Imágenes de páginas
PDF
EPUB

1o. Les Péripatéticiens attribuoient la Solidité & la Fluidité des corps, à deux qualités occultes, dont l'une opéroit la folidité, & l'autre, la fluidité; & cette opinion revit encore dans quelques prétendus Philofophes qui, pour rendre raifon de ces deux grands phénomenes, fe bornent à dire fe bornent à dire que les Corps font folides ou fluides, parce que telle eft leur

nature.

Opinion inepte & anti-philofophique! Les Corps n'ont d'autre nature fpécifique, que celle qui réfulto des Loix générales de la Nature: foit qu'on en connoiffe, foit qu'on en ignore l'influence. Un Philofophe n'eft pas obligé de connoître toujours les caufes des phénomenes: mais il ne doit jamais affigner aux phénomenes, des caufes ridicules ou abfurdes.

II°. Gaffendi fait réfulter la Solidité des corps, d'un entrelacement de divers atomes branchus & crochus; & la Fluidité, du défaut d'un tel entrela

cement..

Cette Opinion, moins déraisonnable que la précédente, n'eft pas moins infoutenable & inadmiffible: puifque ces élémens primitifs, entrelacés les uns avec les autres, ne pourroient fe féparer fans rompre leurs branches & leurs angles; & que ces élémens primitifs, felon Gaffendi lui-même, font infécables & indeftructibles & dans leur tout & dans toutes leurs parties. D'où il réfulteroit que les corps durs feroient tous d'une dureté infinie; & qu'au cune cause ne pourroit vaincre & détruire l'adhérence de leurs parties.

III. La Solidité & la Fluidité, ainfi que tous les autres phénomenes, doivent avoir pour caufe, les Loix générales de la Nature; favoir, ou l'Impulfion, ou l'Attraction, où l'une & l'autre. C'eft ceffer d'être Phyficien, que d'en chercher d'autres caufes; & c'eft auffi dans ces deux feules Loix de la Nature,

que nous allons chercher l'explication du grand Pnénomene dont il eft ici question.

LA SOLIDITÉ, PAR IMPULSION.

218. SENTIMENT I. Selon Descartes & felon Malebranche, la Solidité des Corps, a pour caufe, la preffion d'une Matiere fubtile, de l'Ether cartefien; qui, avec une force immense plus ou moins contrariée preffe de toute part vers un centre commun, un amas d'Elémens plus groffiers, & les applique l'un contre l'autre.

:

[ocr errors]

Cette Matiere fubtile étoit fans élasticité, felon Defcartes elle eft élastique, felon Malebranche & felon tous les modernes Cartéfiens. Mais, élastique ou inélastique, elle a une preffion d'où réfulte, dit-on, la Solidité de certains corps, ou l'adhérence réciproque de leurs parties. Développons & examinons ce Mécanisme cartéfien. (Fig. 73).

I°. Soit une Machine de Magdebourg, divifée en fes deux hémifpheres creux A & B. Si on pompe l'air enfermé dans ces deux hémispheres: l'air environnant les preffe l'un contre l'autre, & leur donne une adhérence qui ne pourra être vaincue que par une force égale à un poids de cent ou de deux cens livres. C'eftlà l'image, felon les Cartéfiens, du mécanisme qui produit la dureté ou la folidité des Corps. (700).

Deux Molécules de matiere rameufe & canelée, deux Molécules dont les faces font capables de s'appliquer parfaitement l'une contre l'autre, fe trouventelles contigues dans le tems où fe forme un corps, tel que le bois ou le marbre? La Matiere fubtile, l'Ether cartéfien, qui emplit la Nature, preffe ces deux molécules l'une contre l'autre avec une force immenfe. De-là, l'adhérence de ces deux molécules entre elles de-là, l'adhérence femblable de toutes les autres molécules qui forment le même corps.

La matiere qui produit cette preffion, eft la matiere qui emplit l'immenfité des cieux, felon les Cartéfiens: c'est-à-dire, la matiere du premier & du fecond Elément de Descartes, la matiere fubtile & la matiere globuleuse, élastique ou inélaftique. (163).

II°. Si un Corps étoit compofé tout entier d'élémens dont toutes les furfaces fuffent parfaitement unies & totalement contigues; ce corps entier feroit d'une adhérence ou d'une dureté comme infinie, felon les Car téfiens: puifque, pour vaincre cette adhérence des parties entre elles, il ne faudroit rien moins qu'une force capable de furpaffer la preffion de tous les cônes de Matiere éthérée ; qui, aboutiffant de toute part à tous les points de ce corps folide, s'étendent fans aucun vide jufqu'à la Région des Etoiles, ou peut-être jufqu'à la derniere Couche de la Matiere & du Monde.

