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les deux grands Globes qui y font préfentement. Comme l'ouvrage dura quelque temps, le Roi avoit fouvent la curiofité de l'aller voir. Il en demandoit

compte à M. de la Hire, & l'engageoit dans des explications & dans des difcours de science, dont on s'apperçut qu'il étoit fort content. C'eft un avantage rare à un Savant d'être goûté par un Prince ; &, pour tout dire auffi, c'est un avantage rare à un Prince de goûter un Savant.

Outre tous les Ouvrages que nous avons rapportés de M. de la Hire, & dont le dénombrement n'eft pas entièrement exact à caufe de la multitude, on trouve une grande quantité de morceaux importans qu'il a répandus, foit dans les Journaux, foit dans les Hiftoires de l'Académie ; mais fur-tout dans ces Hiftoires où il n'y a point d'année qu'il n'ait enrichie de plufieurs préfens, également confidérables, & par leur beauté & par leur variété. Nous en avons trop parlé quand il en a été queftion, pour en parler encore.

Il a fait infiniment plus que donner au Public tant d'excellens Ouvrages de fa compofition; il lui a auffi donné les Ouvrages d'autrui, & il n'y a pas plaint fon temps & fes peines. M. Picard, qui avoit beaucoup travaillé fur le Nivellement, étant tombé malade, remit à M. de la Hire

tout ce qu'il avoit fait fur cette matière, & le pria de le faire imprimer avec les changemens & les additions qu'il jugeroit à propos. M. de la Hire exécuta fon intention par un Livre qui parut en 1684, intitulé: Traité du Nivellement de M. Picard, mis en lumière par M. de la Hire, avec des additions. Pareillement il mit au jour en 1686 le Traité du mouvement des eaux & des autres corps fluides, Ouvrage posthume de M. Mariotte, dont une partie étoit au net quand il mourut, & l'autre y fut mife fur les papiers qu'on trouva de l'Auteur, & felon fes vues. On pourroit croire que la générofité de travailler à ces fortes d'Ouvrages n'a pas été fi grande, parce qu'il avoit vécu en liaison d'amitié avec les Auteurs: mais on ne diminuera la gloire de fa générofité, qu'en lui accordant une autre forte de gloire qui la vaut bien.

Tout ce que nous avons dit de fes différens travaux a dû donner l'idée, nonfeulement d'une extrême affiduité dans fon cabinet, mais encore d'une fanté trèsferme & très-vigoureufe. Telle auffi étoit la fienne, depuis qu'il avoit été guéri des infirmités de fa jeuneffe & de fes grandes palpitations de cœur par une fièvre quarte; remède inefpéré, qui lui avoit donné beaucoup de confiance à la Nature, & diminué

d'autant fon eftime pour la Médecine. Toutes les journées étoient d'un bout à l'autre occupées par l'étude, & fes nuits très-fouvent interrompues par les obfervations aftronomiques. Nul divertiffement que celui de changer de travail; encore eft-ce un fait que je hafarde fans en être bien affuré. Nul autre exercice corporel

que d'aller à l'Obfervatoire, à l'Académie des Sciences, à celle d'Architecture, au Collége Royal, dont il étoit aufli Profeffeur. Peu de gens peuvent comprendre la félicité d'un Solitaire, qui l'eft par un choix tous les jours renouvellé. Il a eu le bonheur que l'âge ne l'a point miné lentement, & ne lui a point fait une longue & languiffante vieilleffe. Quoique fort chargé d'années, il n'a été vieux qu'en. viron un mois, du moins aflez pour ne pouvoir plus venir à l'Académie quant à fon efprit, il n'a jamais vieilli. Après des infirmités d'un mois ou deux, il mourut fans agonie, & en un moment, le 21 Avril 1718, âgé de plus de 78 ans.

Il a été marié deux fois, & a eu huit enfans. Chacun de ces deux mariages nous a fourni un Académicien.

Dans tous fes Ouvrages de Mathématique, il ne s'eft prefque jamais fervi que de la Synthèfe, ou de la manière de dé

montrer des Anciens, par des lignes & des proportions de lignes, fouvent difficiles à fuivre, à caufe de leur multitude & de leur complication. Ce n'eft pas qu'il ne fût l'Analyfe moderne, plus expéditive & moins embarraffée; mais il avoit pris de jeuneffe l'autre pli. De plus, comme les vérités géométriques découvertes par les Anciens font inconteftables, on peut croire auffi que la méthode qui les y a conduits ne peut être abandonnée fans quelque péril; & enfin les méthodes nouvelles font quelquefois fi faciles, qu'on fe fait une espèce de gloire de s'en paffer. On peut juger par-là qu'il n'employoit pas le calcul de l'Infini, qu'il n'a pourtant jamais défapprouvé le moins du monde. Au contraire, certains fujets l'ont quelquefois obligé à l'employer, mais tacitement, & prefque à la dérobée ; & c'étoit alors une forte de triomphe pour les partisans zélés de ce calcul.

Il ne croyoit pas que dans les matières de pure Phyfique le fecret de la Nature foit aisé à attraper. Son explication, par exemple, des effets du froid, il ne la donnoit que pour un Syftême, où un principe vraisemblable étant pofé, tout le refte s'en déduifoit affez bien. Si on lui conteftoit ce principe, on étoit tout

étonné qu'il n'en prenoit pas la défense. Il fe contentoit d'avoir bien raisonné fans prétendre avoir bien deviné.

Il avoit la politeffe extérieure, la circonfpection, la prudente timidité de ce pays qu'il aimoit tant, de l'Italie; & par-là il pouvoit paroître à des yeux François un peu réfervé, un peu retiré en lui-même. Il étoit équitable & défintéreffé, non-feulement en vrai Philofophe, mais en Chré tien. Sa raifon, accoutumée à examiner tant d'objets différens, & à les difcuter avec curiofité, s'arrêtoit tout court à la vue de ceux de la Religion; & une piété folide, exempte d'inégalité & de fingularité, a régné fur tout le cours de fa vie,

ÉLOGE

DE MONSIEUR

DE LA FAYE. JEAN-ELIE LERIGET DE LA FAYE naquit à Vienne le 15 Avril 1671 de Pierre Leriget de la Faye, Ecuyer, Receveur-Général des Finances de Dauphiné, & d'Anne Heraut. Le père étoit homme de Belles-Lettres, malgré un genre de vie

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