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Mon Ame conçoit Dieu, la vertu, la vérité, le bien, la fageffe, l'étendue, la durée: parce que mon ame eft une monade naturellement représentative de ces objets, & liée dans le Plein avec tous ces objets, L'Odeur d'une rofe, fait naître en moi l'image d'une rofe; parce que ces corpufcules odorans font comme des types ou des moules, où eft empreinte l'image de la rofe qui les produit, Les Rayons de lumiere, me peignent les divers corps d'où ils émanent, ou qui les réfléchiffent : parce ces rayons font tout au tant de monades frappées au coin ou du corps lumi neux qui les produit, ou des corps opaques qui les répercutent,

Tout eft lié & enchaîné dans le Plein, felon Leibnitz. Je ne puis remuer mon pied à droite ou à gauche, fans imprimer à la matiere qui m'environne, un mouvement qui fe communique, en s'affoiblif fant, à la Nature entiere, jufqu'au-delà du Soleil & des Etoiles. Vous avez une image ou une idée ou une perception nette du mouvement de mon pied ; parce que, placé auprès de moi, vous recevez une impreffion nette & fenfible, qui l'imprime à la Mo nade repréfentative & intelligente qui yous anime, L'empereur de la Chine, n'a & ne peut avoir qu'une image ou une idée confufe du mouvement de mon pied parce que la Monade repréfentative & intelligente qui anime cet empereur, reçoit une impreffion trop foible & trop confufe du mouvement de mon pied,

De-là, des idées claires, des idées confufes, des idées partielles, des idées adéquates, felon Leibnitz, La Monade-Dieu a des idées adéquates ou des idées complettes de tout parce qu'elle eft préfente partout, & que par tout elle eft infiniment repréfenta tive. La Monade-Ame humaine a des idées du paffé, du préfent, de l'avenir: parce qu'elle eft fusceptible

d'impreffions relatives à ces trois tems; & ces idées ou ces images font tantôt claires, tantôt confuses toujours inadéquates: parce qu'elle n'eft que dans un point de l'Infini en durée & en étendue, & qu'elle n'a qu'une vertu repréfentative finie. La Monade-Ame d'une Brute, a des images ou des perceptions moins étendues & plus imparfaites de tout; & la MonadeMatiere, dans les végétaux, dans les minéraux, dans tous les corps quelconques, eft encore plus imparfaite que l'efpece de Monades qui anime les Brutes.

Quel fyftême, que celui des Monades? Les Philofophes Allemands l'ont adopté avec enthousiasme, Les Philofophes Anglois ont dédaigné de le réfuter & fe font bornés à en rire: mais Leibnitz mérite quand on n'eft pas de fon avis, qu'on le réfute aus trement qu'en riant.

52. REMARQUE. Quant à l'action des Monades fpirituelles fur les Monades matérielles, des Ames fur fes Corps: Leibnitz en rend raifon par la plus fingu liere hypothefe qui ait jamais été imaginée; & qui n'eft qu'une fuite ou une application particuliere de Pharmonie & de l'enchaînement dont nous venons de parler.

Il veut que l'Ame & le Corps d'un même homme quelconque, fans aucune espece de dépendance & de rapport de l'une à l'autre, foient deux fubftances tellement conftituées, que l'une exerce une certaine fuite de Perceptions, l'autre une certaine fuite de Mou vemens; & que la fageffe du Créateur, qui a tout prévu & tout combiné dès le commencement des chofes, les ait tellement conftruites, que par une certaine Fatalité naturelle & intrinfeque, qu'il décore du beau nom d'Harmonie préétablie, les mouve mens de l'une fe faffent toujours précisément lorfque les perceptions de l'autre femblent l'exiger, &

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réciproquement en telle forte que les perceptions paroiffent dépendre des mouvemens, & les mouvemens des perceptions.

Ainfi, felon Leibnitz, l'ame de Virgile fait des vers, fa main les écrit: fans qu'il y ait aucune liaifon, aucune dépendance, aucune connexion, entre les mouvemens de la main & les idées de l'ame, à l'exception d'une fimultanéité prévue & préétablie d'exiftence.

