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parez cette diffimulation en me montrant ce qui vous refte des raretez que vous dites avoir vendues à Madrid.

Zéluma fourit à la demande de Dom Alvare. Vous croyez m'embaraffer, lui ditil, par vôtre curiofité, mais je vais vous convaincre de la verité de mes paroles en vous montrant deux portraits qui me font reftez. A ces mots il donnaà Don Alvare deux boëtes fuperbement enrichies. La premiere qu'il ouvrit n'ofrit à fes yeux qu'une femme dont l'âge avancé ne laiffe voir que les traces d'une beauté parfaite,mais l'éclat & les charmes de la perfonne que renfermoit la feconde boëte

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lui ôterent l'usage de la voix ne trouvant point de paroles affez fortes pour la loüer dignement. En effet tout ce qu'une brillante jeuneffe peut donner d'agrémens à la beauté la plus touchante fe faifoit remarquer dans cet admirable Peinture; & l'on auroit pû croire qu'elle reprefentoit la Déeffe des amours, fi la pudeur qui regnoit fur ce beau vifage n'en eut effacé l'idée. L'admiration de Dom Alvare fit bien-tôt place à l'amour le plus violent; cette paffion, jufqu'alors inconnue à fon cœur, ne lui donna pas le tems de s'en deffendre percé d'un trait

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aufli prompt que dangereux, il ne connut fon mal que par la grandeur de fa blessure. La jaloufie fuivit de prés ces premiers mouvemens, perfuadé que l'Etranger fe déguifoit, il cru qu'il aimoit cette belle perfonne, & même qu'il en étoit aimé puifqu'il en poffedoit le portrait.

Zéluma prenoit trop d'interest aux paffions d'Alvare pour ne les point démêler, il ne voulut pas cependant rompre le filence que cet amour naiffant caufoit entre eux. Dom Alvare le rompit enfin, & regardant fixement l'Etranger: Ah Zéluma, lui dit-il, que vous êtes heureux!

B

Je le ferois fans doute, lui répondit-il, fi mon bonheur étoit attaché à la poffeffion de cette peinture; mais, Seigneur, l'inegalité de nos conditions m'a délivré du danger d'élever mes pensées jufqu'à celle que ce portrait reprefente. Ah, lui dit Dom Alvare, ne pouffez pas plus loin une feinte qui me rendroit vôtre ennemi, empêchez le progrés de l'amour que je fens naître dans mon ame en m'avoüant le vôtre

& ne me laiffez pas devenir le rival d'un homme que je n'ai pû m'empêcher d'aimer. Non, Seigneur, lui répondic Zéluma, ne redoutez jamais

un femblable malheur, les traits de cette belle perfonne n'ont rien fait fur mon cœur qui puiffe vous rendre mon ennemi, peut-être vous ferai je utile un jour pour le fuccez de vôtre tendreffe, fi elle prend affez d'empire fur vôtre ame pour être fidele & fincere, Je ne puis vous découvrir ce myftere, mais pour vous prouver que je ne puis être vôtre rival, je vous laiffe ce portrait qui represente à vos yeux la Princeffe Félime fille du Prince Almenfor, frere & heritier du Roi de Grenade. La tendreffe eft le partage des Maures, Félime eft née fous leurs climats, & vos

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