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209. OBJECTION. L'Eau étant un corps extrémement poreux: pourquoi ne feroit-elle pas compreffible? D'ailleurs, Boyle prétend avoir apperçu dans fes expériences, quelques fignes de compreflibilité dans l'eau : donc il n'ett point certain que l'eau foit incompreffible: donc il n'eft pas plus certain que les autres Liquides foient incompreffibles.

RÉPONSE. 1°. En genre de Phyfique, les raifonnemens font fort inutiles contre l'expérience: aucune raison métaphysique ne peut infirmer ce que l'œil découvre & démontre.

II. Nous ne foutenons pas que l'eau foit abfolument incompreffible en elle-même : nous difons fimplement, d'après l'expérience, que fa réfiftence à la compreffion, a vaincu jufqu'à préfent, tous les efforts qu'on a employés pour la comprimer.

III°. Comme on a répété mille & mille fois les expériences de Boyle, fans découvrir aucun figne de compreffibilité dans l'eau: on a jugé avec raison, que les fignes de la compreffibilité que Boyle crut y avoir apperçus, devoient être attribués, ou à la ductilité des métaux dans lefquels il enfermoit l'eau, ou à la petite quantité d'air qui s'infinuoit avec l'eau dans les vaiffeaux qu'il employoit pour faire fes expériences.

La théorie de la Dilatation & de la Condensation nous mene naturellement à l'explication des phénomenes du Thermometre & du Pyrometre. (*). CONSTRUCTION ET USAGE DU THERMOMETRE.

210. OBSERVATION. Le Thermometre eft un inftrument propre à mefurer la quantité précife du Chaud

(*) ETYMOLOGIE. Thermometre: mesure de la Chaleur, De Jepun, Calor; & de μerpew, metior.

Pyrometre: mefure du Feu ou de la Dilatation que pro duit le Feu. De wũp', Ignis ; & de μirpów metior,

& du Froid. C'eft une des belles Découvertes de la Physique moderne : découverte qui doit fa perfection à M. de Réaumur.

Avant ce célebre Phyficien, on avoit des Thermome tres plus ou moins exacts. Mais chaque thermometre ne fervoit qu'à l'Obfervateur ifolé qui en faifoit ufage: fans qu'il fût poffible à celui-ci, de communiquer fes obfervations à d'autres Obfervateurs qui n'avoient pas fous les yeux le même thermometre avec lequel elles avoient été faites: parce qu'on n'avoit pas de Point fixe, pour évaluer ce qu'on devoit entendre par un degré de dilatation & de condensation.

Réaumur entreprit de faire des Thermometres de comparaison, dont le langage fût propre à fe faire entendre uniformément à toute la Terrre; & il y réuffit. Nous allons faire connoître lumineufement & en peu de mots, fur quels principes fcientifiques, eft conftruit cet utile inftrument. (Fig. 10).

211. CONSTRUCTION. Soit une Boule creufe de verre A, furmontée d'un petit Canal cylindrique A B, d'une capacité fort petite & d'un calibre parfaitement égal dans toute fa longueur. (Fig. 10).

1o. Empliffez d'un mercure très-pur, cette Boule & ce canal, jufqu'à une certaine hauteur D; & mettez la Boule dans l'eau bouillante, pour en faire fortir ce qu'elle peut avoir de mercure fuperflu. Après quoi bouchez hermétiquement en B le petit Canal cylindrique, en n'y laiffant point d'air, autant que la chofe eft poffible.

II°. Enveloppez de neige ou de glace pilée, la capacité A D emplie de mercure, pendant environ une demi-heure.

Le Mercure, en fe condenfant, defcendra dans le canal jufqu'à un point fixe C, que l'on marquera avec un fil; & que l'on nomme le Point de la congelation.

III°. Mettez doucement & peu à peu ce même Inftrument dans l'eau bouillante : en telle forte que l'eau bouillante enveloppe à peu près toute la partie où fe trouve le mercure.

Le mercure, en fe dilatant, montera dans le canal jufqu'à un certain point fixe B, que l'on marquera également avec un fil; & que l'on nomme le Point de Peau bouillante.

IV. Divifez enfin exactement avec un compas, l'efpace compris entre le point de la congélation & le point de l'eau bouillante, en quatre-vingt parties. égales, que l'on nomme Degrés ; & que vous tracerez proprement fur un papier, à côté du Canal cylindrique.

Ayant divifé en degrés exactement égaux, tout l'ef pace CB, depuis le point de la congélation, jufqu'au point de l'eau bouillante, & depuis le même point de la congélation jufqu'à la Boule à peu près: on aura un Thermometre de comparaifon, qui marquera fidelement la température préfente du lieu où il fe trou vera placé.

