Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]

NOTICE

SUR LA VIE ET LES OUVRAGES

DE LE SAGE,

ET SUR LES SPECTACLES DE LA FOIRE.

PENDANT plus d'un demi-siècle après la mort de Le Sage, on n'a eu que des renseignemens inexacts sur sa personne. On ignorait jusqu'au lieu de sa naissance, puisque les uns le faisaient naître à Ruys ou Rhuys, les autres à Vannes. Ce n'est que depuis environ un an qu'on sait à quoi s'en tenir sur ce point; et il n'a fallu rien moins que le secours de deux ministres et de plusieurs préfets, qui ont facilité ou fait faire de grandes recherches dans les dépôts publics.

La Biographie universelle (tome xxiv, publié en 1819) nous apprend qu'Alain-René Le Sage naquit le 8 mai 1668, à Sarzeau, petite ville de la presqu'île de Rhuys, à quatre lieues de Vannes.

Son père, qui était tout à la fois avocat, notaire et greffier, avait sinon de la richesse, du moins une honnête aisance, et n'eut point d'autre enfant.

[blocks in formation]

Le Sage perdit sa mère en 1677, et son père cinq ans après. Orphelin à l'âge de quatorze ans, il passa sous la tutelle d'un oncle, qui lui laissa continuer ses études chez les jésuites à Vannes, et qui en même temps laissa dépérir la fortune de son pupille.

Il paraît que ce fut quelque temps après être sorti du collége, où il avait fait d'excellentes études, qu'il obtint une place dans les fermes de Bretagne. Le Sage l'ayant perdue, on ne sait précisément ni quand, ni comment, vint à Paris pour obtenir un autre emploi et pour faire un cours de philosophie. C'est à l'année 1692 ou 1693 qu'on fixe son arrivée à Paris. Ce doit être en 1690; car c'est de ce séjour à Paris que date sa liaison avec un de ses camarades à l'université, Danchet, qui, ayant fait sur la prise de Mons (9 avril 1691) une pièce de vers, alla peu après, sur la recommandation du père Jouvency, remplir une place de professeur de rhétorique à Chartres.

Doué de beaucoup d'esprit et d'une figure agréable, Le Sage fut très-bien accueilli dans le monde. Jeune et bien fait, il dut avoir quelques bonnes fortunes. Les auteurs de l'Histoire du Théâtre français (les frères Parfaict) rapportent que : « Une << femme de condition lui donna son cœur, et lui «< fit part d'une fortune qui, toute bornée qu'elle « était, parut considérable vis-à-vis celle de Le

H

Sage. Nous ignorons, ajoutent-ils, les événe<«< mens qui suivirent ce commerce amoureux; «< mais enfin la mort ou l'éloignement de cette « dame terminèrent cette aventure. »

Un engagement plus sérieux fut contracté par Le Sage en 1694. Il épousa, au mois de septembre, non la fille d'un menuisier de la rue de la Mortellerie, comme on l'a si souvent répété, mais Marie-Élisabeth Huyard, fille d'un bourgeois de Paris, qui demeurait sur la paroisse de Saint-Barthélemi en la cité. L'amour, plus que l'intérêt, avait décidé de cette union ; et comme il faut un état dans le monde, Le Sage se fit recevoir avocat au parlement de Paris. Il n'exerça que peu, si même il exerça. Il ne tenait pas beaucoup au titre, puisqu'il ne le prenait plus en 1698, et se contentait de celui qu'avait son beau-père.

A la sollicitation de son ami Danchet, il avait traduit en français les Lettres d'Aristénète, auteur grec du quatrième siècle. Cette traduction, ou plutôt imitation, faite sur la traduction latine de Bongars, fut imprimée à Chartres (sous le titre de Rotterdam) par les soins de Danchet, 1695, in-12. Ce livre n'eut pas de succès. Ce n'était pas d'un heureux présage pour un homme qui croyait tirer des ressources de sa plume. L'amitié, la protection de quelques personnes lui furent alors d'une grande utilité. Il eut un emploi peu lucratif, qu'il aban

donna ensuite pour se livrer entièrement aux lettres. Le maréchal de Villeroy voulait se l'attacher. Le Sage, ami de l'indépendance, rejeta toutes les offres du maréchal. L'abbé de Lyonne, amateur passionné de la littérature castillane, enseigna la langue espagnole à Le Sage, et lui conseilla d'exploiter cette mine que l'on commençait à dédaigner. C'était là que Corneille avait pris, dit Voltaire, la première tragédie touchante et la première comédie de caractère qui aient illustré la France 1. Le maître de Le Sage fut aussi son Mécène, et lui fit toute sa vie une pension de six cents livres.

Le Sage fit paraître un volume intitulé, Théâtre espagnol, ou les meilleures comédies des plus fameux auteurs espagnols, traduites en français, 1700, in-12. Ce volume ne contenait que deux pièces : le Traitre puni, comédie de don François de Rojas 2, et Don Félix de Mendoce, comédie de Lope de Vega Carpio. Une troisième pièce en cinq actes, que Le Sage traduisit ou imita de don François de Rojas, fut représentée sur le Théâtre-Français le 3 février 1702, sous le titre du Point d'honneur. L'intrigue rappelait le Jodelet duelliste de Scarron. La pièce, qui n'avait aucun rapport à nos mœurs ni à nos usages, eut une seconde représentation le lendemain ; mais ce fut la dernière.

Le Cid et le Menteur.

* Dancourt a mis cette comédie en vers.

« AnteriorContinuar »