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e peuvent jamais faire perdre à un Corps, tous fes pores, tous fes vides.

19.

REMARQUE. Nous ne nous arrêterons pas ici à examiner fi l'étendue de la Matiere, affecte tous fes Elémens ifoles, en telle forte que tout élément ifolé ait fon étendue à part; étendue réelle & indépendante de fon union avec un autre élément :

Ou fi cette étendue de la Matiere, nulle dans chaque Elément ifolé, devient réelle & pofitive par la réunion de plufieurs élémens; en telle forte que chaque élément ifolé foit inétendu, & qu'une fomme d'élémens foit étendue.

Cette Question, qui paroît appartenir à la Métaphyfique au moins autant qu'à la Phyfique, fera plus convenablement examinée & décidée dans le troifieme Article fuivant.

ARTICLE SECOND.

LA DIVISION DE LA MATIERE.

COMME on ne peut rendre raison de la plupart des

merveilleux Phénomenes que la Nature offre par-tout ànos regards, fans fuppofer une inconcevable divifion dans les élémens de la Matiere: il eft de la dernier importance de commencer par examiner jusqu'à quel point la Matiere eft effectivement divifée; ou de quelle étonnante petiteffe, font réellement les élémens de la Matiere. C'eft par des preuves de fait ou d'expérience, que nous allons établir cette théorie.

PROPOSITION FONDAMENTALE.

20. La Matiere eft divifée au-delà de tout ce que notre imagination peut concevoir; ou bien, les élémens de la

Matiere, font d'une ténuité qui paffe tout ce que nous pouvons imaginer & comprendre.

EXPLICATION. La ductilité des Métaux, la diffufion des Odeurs, la vie des Animalcules imperceptibles, l'émanation de la Lumiere: telles font les expériences ou les obfervations que nous allons choifir pour rendre bien fenfible & bien palpable, la vérité de cette Propofition fondamentale.

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Nous nous attachons à celles-ci de préférence fur mille & mille autres: parce qu'elles font plus propres à fervir d'introduction générale à la Phyfique, par la lumiere qu'elles peuvent répandre fur une foule d'objets généraux de la Nature.

PREMIERE

DÉMONSTRATION:

LA DUCTILITÉ DES MÉTAUX.

LES Arts doivent leur lumiere à la Phyfique : la Phyfique tire auffi quelquefois des Arts, une lumiere nouvelle. Nous allons donner quelques momens d'attention, aux Procédés que mettent en ufage les Batteurs & les Fileurs d'or: ils nous fourniront une preuve fenfible de l'étonnante divifion de la Matiere.

21. DÉFINITION. On nomme ductilité des Métaux, cette propriété qu'ont leurs Parties intégrantes, de s'étendre fans fe défunir.

Cette propriété des Métaux, n'eft autre chose que l'adhérence continue de leurs Parties intégrantes, laquelle fait qu'ils peuvent céder à la percuffion & à la preffion, qu'ils peuvent prendre mille formes différentes, fans qu'il y ait fracture ou folution de continuité entre ces parties: ce qui arrive, parce qu'à mefure les parties contigues font forcées de fe féparer, il s'en trouve d'autres qui fe joignent de part & d'autre à celles qui fe féparent,

que

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Il est très-vraisemblable que la figure des parties élémentaires des Corps ductiles, contribue principalement à leur ductilité : mais comme nous n'avons aucune connoiffance fur la forme de ces parties, on ne peut expliquer la Ductilité, d'une maniere plus. particuliere.

&

De tous les Métaux, le plus ductile, c'eft l'Or; c'eft fur ce métal que vont principalement se fixer les obfervations que nous allons faire en ce genre.

LES BATTEURS ET LES FILEURS D'OR.

22. OBSERVATIONI. Les Ouvriers qui battent l'Or & qui le réduifent en feuilles, ont trouvé l'art de lui procurer une étendue dont l'imagination s'étonne. Le philofophe Boyle eft un des premiers qui ait fait cette remarque, qu'un grain d'Or, ou qu'une quantité d'or, qui ne pefe qu'un grain, & qui n'eft que la cinq cent foixante-feizieme partie d'une once, acquiert fous les marteaux & fous les rouleaux qui la mettent en feuille, une étendue de cinquante pouces quarrés.

