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jeu à Schoppins pour le refuter. Ce Schoppius avoit été un de fes plus zelez courtifans, comme on le reconnoît dans fes premiers livres de Critique. Mais étant depuis allé à Rome, & s'étant fait Catholique, Scaliger qui avoit une lan gue dangereufe, dit qu'il étoit allé lé-cher les plats des Cardinaux, lingere patinas cardinalitias. Cela étant rapporté à Schoppius, qui outre le zele d'un nouveau Converti, & le defir de faire fa cour au Sacré College, étoit plus mé difant encore que Scaliger, il alluma toute fa bile contre lui, & alla exprès à Vérone, à Padouë, & à Venife, chercher des moyens de faux contre fa prétendue Principauté, & le dégrada fans reflource par fon Scaliger Hypobolimaus. Mais avec tout cela, je dirois volontiers comme Lipfe, que files deux Scaligers n'étoient pas Princes, ils méritoient de: l'être , par la beauté de leur genie &. l'excellence de leur favoir. Et c'étoit une autre caufe de leur orgueil. Scaliger le pere fut prié par un de fes amis de lui mander de quelle maniere il vouloit être dépeint dans un ouvrage qu'il préparoit. On voit la réponse qu'il lui fit dans le Recueil de fes Lettres ; & on ne peut

pas la voir fans être indigné de fon ambition, qui va au-delà de toutes bornes. Tâchez, lui dit-il, de ramaffer ensemble les figures de Maffiniffe, de Xenophon, & de Platon, & vous ferez un portrait qui me représentera imparfaitement, & approchera de moi. Cependant avec tout le mérite qu'il avoit, & tout celui qu'il croyoit avoir, il a bien mon-tré dans fon Hypercritique qu'il n'avoit nulle délicatelle de goût, par les jugemens faux qu'il a faits d'Homere, & de Mufée, & de la plupart des autres Poëtes.. Il l'a encore mieux montré par les Poëfies brutes & informes, dont il a deshonoré le Parnaffe. Mais c'eft qu'il eût cru faire tort à la pofterité, que de lus rien dérober de ce qui partoit de lui. It faut confeffer cependant qu'il répare bien par fa profe le déchet de fes vers. Rien n'eft plus noble, plus poli,&mieux tourné. La lecture en eft délicieufe, quand on ne la liroit que pour elle-même, fans avoir égard aux matieres. Je la trouve feule-ment un peu trop oratoire, & trop loû-· tenue dans le file didactique. Son fils avoit le goût bien plus fin que lui: Son! ftile étoit plus naturel & plus aifé, & n'ê-· toit pas moins noble. Il avoit hérité de

l'effrenée outre-cuidance de fon pere. Tous les écrits font un tiffu de plaintes de l'injuftice que lui fait fon fiecle de ce qu'on ne l'adore pas. Il en affaffine fes Lecteurs. Il n'avance pas un trait d'érudition qui ne foit fuivi, ou de remercimens qu'il le fait à lui-même de fon rare mérite, ou de reproches à ceux qui lui ont épargné l'encens qu'il croit lui être dû, ou d'infultes & de médifances noires contre tous ceux qu'il rencontre en fon chemin. Il ne faut que lire fes Scaligerana pour reconnoître la malignité de fon efprit, incapable de dire ou de pen. fer du bien de perfonne. J'ai l'exemplaire du livre de la Milice Romaine, dont Lipfe lui fit prefent, lorfqu'il publia cet ouvrage. Les marges font plei nes des remarques que Scaliger y fit de fa main : & ces remarques font autant d'injures atroces qu'il répand contre Lipfe fon ami, fort bon homme, & qui ne perdoit aucune occafion de dire du bien de lui. Quoiqu'on ne puiffe pas defavouer qu'il n'ait été un très-grand perfonnage, qui a porté le flimbeau dans les tenebres de plufieurs parties de la Litérature, & qui a honoré fon fiecle par l'éminence de fon favoir; il eft vra

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néanmoins qu'il eft tombé dans une infinité d'erreurs groffieres, même fur les matieres qu'il avoit le plus cultivées. Le Pere Petau a fait voir inconteftablement combien lourdement il s'eft abufé dans là Chronologie qui étoit fon étude favorite, & à laquelle il avoit rapporté fes autres études. Je dirai bien davantage. Il croyoit tenir l'empire fouverain dans la Critique, & j'ole affurer que de tous ceux qui ont pratiqué cette partie de la Litérature, il n'y en a prefque aucun qui l'ait fait moins heureufement que lui; rant on remarque de précipitation, de prévention, & de témerité dans les jugemens. Je n'ai écrit fur Manile, que pour faire voir que dans les trois éditions de ce Poëte, il a entaffé fautes fur fautes, & ignorances fur ignorances. Il a très-superficiellement entendu la matiere qui y eft traitée, il a prefque toûjours pris de travers le fens du Poëte, & la plupart de fes reftitutions dont il s'applaudit, & fe fçait fi bon gré, font des corruptions plûtôt que des corrections. Il en avance plufieurs dans fa premiere édition, com- · me des oracles, & avec une pleine confiance; & après en avoir reconnu l'abfurdité, il les retracte dans la feconde,,

pour en propofer d'autres plus imperti nentes. Je n'en parle pas ainfi fans fondement; j'ai prouvé ce que je dis. Ce: fut la Réformation du Calendrier, à laquelle on travailloit à Rome, qui l'engagea à l'étude de la Chronologie. Il voulut faire voir qu'il étoit bien plus capable de cette entreprise, que tous ceux qu'on y avoit employez : & véritablement fi le fuccès de ce travail avoit dépendu de l'étendue & de la variété de L'érudition, il auroit furpaffé de bien loin tous ceux qui s'y appliquérent; mais il leur étoit beaucoup inférieur dans la folidité de l'efprit, dans l'exactitude du raisonnement, & dans la profondeur des fpéculations. Quand il crut avoir trouvé la Quadrature du cercle, il fut redreffé & tourné en ridicule par un Maître d'E cole, qui mit en évidence le paralogifme qui l'avoit abufé, & coula à fonds Les Cyclométriques.

VI.

Eßais de Montagne.

Les Effais de Montagne sont de véritables Montaniana, c'est-à-dire un Recueil des pensées de Montagne, fans

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