III. Mais comme les Corps durs & folides ne font pas composés d'élémens qui puiffent s'appliquer les uns aux autres dans toute l'étendue de leurs furfaces; & que parmi ces élémens principes des corps, il y en a de différente maffe & de différente figure: il s'enfuit que les Corps folides ne doivent pas avoir tous la même dureté ou la même adhérence de parties.

Par exemple, les Corps font plus durs, ou ont leurs parties plus fortement adhérentes les unes aux autres: quand leurs Elémens font plus contigus, & moins divifés par des couches intermédiaires de matiere éthérée. Les Corps font moins durs, ou ont leurs parties moins adhérentes entre elles: à proportion que leurs molécules rameufes & anguleufes font moins contiguës, & qu'elles font plus divifées par des couches intermédiaires de matiere éthérée; laquelle, en communiquant avec la matiere éthérée extérieure, tend, par fa preffion ou par fon élafticité, à écarter les Elémens plus maffifs entre lefquels elle fe trouve interpofée, avec une force proportionnelle à fa quantité.

De-là, felon les Cartéfiens, la différente dureté ou folidité du plomb, de l'or, de l'acier, du diamant. Le Diamant eft plus dur que le plomb: parce que la preffion extérieure de la matiere éthérée, eft moins détruite dans le diamant que dans le plomb, par la réaction ou par la preffion contraire de la matiere éthé rée, répandue entre les élémens de ces deux corps.

IV. Si un Corps eft compofé d'Elémens sphériques ou cylindriques, ou pyramidaux, ou d'une figure quel conque qui donne peu de contact entre ces élémens; ce corps fera fans aucune adhérence fenfible dans fes divers conftitutifs; ce corps fera liquide ou fluide : parce que la matiere éthérée, interpofée de toute part en très-grande abondance entre fes élémens, tend intérieurement à les écarter, autant que la matiere éthérée environnante tend extérieurement à les unir. Ces deux Forces oppofées, & fenfiblement égales, se détruisent réciproquement; & leur effet doit être nul. Telle eft l'eau, tel eft l'air, telle eft la lumiere, tels font tous les corps liquides & fluides.

219. RÉFUTATION. Ce Systême cartéfien, trèsphilofophique à bien des égards, le plus ingénieux & Je plus fatisfaifant que l'on puiffe imaginer dans l'hypothefe du Plein, s'écroule & s'évanouit néceffairement avec cette hypothefe, qui n'eft aucunement foutenable, qui eft en tout point fabuleufe & chimérique; qui fe trouve diamétralement opposée à tous les grands phénomenes de la Nature : comme nous le ferons voir & fentir ailleurs. (1398 & 1399).

Il est démontré à la vérité, que dans toute hypothefe, il faut néceffairement admettre l'existence d'une Matiere très-fubtile, toujours en action & en mouvement: existence évidemment démontrée par les phé nomenes de l'électricité, de l'aimant, du feu, de la

lumiere.

[ocr errors]

Mais l'existence d'une telle Matiere, n'a rien de commun avec celle de laquelle Defcartes & Malebranche font naître le phénomene de la folidité des Corps: puifque la Matiere fubtile dont l'existence eft démontrée, ne fuppofe point une preffion uniforme en tout fens dans le Plein; fe concilie avec les Vides immenfes de Newton; doit plutôt tendre à écarter qu'à unir les élémens des Corps qu'elle pénetre & qu'elle enfile avec tant de vîteffe & de liberté tantôt dans un fens, tantôt dans un autre, & jamais uniformément en tout fens.

LA SOLIDITÉ, PAR ATTRACTION
OU PAR AFFINITE.

220. SENTIMENT II. Selon la plupart des Chymiftes & des Phyficiens modernes ; la Solidité des Corps, ou l'adhérence de leurs parties entre elles, a pour caufe l'Attraction Spéciale entre les élémens dont font formés ces Corps. La Fluidité des Corps, ou le défaut d'adhérence entre leurs parties, a pour caufe le défaut d'une femblable Attraction entre les élémens qui les compofent.

que

1o. Nous avons déja obfervé ailleurs, & nous ferons voir encore plus fenfiblement dans la fuite (1422 & 1517), que l'Attraction générale, cette Attraction qui produit le grand phénomene de la Pefanteur, ne peut produire dans les Corps terreftres, aucun mouvement qui les faffe tendre fenfiblement les uns vers les autres, aucune adhérence qui s'oppofe fenfiblement à leur féparation; & que fi l'Attraction générale produit quelque effet infiniment petit de tendance ou d'adhé fion entre les Corps terreftres, cet effet a lieu dans les Corps liquides, ainfi que dans les Corps folides.

Donc la Solidité des Corps, qui eft un effet trèsfenfible & très-marqué, un effet capable de vaincre fouvent la plus grande force, un effet qu'on n'ob

« AnteriorContinuar »