de les cultiver il voulut même ferrer par une alliance la liaison que la fcience avoit commencée entr'eux; & en 1665, il fit époufer fa belle-fille à fon Elève, âgé alors de 24 ans.

En 1666, fut formée l'Académie des

Sciences. M. Buhot fut choifi par M. Colbert pour en être ; & quelque temps après, M. Couplet y entra : on lui donna un logement à l'Obfervatoire, & la garde du Cabinet des Machines. Il femble qu'un certain refpect doive être attaché aux noms de ceux qui ont les premiers compofé cette Compagnie.

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En 1670, M. Couplet acheta de M. Buhot la Charge de Profeffeur de Mathématiques de la grande Ecurie. Il étoit obligé d'aller fort fouvent à Versailles & dans ces temps-là le feu Roi y fit faire ces grandes conduites d'eau qui l'ont tant embelli. La Science des eaux & des nivellemens fut perfectionnée au point qu'elle en devint prefque toute nouvelle; & M. Couplet, qui ne demandoit qu'à s'inftruire & à s'exercer, en eut des occafions à fouhait. Nous avons parlé en 1699 (page 112 & fuiv.) d'un niveau qu'il s'étoit en quelque manière rendu propre, en le rendant d'une exécution beaucoup plus facile.

Employé fouvent à des ouvrages de particuliers, il s'y conduifoit toujours d'une manière dont fa famille feule pouvoit fe plaindre; il ne vouloit que réuffir, & il mettoit de fon argent pour hâter ou pour perfectionner les travaux : loin de faire valoir fes foins & fes peines, il en parloit

avec une modeftie qui enhardiffoit à le récompenfer mal; & ce n'étoit jamais un tort avec lui que le peu de reconnoiffance.

Ce qu'il a fait de plus confidérable a été à Coulanges la Vineufe, petite Ville de Bourgogne, à trois lieues d'Auxerre. Coulanges eft riche en vins, & de- là vient fon épithète, qui lui convient d'autant mieux, qu'elle n'avoit que du vin, & point d'eau. Les habitans étoient réduits à des mares; & comme elles étoient fouvent à fec, ils alloient fort loin chercher un puits qui tariffoit auffi, & les renvoyoit à une fontaine éloignée de-là d'une lieue. Afin que l'on ne manquât pas d'eau dans les incendies, chaque habitant étoit obligé, par Ordonnance de Police, à avoir à fa porte un tonneau toujours plein; & malgré cette précaution, la Ville avoit eu trois grands incendies en trente ans, & à l'un on avoit été obligé de jetter du vin fur le feu. Ils avoient obtenu en 1716 un Arrêt du Confeil qui leur permettoit de lever fur chaque pièce de vin qui fortiroit de leur territoire, un impôt dont le produit feroit employé à chercher de l'eau, & à toutes les dépenfes néceffaires : mais tous les Ingénieurs qui avoient tenté cette entreprise, l'avoient tentée fans fuccès, quoique vivement animés, & par l'utilité & par la gloire.

M. d'Agueffeau, alors Procureur-Général, & aujourd'hui Chancelier de France, ayant acquis le Domaine de cette Ville voulut faire encore un effort, ne fût-ce que pour s'affurer qu'il n'en falloit plus faire ; & en 1705, il s'adreffa à M. Couplet, qui partit pour Coulanges au mois de Septembre. Ce mois eft ordinairement un des plus fecs de toute l'année : 1705 fut une année fort feche; & fi l'on pouvoit alors trouver de l'eau, il n'étoit pas à craindre qu'on en manquât jamais.

En une infinité d'endroits de la terre, il court des veines d'eau qui ont effectivement quelque rapport avec le fang qui coule dans nos veines. Si ces eaux trouvent des terres fablonneufes, elles fe filtrent au travers, & fe perdent ; il faut des fonds qui les arrêtent, tels que font des lits de glaife. Elles font en plus grande quantité felon la difpofition des terreins. Si, par exemple, une grande plaine a une pente vers un côteau, & s'y termine, toutes les eaux que la plaine recevra du Ciel feront déterminées à couler vers ce côteau, qui les raffemblera encore, & elles fe trouveront en abondance au pied. Ainfi la recherche & la découverte des eaux dépend d'un examen de terrein fort exact & affez fin; il faut un coup-d'œil jufte & guidé par une longue expérience.

M. Couplet, arrivé à quelque distance de Coulanges, mais fans la voir encore, & s'étant feulement fait montrer vers quel endroit elle étoit, mit toutes fes connoiffances en ufage, & enfin promit hardiment cette eau fi defirée, & qui s'étoit dérobée à tant d'autres Ingénieurs. Il marchoit fon niveau à la main; & dès qu'il put voir les maifons de la Ville, il affura que l'eau feroit plus haute. Quelques-uns des principaux habitans, qui par impatience ou par curiofité étoient allés au-devant de lui, coururent porter cette nouvelle à leurs concitoyens, ou pour leur avancer la joie, ou pour fe donner une espèce de part à la gloire de la découverte. Cependant M. Couplet continuoit fon chemin en marquant avec des piquets les endroits où il falloit fouiller & en prédifant dans le même temps quelle profondeur précisément on trouveroit l'eau ; & au lieu qu'un autre eût pu prendre un air impofant de divination, il expliquoit naïvement les principes de fon Art, & fe privoit de toute apparence de merveilleux. Il entra dans Coulanges, où il ne vit rien qui traversât les idées qu'il avoit prifes; & il repartit pour Paris après avoir laiffé les inftructions néceffaires pour les travaux qui fe devoient faire en

à

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