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veauté, afin que chacun d'eux pût connoître fon bien & le défendre. Mais il a laiffé ce point indécis, pour en profiter. S'il s'en tient au titre de fon ouvrage, & qu'il fe renferme dans le sièele de Louis le Grand il faut qu'il abandonne aux Anciens ces grandes & heureufes découvertes de là Bouffole, & de la Navigation, de l'Imprimerie, de la circulation du fang, des Telefcopes, & une infinité d'autres qui ont précédé la mort de Louis XIII.

Un troifiéme défaut du fiftême de Mi Perraut, & qui eft un défaut capital; c'eft que dans l'oppofition qu'il a faite de notre fiécle aux fiécles paffez, il s'eft propofé notre fiécle même, & le goût de notre fiécle pour régle & pour modéle, n'approuvant dans les au-tres que ce qui en approche ; & il s'eft formé l'idée de la fouveraine perfection fur notre nation, fur nos mœurs, & fur nos goûts. Il ne s'eft pas apperçu qu'il pofoit pour certain ce qui étoit douteux, qu'il prenoit pour principe ce qui eft en queftion, & qu'il établiffoit pour juge: du différend, une des deux parties. Car forfqu'il veut tourner en ridicule les jardins d'Alcinous ; c'eft" parce qu'ils

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ces,

Η ΘΕΤΙΑΝ Α.

ne reffemblent pas aux Tuilleries. Quand dans ces Palais fimples & modeftes des Héros de l'antiquité, il ne trouve ni nos falons, ni nos galeries, ni nos diftributions d'appartemens, ni tout ce plein pied, ni cette longue fuite de piéil les traite de miférables chaumiéres, & il en parle à peu près comme un voyageur avifé a parlé depuis peu de nos plus beaux édifices, en comparaifon de ceux des Romains, qu'un Palais (2) tout entier aujourd'hui ne coûteroit pas tant à bâtir, que quelque peu de ces piliers anciens qu'on voit à Rome, coûtoient au- · trefois à apporter : & que la magnificen ce des Romains furpaffe infiniment celle des derniers fieeles. La feule infpection des chemins Romains en fait la preuve. Ces chemins partoient de la colonne Mili-faire plantée au milieu de Rome, & s'étendoient jufqu'aux extrémitez de ce grand empire, pour y faire marcher di- ligemment & commodément ces légions qui avoient fubjugué tant de nations. De même que les veines & les artéresaboutiffent au cœur, pour porter dans les membres le fang & la vie. Ces chemins font hauts, larges, folides, & (2) Voyage de Burnet, pag. 405. & fuiva.

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en quelques lieux couverts de grands carreaux, que la durée des fiécles femble encore refpecter. Nos chemins au contraire font dans un fi pitoyable, défors dre , que quatre jours de pluye dang la mauvaise faifon, interrompent fou vent le commerce, & arrêtent les équipages les mieux atelez. Qu'on life enfin le livre que Lipfe a écrit fur la prodigieufe grandeur de la Ville de Rome; & l'extrême difproportion des Villes modernes pourra nous faire connoître celle des fiécles. M. Perraut l'aîné demeure d'accord ( 3 ) dans fon Commentaire fur Vitruve, que nous devons apprendre l'architecture. fur les modéles des anciens, & que nous devons travailler à la faire remonter à ce haut point où la grandeur d'Augufte l'avoit élevée. N'envoyons nous pas tous les jours nos éleves en Italie étudier la fcul pture fur ces précieux reftes de l'antiquité? N'y trouve-t'on pas des reftes (4) de peinture d'une élégance admirable? Pline 1.35.c.3 2. fe plaint néanmoins qu'elle avoit beaucoup dégénéré de fon tems. La fculpture qui eft restée da (3) Epit. dédic, p. 2. Préf, p. 4. 4)Philand, fur Vitruve, 1. 7. c. 9.

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fiécle de Conftantin, eft bien inférieure à celle de ces chef-d'œuvres inimitables de l'ancienne Gréce. La colonned'Arcadius & d'Honorius qui eft à Conftantinople, n'égale pas (5) les colonnes de Trajan & d'Antonin qui font à Rome. Enfin l'on remarque une décadence fucceffive de l'architecture, qui a fuivi le déclin de l'âge, jufqu'au téms de l'architecture Gothique : oppofée entièrement à l'ancienne architecture, qui avoit pour régle univerfelle de fuivre la nature en tout, & de conten-ter les yeux & l'efprit au lieu que la Gothique faifoit confifter fa perfection à faire violence à la nature, à furpren-dre les yeux par des traits hardis, & à exciter l'admiration. L'éloquence, la poëfie & le bon goût des lettres ont eu la même révolution que l'architecture. Sans remonter à la poëfie grecque qui a toûjours décliné depuis Homére, & nous renfermant dans la Litérature Ro-maine, elle a eu fa grande élevation fous Céfar & fous Augufte. Cette noble & majeftueufe fimplicité, que l'on admi ré dans les ouvrages de cet heureux fiécle, commença à dégénérer dans les

(s) Voyage de Vvheter, Tom. 1. p. 147~~

dernieres années de la vie d'Augufte. On remarque déja dans Ovide des traits d'efprit, des jeux, des penfées, & ce que les Italiens appellent Concetti. Velleius Paterculus qui vécut fous Tibere, eft étudié & affecté, & l'on voit le progrez de cette corruption dans les deux Sénéques, dans Petrone & dans Lucain, & enfuite dans Pline le jeune & dans Tacite. L'efprit & l'art y bril-lent de tous côtez, mais la nature n'y paroît point. Querit fe natura, nec invenit. Et c'eft pourtant la nature qui eft la fource & la véritable régle du beau. Les gens de bon fens s'appercevoient de cette perverfité, s'en étonnoient, & s'y oppofoient. Ce fut le motif de cet excel lent Traité qui nous refte De caufis cor-rupta eloquentiæ. Mais le mal étoit trop grand pour ceder aux remedes. Et la contagion de ce qu'on appelle le bel efprit, paffa de fiècle en fiécle jusqu'à nos jours. Les Italiens femblerent reconnoître leur erreur, & revenir au bon goût vers le tems des Papes Alexandre VI. & Leon X. & les écrits de San-nazare, de Vida, de Fracaftor de Bembe, de Sadolet, & de quelques aufont dignes de l'antiquité mais

tres,

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