Imágenes de páginas
PDF
EPUB

mon cher Dom Alvare, je n'y vis point de colere. Le monde qui entra, nous contraignit de quitter cet entretien, & je partis le lendemain. non pas avec moins de douleur, mais avec un peu plus d'efpoir. Jerevins à Grenade où les magnificences qu'on employa ai mariage de la Reine & les feftes fuperbes que l'on y fit, ne purent diffiper un moment la profonde mélancolie qui s'étoit emparée de mon ame. Quelque tems aprés on vit recommencer les funeftes divifions des Zégris & des Abinferages qui faciliterent aux Rois de Caftille les moyens d'alumer

les feux de la guerre qui dure encore aujourd'huy. Je fuportai ce dernier malheur avec autant d'impatience que l'abfence de Dona Elvire ; cependant l'envie de me rendre digne d'elle, me donna plufieurs fois l'occafion d'acquerir quelque gloire. Boadilly ayant demandé & obtenu une Treve de trois mois, je voulu en profiter pour revoir fecretement Dona Elvire. Ce deffein formé, je pris fur moi les portraits de la Reine, de la Princeffe ma mere & de Félime ma fœur, dans la refolution de paffer pour un Peintre fije trouvois quelqu'un affez curieux pour demander

demander qui j'étois. Je me rendis fans accident à Medi-. na del Campo où je fçavois que la Cour étoit, je me cachai quelques jours dans la maifon d'un homme que j'avois connu à mon premier voyage, dont j'avois éprouvé la fidelité; mais ayant appris que la Ducheffe de l'Infantade étoit à une de fes terres que l'on m'indiqua, je ne balançai point à en prendre le chemin dans l'intention de faire en forte de ne paroître qu'aux yeux de Dona Elvire; mais en paffant la forest qui rend à vôtre château, je fus attaqué par les voleurs dont vôtre valeur me délivra. J'a

M

voue que je fus incertain de ce que je ferais lorsque je fçû que vous étiez le fils du Duc de l'Infantade.

Mais l'envie de lier avec vous une amitié que ma reconnoiffance avoit déja fait naître, & vos genereufes folicitations l'emporterent fur toutes n.es irrefolutions. Je vous fuivis, Seigneur, & lorfque je m'aperçut que vous ne me croiyez pas ce que je voulois paroître, je cherchai à vous en convaincre en vous montrant les portraits que j'avois fur moi. Le hazard m'ayant fait tirer ceux de ma mere & de ma fæœur plûtôt que celui de la Reine, je for

nai le deffein d'éprouver für vôtre cœur les charmes de Félime, efperant que fi je pouvois vous rendre fenfible pour ma fœur, vous ne feriez pas contraire à l'ardente paffion que la vôtre m'avoit inf pitée. Je vis avec un plaifir extrême l'accompliffementde: mes defirs: vous ne dites pas un mot, vous ne fites pas une action qui ne fut une preuve de vôtre amour naiffant. Je fus mille fois fur le point de vous dire qui j'étois ; mais faifant reflexion que je devois être plus affuré de vôtre paffion avant que de vous déclarer la mienne j'aimai mieux partir fans vous parler

2

« AnteriorContinuar »