1o. La longueur d'un pouce, contient au moins deux cens parties vifibles: puifqu'il y a des Inftrumens de Mathématique, où un pouce eft partagé en cent divifions, dont un œil attentif faifit facilement les moitiés. Donc en multipliant la longueur par la largeur une feuille d'un pouce quarré aura 40,000 mille parties vifibles dans fa furface fupérieure, & tout autant dans la furface inférieure: ce qui fait 80,000 parties vifibles.

Donc une furface de cinquante pouces, aura 4,000,000 parties vifibles. Voilà donc un grain d'or, divifé en quatre millions de parties, que l'œil peut faifir & diftinguer.

II°. Un grain n'étant que la cinq cent foixante-feizieme partie d'une once;, pour avoir le nombre de

parties vifibles d'une once entiere d'or, il faut multiplier 4,000,000 par 576: ce qui donne 2,304,000,000 parties vifibles, auxquelles l'Art réduit une feule once d'or.

23. OBSERVATION II. Les Ouvriers qui préparent le Fil d'argent pour le convertir en galons & en étoffes, portent encore plus loin cette prodigieufe extenfion de l'or, quand on le file.

de

Avec une quantité de feuilles d'or, qui n'excede jamais fix onces, & qu'ils diminuent quelquefois jufqu'à une once, ils couvrent un Cylindre d'argent, vingt-deux pouces de longueur fur quinze lignes de diametre, & du poids de quarante-cinq marcs.

Ils font paffer ce Rouleau doré fucceffivement par les différens trous d'une filiere ou lame d'acier, lefquels trous vont toujours en décroiffant depuis le premier jufqu'au dernier : de façon que, s'alongeant continuellement aux dépens de fon diametre, ce Cylindre ou ce Rouleau devient enfin auffi délié qu'un cheveu, & d'une longueur qui égale environ 97 lieues de 2000 toifes chacune.

24. EXPLICATION. I. Les feuilles d'Or que l'on applique à ce Cylindre, s'uniffent intimement à fa furface; & font comme un même tout avec l'argent à qui elles fervent d'enveloppe, & auquel elles adherent avec force.

Cette forte adhérence des feuilles d'or au Cylin'dre d'argent, femble avoir principalement pour caufe, la grande affinité qu'a l'or avec l'argent : affinité qu'il a dans un plus ou moins haut degré, avec toutes les fubftances métalliques, & qu'il n'a pas de même avec les fubftances non métalliques.

II°. En paffant fucceffivement par les différens trous de la Filiere, l'Or, en vertu de fa ductilité & de fon affinité avec l'argent, s'étend fur le Cylindre; & lui

sefte adhérent, à mefure que le Cylindre s'alonge. Le Fil doré qui en réfulte, eft encore un petit cylindre d'argent, auquel l'or, qui s'eft de plus en plus étendu, & qui le couvre encore, fert toujours de fourreau & d'enveloppe. Ce Fil doré fe nomme Trait. (*).

III°. On fait paffer le Fil doré ou le Trait, entre deux Rouleaux d'acier poli, qui l'écrafent & P'appla tiffent en forme de lame fort mince, dont on enveloppe enfuite un fil de foie pour l'ufage des différen tes Fabriques.

Dans l'opération des rouleaux, le Trait s'étendant en longeur & en largeur, devient plus long encore d'un feptieme. Ainfi, au lieu de 97 lieues que nous avons précédemment comptées pour fa longueur, il faut compter 111 lieues.

IV°. Là Dorure qui enveloppe le fil applati, doit être confidéré comme une double Lame d'or, appliquée fur la double furface de la lame d'argent. Chacune de ces lames d'or ayant 111 lieues, les deux enfemble: auront 222 lieues.

V. Le Trait, en s'écrafant fous les rouleaux d'acier, prend la largeur d'environ un huitieme de ligne : largeur qui fe divife facilement en deux portions fen fibles.

Le Trait pourra donc être divifé dans toute fa longueur en deux petites lames, dont chacune aura fa double enveloppe d'or. Par conféquent, au lieu de deux lames d'or, il en faudra compter quatre; qui égaleront en longueur. 444 lieues..

VI°. En fuppofant du Fil le plus légérement doré,, voilà donc une Once d'or, convertie en quatre lames, dont la furface vifible a 444 lieues d'étendue.

(*) ETYMOLOGIE, Du mot latin trahere: tirer, étendre filer: tractum, filé

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