Au lieu de divifer l'efpace compris entre le point de la congélation & le point de l'eau bouillante en quatre vingt degrés, on pourroit prendre une autre divifion quelconque. La divifion en quatre-vingt degrés, a été adoptée de préférence par la plupart des Phyficiens: fans doute parce qu'en donnant des degrés plus fenfibles, elle eft divifible affez loin par moitiés, en 40, en 20, en 10, en 5; ce qui rend la graduation plus exacte & plus facile.

Les Remarques fuivantes vont achever de faire connoître la théorie du Thermometre de comparaison.

212. REMARQUE I. Il est démontré par mille & mille expériences bien fures & bien certaines, que le Mercure, dans tous les pays du Monde, a une égale Tome 1. Q

difpofition à fe dilater ou à fe condenfer, fous un même degré de chaleur ou de froidure.

I. Donc la quantité de chaleur qui, excédant le degré de Congélation, dilatera en France le mercure d'une quatre-vingtieme partie de la dilatation qu'il faudroit pour atteindre au point de l'eau bouillante opérera la même dilatation en Chine, en Canada, au Brefil; & donnera un degré au deffus de la Congélation, dans ces Régions, comme en France.

II°. Donc, par la même raison, un degré déterminé de froidure, qui, excédant le Froid de la glace pilée, condenfera en France le Mercure, de dix Quatre-vingtiemes, ou de dix degrés, le condenfera également de dix degrés ou de dix Quatre-vingtiemes, en Turquie & en Siberie ; & donnera précisément en tous ces pays, dix degrés au-deffous de la Congélation. (Fig.10).

III°. Il n'eft point néceffaire, dans les Thermometres de comparaison, que les Boules foient de part & d'autre, proportionnelles à la capacité des Tubes cylindriques, à côté defquels on marque les degrés.

Si, les Boules étant égales, les cylindres font inégaux en capacité : les degrés auront plus d'étendue dans le plus petit tube, & moins d'étendue dans le plus grand tube.

Mais la quantité de la Dilatation ou de la Condenfation, fera toujours fidelement marquée par les deux Tubes, dont les degrés plus ou moins étendus font toujours des Quatre-vingtiemes de la Dilatation totale , que fubit le Mercure, pour paffer du point de la congélation au point de l'eau bouillante; qui font les deux Points fixes & invariables d'où part la divifion en degrés plus ou moins étendus, dans tous les Thermometres de comparaison.

213. REMARQUE II. Il est démontré par mille &

mille expériences inconteftables, que l'Eau de pluie & de fontaine, en la fuppofant parfaitement pure & telle qu'on peut aifément l'obtenir par le moyen de la Diftillation (1672), a un degré de chaleur égal & uniforme, dans toute la Terre, fous la Zone torride & fous les Zones glaciales, au moment où elle arrive au Point d'ébullition dans un Vase ouvert : elle est donc propre alors à donner par-tout au Mercure, une dilatation uniforme.

I°. L'Eau de pluie & de fontaine, parfaitement pure, a acquis, après avoir effuyé fes deux ou trois premiers bouillons, le plus haut degré de chaleur où elle puiffe atteindre dans un vafe ouvert; & en bouillant enfuite pendant plufieurs heures, elle ne fait que fe conferver dans le même degré de chaleur : fans doute parce que les Particules aqueufes, quand elles ont acquis toute la chaleur dont elles font fufceptibles en vase ouvert, s'évaporent; & échappent à l'action du feu, qui ne peut s'accumuler dans elles.

La même Eau, dans un vase clos, eft fufceptible d'un degré de chaleur accumulée, qui va jufqu'à l'incandefcence: mais elle acquiert par-là une force expanfive & explosive, capable de brifer & de mettre en pieces les vaiffeaux les plus forts & les plus réfiftans.

II°. L'Eau de la mer, dans l'état d'ébullition en vafe ouvert, a plus de chaleur que l'eau de fontaine ; l'huile, beaucoup plus que l'eau de mer; le mercure, incomparablement plus que l'huile.

Selon les obfervations d'un Académicien de Lyon, le Thermometre qui, mis à l'épreuve de la glace pilée & de l'eau bouillante commune, monte à 80 degrés, s'éleve dans l'eau de Mer bouillante, à près de 82; dans le Mercure bouillant, à 172.

214. REMARQUE III. Il est également démontré par l'expérience, que la Glace pilée, foit en été, foit

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