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plus facilement & plus copieufement entrée à certains clémens, qu'à certains autres élémens.

Delà, la différence de fes feuilles, de fes branches, de fon écorce, de fon tronc, de fes fruits : différence qui vient de ce que ce Cerifier fe forme & fe féconde par un mélange d'élémens primitifs, différent du mélange qui forme & qui féconde le Pommier ou le Poi rier qui végete & qui fructifie à fes côtés.

SECONDE

SECTION.

LA NATURE DES CORPS.

153. OBSERVATION.

CONNOÎTRE la nature des Corps: c'eft connoître & les Principes qui les conftituent, & les Propriétés qui les caractérisent.

C'eft fous ce double point de vue, que nous allons examiner les Corps en général: fans nous attacher encore à aucune efpece ifolée de corps en par

ticulier.

ARTICLE PREMIER.

PRINCIPES DES CORPS.

LA Philofophie a reconnu 154. OBSERVATION. de tout tems, que la plupart des Corps naturels peuvent être réduits, par la décompofition, en d'autres fubftances moins compofées, affez femblables entre elles, & à-peu-près toujours les mêmes: de quelque nature que foit le Compofé dont on les fépare.

Cette importante obfervation a donné lieu de croire que les différentes efpeces de Corps qui compofent la Nature vifible, n'étoient que des résultats d'un petit nombre de fubftances plus fimples, dont les di

vers affortimens formoient la diverfité de tous les Corps, fimples ou compofés : les Corps fimples ne renfermant qu'une feule & même efpece de ces fubftances primitives; les Corps compofés résultant d'un mélange de ces diverses substances primitives.

DEFINITION. Ces fubftances plus fimples, en 155 les fupofant réduites à leur derniere décompofition naturelle, c'eft ce que l'on nomme Principes des Corps. Le nombre & la qualité de ces fubftances plus fimples, ou de ces Principes des corps, ont toujours partagé & partagent encore les Philosophes en différens fentimens, que nous allons expofer.

PREMIER SENTIMENT.

LES QUATRE ÉLÉMENS D'ARISTOTE.

156. EXPLICATION. Ariftote ce vafte & profond génie, qui répandit fur la Philofophie, quelques nuages, & de grandes lumieres; qui, embraffant à la fois tous les genres de Connoiffances, créa les loix du Raifonnement, dans fa Dialectique; fixa les regles du Goût, dans fa Poétique & dans fa Rhétorique; connut la Nature, & fur-tout cette partie de la Nature qui renferme le Regne animal, auffi parfaitement qu'elle pouvoit être connue de fon tems; mais qui, par fon accablante réputation, donnant le ton à fon fiecle & aux fiecles fuivans, eut le malheur de prendre un empire defpotique fur la Raison, & de mériter d'être aveuglément commenté par des Difciples d'un génie opaque & brouillé avec le fens commun, capables d'avilir & de ridiculifer le plus grand Maitre: Ariftote, dis-je, admit pour Principes des Corps, uné Matiere homogene, divifée en quatre efpeces d'Elémens primitifs, uniquement différenciés par la diverfité de leurs maffes & de leurs configurations qui en faifoient comme la forme caractéristique & déter

minatrice. Ces quatre Elémens primitifs font l'Air, la Terre, l'Eau, le Fau. (187 & 1525).

On fera fans doute étonné, qu'aprés les obfervations & les découvertes modernes des Boyles, des Hales, des Becher, des Sthal, des de Buffon, de tous les plus célebres Naturalistes des derniers fiecles, on foit réduit à admettre à préfent comme Principes des Corps, les quatre Elémens qu'Empedocle & Ariftote avoient indiqués comme tels, fi long-tems avant que l'on eûtles connoiffances de Chymie, néceffaires pour conftater une telle vérité.

En effet, de quelque maniere que la Chymie analyfe & décompofe les Corps, elle ne peut jamais en extraire que ces quatre fortes de fubftances. Elles ne viennent pas d'abord pures & fimplifiées, dégagées & féparées les unes des autres, dans les premieres décompofitions. Mais les divers Résultats des premieres décompofitions, foumis à de nouvelles analyfes, n'aboutiffent guere qu'à dégager & à féparer plus ou moins parfaitement les unes des autres, ces quatre efpeces de fubftances; qui, fans être fimples & indivifibles en elles-mêmes, font pourtant les feules à qui puiffe convenir le titre de Principes primitifs dans la théorie expérimentale des Corps.

