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fut agitée par cette question. Un monde d'Adverfaires élevés contre lui, tant au dedans qu'au dehors de l'Académie, ne l'ébranla point. Il publia même en 1700, hors de nos Mémoires, un Traité exprès fur ce fujet, auquel il joignit fes Remarques fur une nouvelle manière de tailler de la pierre, pratiquée alors par un Frère Jacques, Franc-Comtois : c'eft - là le feul Livre qu'on ait de lui. On ne fait point encore aujourd'hui quel parti eft victorieux, & c'est une affez grande gloire pour celui qui feul étoit un parti. Il paroît, ainfi que nous osâmes le foupçonner il y a long-temps, que les deux Syftêmes oppofés pourroient être vrais, & fe concilier; dénouement qui mériteroit d'être remarqué dans l'Hiftoire de la Philofophie, & qui condamneroit bien la grande chaleur de toute cette conteftation.

M. Mery étoit fi retenu à former ou à adopter des fyftêmes, qu'il héfitoit à recevoir, ou, fi l'on veut, ne recevoit pas celui de la génération par les œufs, fi vraisemblable, fi appuyé, fi généralement reçu. Il n'en fubftituoit pas d'autre à la place mais des ftructures de parties, qui effectivement ne s'y accordoit pas trop, l'arrêtoient (a); au lieu que les

(a) Voyez l'Hift. de 1701, pag. 38 & fuiv., feconde édition.

autres

autres Anatomistes fe laiffent emporter à un grand nombre d'apparences très-favorables, & fe repofent en quelque forte fur la nature de la folution de quelques difficultés. Nous n'avons garde de décider entre leur hardieffe & la timidité oppofée; feulement pouvons-nous dire qu'en fait de Sciences, les hommes font nés dogmatiques & hardis, & qu'il leur en coûte plus d'effort pour être timides & Pyrrhoniens.

Cependant M. Mery, peu difpofé à prendre trop facilement les opinions les plus dominantes, ne l'étoit pas davantage à quitter facilement les fiennes particulières. Le témoignage qu'il fe rendoit de la grande sûreté de fes obfervations, & du peu de précipitation de fes conféquences, l'affermiffoit dans ce qu'il avoit une fois pensé déterminément. La vie retirée y contribuoit encore; les idées qu'on y prend font plus roides & plus inflexibles, faute d'être traversées, pliées par celles des autres, entretenues dans une certaine foupleffe on s'accoutume trop dans la folitude à ne penfer que comme foi. Cette même retraite lui faifoit ignorer auffi des ménagemens d'expreffions néceffaires dans la difpute; il ne donnoit point à entendre qu'un fait rapporté étoit faux, qu'un fentiment étoit abfurde: il le difoit; mais Tome II.

cet excès de naïveté & de fincérité ne bleffoit pas tant dans l'intérieur de l'Académie. Et fi les fuites affez ordinaires du favoir n'y étoient excufées, où le feroientelles? On y a remarqué avec plaifir, que M. Mery, quelque attaché qu'il fût à fes fentimens, en avoit changé en quelques occafions. Par exemple, il avoit d'abord fort approuvé l'opération du Frère Jacques, & il fe rétracta dans la fuite. Il étoit de bonne grace d'avoir commencé par l'approbation. Un Anatomifte de la Compagnie raconte qu'il a convaincu M. Mery fur certains points qui lui avoient paru d'abord infoutenables; & il le raconté pour la gloire de M. Mery, & non pour la fienne.

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Ce même Anatomifte prétend que M. Mery a entrevu la valvule d'Eustachius connu les glandes de Couper long-temps avant Couper même. Mais il faut laiffer les découvertes aux noms qui en font en poffeffion; & quand même ce ne feroit que la faveur du fort qui les leur auroit adjugées plutôt qu'à d'autres, il vaut mieux n'en point appeler.

Malgré une conftitution très-ferme, & une vie toujours très-réglée d'un bout à l'autre, M. Mery fe fentit prefque toutd'un coup abandonné de fes jambes vers l'âge de foixante-quinze ans, fans avoir

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nulle autre incommodité. Il fut réduit à fe renfermer abfolument chez lui, où il s'étoit tant renfermé volontairement.Tous ceux de l'Académie qui pouvoient fe plaindre de quelques-unes de ces fincérités dont nous avons parlé, allèrent le voir pour le raffurer fur l'inquiétude où il eût pu être à leur égard, & renouveller une amitié qui, à proprement parler, n'avoit pas été interrompue. Il fut fenfiblement touché, & de ces avances qu'il n'attendoit peut-être pas, & de ces fentimens qu'il méritoit plus qu'il ne fe les étoit attirés; & il ne pouvoit fe laffer d'en marquer fa joie à M. Varignon, fon fidèle ami, & de tous les temps.

Il s'affoibliffoit toujours, quoiqu'en confervant un esprit sain; & enfin il mourut le 3 Novembre 1722 âgé de 77 ans. Il a laiffé fix enfans de Catherine - Geneviéve Carrere, fille de M. Carrere, qui avoit été premier Chirurgien de feu Madame.

Ila eu toute fa vie beaucoup de religion, & des mœurs telles que la religion les demande; fes dernières années ont été uniquement occupées d'exercices de piété. Nous avons dit de feu M. Caffini, que les Cieux lui racontoient fans ceffe la gloire de leur Créateur; les animaux la racontoient auffi à M. Mery. L'Aftronomie,

l'Anatomie font en effet les deux Sciences où font le plus fenfiblement marqués les caractères du Souverain Etre : l'une annonce fon immenfité par celle des efpaces céleftes, l'autre fon intelligence infinie par la Méchanique des animaux. On peut même croire que l'Anatomie a quelque avantage; l'intelligence prouve encore plus que l'immensité.

ÉLOGE

DE MONSIEUR

VARIGNON.

PIERRE IERRE VARIGNON naquit à Caen en 1654 d'un Architecte - Entrepreneur dont la fortune étoit fort médiocre. Il avoit deux frères, qui fuivirent la profeffion du père, & il étudia pour être Eccléfiaftique.'

Au milieu de cette éducation commune qu'on donne aux jeunes gens dans les Colleges, tout ce qui peut les occuper un jour plus particulièrement vient par différens hafards fe préfenter à leurs yeux; & s'ils ont quelque inclination naturelle bien déterminée, elle ne manque pas de

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