fans jamais avoir eu d'autre 'Maître fon génie naturel. que Le fils, qui paroiffoit auffi en avoir beaucoup, fut deftiné à la même profeffion. Il apprit parfaitement le deffin, enfuite la perfpective, fi néceffaire aux Pein-tres, & cependant affez négligée; & quoique les cadrans n'appartiennent guère à la. Peinture, il étudia auffi la Gnomonique,. peut-être parce que c'eft une efpèce de perfpective. Le plus leger prétexte lui fuffifoit pour étendre fes connoiffances. Cet affemblage de cercles qui forment la fphère, & leurs projections fur différens plans, s'imprimoient dans fon efprit avec une facilité furprenante; & il fembloit que, felon le fyftême de Platon, ce ne fût qu'une réminifcence de ce que fon ame avoit fu autre fois. Il étoit ailé de prédire que ce jeune Peintre fe changeroit en un grand Géo mètre. Il perdit fon père à l'âge de 17 ans. Il tomba dans des infirmités continuelles fur- tout dans des palpitations de cœur très-violentes. Il crut que le voyage d'Italie, qui lui étoit prefque néceffaire pour fon art, pourroit aufli être utile à fa fanté, & il l'entreprit en 1660. Dans ce Pays, où la favante Antiquité a laiffé plus de reftes qu'en aucun autre, où ces précieux reftes ont fait renaître. plus d'excellens Ouvrages modernes, il ne s'attacha d'abord qu'à fe remplir les yeux de ces différens objets, qui jettoient dans fon imagination des femences du beau. Mais à Venife, où la vie eft fort oifive, à moins qu'on n'y foit plongé dans des plaifirs qui n'étoient pas pour lui, & en ce cas-là même encore affez oifive, it s'appliqua fortement à la Géométrie, & principalement aux Sections Coniques d'Apollonius. La Géométrie commençoit à prévaloir chez lui, quoique revêtue de cette forme épineufe & effrayante qu'elle a fouverainement dans les Livres des Anciens. S'il n'y avoit préfentement d'autres Maîtres qu'Apollonius & Archimède, la délicateffe de la plupart des Modernes ne s'en accommoderoit guère. La vie retirée qu'on mène en Italie étoit fort du goût de M. de la Hire. Son caractère fage & férieux l'attachoit à un Pays où les dehors, tout au moins, font férieux & fages, & où l'air de folie n'est point un mérite qu'on affecte. Il aimoit les manières circonfpectes & mefurées des Italiens, qui, à la vérité, leur retranchent les agrémens de la familiarité françoise mais auffi leur en épargnent les périls. I femble que le plus sûr pour les hommes: feroit de s'approcher peu les uns les aures, & de fe craindre mutuellement. Enfin il auroit volontiers' prolongé fon féjour en Italie mais fa mère, dont il étoit fort aimé, le rappeloit avec trop d'inftance. Il revint au bout de quatre ans, bien résolu d'y retourner; ce qui cependant n'a pas eu d'exécution. Du moins, quand il parloit de l'Italie, c'étoit toujours avec un plaifir dont les Italiens euffent pu tirer vanité, d'autant plus que l'éloge des mœurs étran gères eft affez rare dans la bouche des François. Etant de retour ici, il continua fes-études géométriques, toujours plus profondes & plus fuivies. M. Defargues, qui étoit du petit nombre des Mathématiciens de Paris, & M. Boffe, fameux Graveur avoient fait une première Partie d'un Traité de la coupe des pierres, matière alors toute neuve: mais quand ils voulurent travailler à la feconde Partie, ils fentirent que leur Géométrie s'embarraffoit; & ils s'adrefsèrent à M. de la Hires, qui, dans leur befoin, les fecourut de fept propofitions tirées de la Théorie des Coniques. M. Boffe les fit imprimer en 1672. dans une Brochure in-folio. Ce fut par-là que M. de la Hire avoua au Public qu'il étoit Géomètre. Il foutint dignement ce nom par quelques Ouvrages qu'il donna enfuite en 1673 & 1676. Ils rouloient encore fur fes Coniques, excepté un petit Traité de la. Cycloïde courbe qui étoit à la mode, & qui le méritoit encore plus qu'on ne croyoit en ce temps-là. Enfin, la réputation de M. de la Hire fut en peu de temps au point de le faire fouhaiter dans l'Académie des Sciences; & il y entra en 1678.. L'année fuivante, il publia en un Volume in-12 trois Traités, qui ont pour titre; le premier: Nouveaux Elémens des Sections Coniques; le fecond: Les Lieux géométriques; le troifième : La Conftruction ou Effection des Equations. Les deux derniers principalement étoient faits pour développer les myftères de la Géométrie de Defcartes. Ce grand Auteur avoit laiffé beaucoup à deviner, beaucoup à éclaircir; &, felon le caractère des Livres originaux, fon Livre étoit propre en pro duire plufieurs autres encore affez originaux. Tel fut celui de M. de la Hire. Les principes en étoient fi bien pofés, malgré la difficulté naturelle de ces matières-là. affez connue des Géomètres, que quand plus de 30 ans après il en fut question dans l'Académie à l'occafion de quelques Ecrits de M. Rolle, M. de la Hire n'eut befoin que de confulter fon ancien Ouvrage & d'en reprendre le fil. Il n'y auroit rien là de remarquable, s'il ne > un Traité de Gnomonique, qu'il réim prima en 1698, fort augmenté & fort em belli. Cette fcience n'étoit prefque qu'une pratique, abandonnée le plus fouvent à des ouvriers peu intelligens & groffiers dont on ne reconnoît point les fautes; car chacun fe contente de fon cadran, & ne le compare à rien. M. de la Hire éclaira la Gnomonique par des principes & des démonstrations, & la réduifit aux opérations les plus sûres & les plus aifées; & pour ne pas trop changer fon ancien état, il eut foin de faire imprimer les démonftrations dans un caractère dif férent de celui des opérations, & par-là donna aux fimples ouvriers la commodité de fauter ce qui ne les accommodoit pas tant il faut que la fcience ait de ménagemens pour l'ignorance, qui eft son aînée, & qu'elle trouve toujours en poffellion! Nous avons déja parlé bien des fois de la fameufe Méridienne commencée par M. Picard en 1669. M. de la Hire la continua du côté du Nord de Paris en 1673, tandis que M. Caffini la pouffoit du côté du Sud mais ni l'un ni l'autre ne finirent alors leur Ouvrage. M. Colbert érant mort en 1683, cette grande entreprife fut interrompue, & M. de Louvois appliqua les Géomètres de l'Académie à de grands. Nivellemens : |