SECOND SENTIMENT.

LA MATIERE PREMIÈRE ET SECONde du
PERIPATETISME.

157. EXPLICATION. Les Péripatéticiens, défigurant fans doute la doctrine d'Ariftote leur maître, admettoient pour Principes des Corps, une matiere premiere & une matiere feconde.

1o. Ils concevoient la Matiere premiere, comme un Sujet vague & indéterminé, qui n'avoit par lui-même aucune forme déterminatrice; mais qui étoit ca

pable de recevoir toutes les formes déterminatrices poffibles.

Ce Sujet vague & indéterminé venoit-il à reçevoir une Forme fubftantielle quelconque, par exemple, la forme fubftantielle propre de l'air, ou de l'eau ou du bois, ou de la pierre, ou de la lumiere? A l'inftant ce Sujet vague & indéterminé, auparavant matiere premiere, devenoit Matiere feconde; matiere caractérisée dans une espece déterminée, air, eau, bois, pierre, lumiere ; felon la nature de la Forme fubftantielle qui lui étoit appliquée & unie.

II°, Selon les Péripatéticiens, les Principes des Corps, étoient une matiere homogene, diverfifiée & caracté rifée dans les différens corps, par la diverfité des formes fubftantielles qui en étoient comme l'ame,

Chaque efpece de corps, chaque efpece d'élément, avoit fa forme fubftantielle à part, différente ou diftinguée de la forme fubftantielle de tout autre corps; comme l'ame d'Alexandre, étoit diftinguée de l'ame de Porus; & différente de celle de Bucéphale,

III°. Différens des hommes & des brutes, mais animés comme eux, les Végétaux avoient chacun une Ame végétative, qui préfidoit à leur formation; qui choififfoit à propos parmi les divers fucs de la terre, ceux qui convenoient à la nature de l'Individu dont elle faifoit partie,

Un Sauvageon enté avoit, outre fon ame primi tive, l'ame de la Greffe qui lui étoit implantée & incorporée. Par-là, il produifoit des fruits d'une meilleure faveur : parce que deux ames faifoient mieux dans lui, que n'eût fait une feule ame,

IVo, Les divers Réfultats de cette Matiere premiere & de ces Formes fubftantielles, avoient différentes Propriétés dont on n'affignoit aucune caufe: ces Propriétés réfultantes de la matiere premiere & de la forme fubftantielle qui lui étoit unię dans

chaque efpece de corps, c'eft ce qu'ils nommoient Qualités occultes. Par exemple, l'eau rafraîchiffoit : parce que la forme fubftantielle de l'eau, avoit une qualité occulte, réfrigérente. Le bois s'enflammoit: parce que la forme fubftantielle du bois quelconque, avoit une qualité occulte qui le rendoit combustible. Le grand vice des Formes fubftantielles & des Qualités occultes du Péripatétifme, c'eft d'être un je ne fais quoi, qu'on ne pouvoit ni définir, ni concevoir; & qu'on faifoit abfurdement fervir à expliquer tout ce qu'on vouloit, fans rien expliquer en effet.

158. REMARQUE. Ce qui donna lieu à cet abfurde délire du Péripatétifme, c'eft fans doute une bévue ftupide qui lui fit confondre la Matiere envisagée dans un état d'abftraction, avec la Matiere telle qu'elle exifte en elle même & dans la Nature.

La Matiere, envisagée dans un état d'abstraction, ou confidérée fimplement comme matiere, ne préfente à l'efprit aucune efpece de corps déterminée. Voilà la Matiere premiere du Péripatétifme: matiere qui, dans cet état d'abstraction, n'existe & ne peut exifter qu'en image dans les idées précifives; matiere qui, dans les divers corps, exifte néceffairement avec des qualités fpécifiques, dont l'efprit peut faire abftraction, en la concevant, mais dont l'efprit ne peut la dépouiller en réalité.

Cette Matiere, homogene par fa nature, mais toujours & par-tout effentiellement matiere, n'a aucun befoin de Formes fubftantielles, pour former différentes efpeces de Corps: il ne lui faut pour cela, que des modifications différentes. (144).

Je puis penser à un Triangle en général, fans fixer ma pensée au triangle équilatéral, au fcalene, à l'ifocele: mais il faut pourtant qu'un triangle qui exifte, foit l'un de ceux-là,

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