Si la chofe eft ainfi, comme le foutiennent avec enthoufiafme prefque tous les Philofophes Allemands; il étoit affez indifférent que l'ame de Virgile habitât ou le corps de ce Poëte, ou tout autre corps : nous aurions eu le même Poëme, quand même elle auroit été logée dans Jupiter ou dans Saturne,

53. ASSERTION. Les Monades de Leibnitz, ne font aucunement admiffibles,

DÉMONSTRATION. Io. Les mêmes raifons qui fou droient les Points phyfiques de Zénon, foudroient également les Monades de Leibnitz; puifque l'un & l'autre fentiment fait naître l'étendue des Corps, d'un affemblage de principes qui n'ont abfolument aucune étendue en eux-mêmes. (48),

IIo. On rend raison de l'étendue & de la compofition des Molécules primitives de la matiere, en difant que leur nature est d'être étendues & compofées de parties,

Et Leibnitz auroit tort d'improuver cette raison; puifque fi on lui demande pourquoi fes Monades font fimples & inétendues; il est évidemment obligé de recourir à la même réponse, & de dire que leur na ture eft d'être fimples & inétendues.

III. Nous démontrerons ailleurs, qu'une Matiere primitivement homogene, peut produire des Mixtes différens. Donc, pour rendre raifon de la diverfité

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́des Mixtes, fur quoi il fonde fa principale preuve en ce point, il n'eft pas néceffaire d'admettre des Monades intrinféquement diffemblables dans leur nature primitive. (144).

Quant à la raison qu'il emprunte de fon fyftême de l'Optimisme, pour établir la diverfité intrinfeque de fes Monades: en réfutant, dans notre Métaphy-fique, ce fyftême fingulier, qui ne s'accorde point avec la liberté de Dieu, & que rien ne fonde; nous -avons réfuté d'avance, & toutes les applications qu'on en peut faire, & toutes les conféquences qu'on en peut tirer.

IV. Nous démontrerons bientôt que la Matiere, livrée à elle-même, a en partage une intrinfeque Inertie. Donc il eft faux que les Monades de la matiere, foient actives par elles-mêmes. Donc, pour expliquer le mouvement qui fe perpétue dans la Nature, il faut recourir à une autre caufe, qu'à l'activité intrinfeque des Monades; favoir, à l'action de Dieu, feul auteur & confervateur du mouvement de la Nature.

Vo. Nous avons démontré, dans notre Métaphyfique, que la Matiere ne penfe point; que la Matiere eft incapable de penfer. Donc il eft faux que les Monades qui compofent la boue, l'argille, la lumiere, les corps fonores, les corps odorans, aient le rayon d'intelligence que leur attribue Leibnitz. (Mét. 1042).

Nous avons encore démontré, dans cette même Métaphyfique, que les idées & les fenfations que font naître en nous les impreffions de la matiere qni ébranle nos Sens comme caufe occafionnelle, font produites dans notre ame par la feule action du Créa teur. Donc, pour rendre raifon & des images & des fenfations que nous avons des objets; il n'eft point néceffaire de fuppofer aux Monades de la matiere, une fabuleufe & chimérique vertu représentative. (Mét. 461 & 475)

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VI°. L'enchaînement fingulier de mouvemens que fuppofe le fublime délire des Monades, tend à établir dans la Nature, une fabuleuse Fatalité; qui fimpatise affez bien avec les principes du Proteftantisme que profeffoit Leibnitz; mais que la Raifon réprouve & que le Sentiment intime de notre liberté dément authentiquement. (Mét. 1112 & 1117).

Comment fuis-je libre en effet: fi les Déterminations de mon ame, ne font qu'une fuite néceffaire des premieres impreffions qu'elle a reçues dès le commencement de fon exiftence; fi les Mouvemens de mon Corps, ne font qu'un effet néceffaire du premier mouvement qu'ont eu en eux-mêmes les élémens qui conftituent mon corps, & des divers mouvemens qu'ils reçoivent actuellement des autres corps avec lefquels ils font harmoniquement liés & enchaînés? Donc, les Monades de Leibnitz, ne font admiffi bles en aucun point. C. Q. F. D.

CHIMERE DES POINTS ENFLÉS.

34. EXLICATION. Pour fe foftraire aux difficultés qui découlent de l'infinie divifibilité de la Matiere: certains prétendus Philofophes ont imaginé des Atomes ou des Points réels & phyfiques, de différente figure & de différente maffe; lefquels n'ont point d'étendue réelle, mais feulement une Etendue virtuelle, en vertu de laquelle ils équivalent à des Points qui auroient une réelle étendue.

Ces Points s'enflent & fe défenflent à leur gré: fans rien acquérir, en s'enflant; fans rien perdre, en fe défenflant, Quelque volume d'enflure qu'on leur fuppofe, ils reftent toujours indivifibles : parce que leur nature eft d'être fans étendue, fous quelque volume que ce foit; & que la feule étendue eft divifible.

REFUTATION. Une Opinion anffi abfurde mérite

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