Imágenes de páginas
PDF
EPUB

à peine une réfuation férieuse. Qu'est-ce qu'une Inétendue réelle, qui a une extenfion virtuelle, & qui devient une réelle étendue ? Comment concevoir dans ces Atomes ou dans ces Points, une diverfité de faces fans y concevoir une multiplicité de côtés, dont l'un n'eft pas l'autre ? Comment ces Points peuvent-ils s'enfler ou fe défenfler; fans avoir des parties qui s'éloignent & qui fe rapprochent les unes des autres?

:

Philofophie, c'est à des Philofophes de cette trempe, que tu dus le dédain & le mépris qui te furent fi juftement attachés dans des fiecles de bar barie & de déraifon; où l'on ne faifoit fervir ta lumiere, qu'à éclairer de femblables inepties. N'oublie jamais, que s'envelopper dans des tenebres pour éluder une difficulté réelle, c'est la miférable reffource de l'ignorance & de l'imbécillité : reffource que dédaigne le génie, & dont rougit la raifon!

LES ATOMES DE GASSENDI.

55. EXPLICATION. Gaffendi admet, d'après Démocrite & d'après Epicure, des Atomes de différente maffe & de différente figure, étendus & indi vifibles avec cette différence que Gaffendi fuppofe ces Atomes créés & mus par l'Auteur de la Nature ce que ne fuppofoient point Epicure & Démocrite, qui les faifoient incréés & mus par eux-mêmes.

REFUTATION. Si Gaffendi fe bornoit à dire que ees Atomes primitifs, étendus & divifibles en euxmêmes, ont reçu du Créateur une figure & une maffe qu'aucun Agent créé ne peut leur faire per dre ce Sentiment, conforme à la raifon & à Pexpérience, n'auroit rien de repréhenfible.

Mais admettre des Atomes de différente grandeur, & de différente figure, étendus & indivifibles en eux

s

mêmes, c'eft admettre des chofes qui se détruisent: Car comment concevoir un atome cubique, un atome pyramidal, un atome hériffé d'angles & de concavités : fans concevoir une multiplicité de parties, qui compofent ces faces, ces concavités, ces angles folides? Comment concevoir deux atomes d'inégale grandeur, dont le premier soit double du fecond; fans concevoir dans le premier, une quantité double de fubftance, qui pourroit être divifée en deux, & compofer deux atomes égaux au fecond?

Dire que, malgré cette diverfité de maffe & de figure, ces Atomes étendus font fimples & fans parties, parce que leur nature eft d'être tels : c'eft vouloir foutenir un inepte paradoxe, par une palpable abfurdité. Qui m'empêchera de foutenir, par la même dialectique, & avec le même ton de vérité & de conviction, que le mont Apennin ou le mont Atlas font fimples & fans parties: en difant de même contre toute raison & contre toute évidence, que leur nature eft d'être fimples & fans parties? De quelle inconféquence n'eft pas capable l'efprit humain; quand, ftupidement aveugle & opiniâtre, il époufe un mauvais fyftême!

Si ces Atomes de Gaffendi font étendus, ifs ont au moins deux parties. S'ils ont deux parties, l'une n'eft pas l'autre, l'existence de l'une n'eft pas l'exiftence de l'autre donc l'une peut exifter fans l'autre: donc l'une peut être féparée de l'autre. Donc ces Atomes étendus ne font point indivifibles en euxmêmes. C. Q. F. D.

LES POINTS SANS CONTACT DE BOSCOVICH.

56. EXPLICATION. Le feul qui ait réuffi à concilier l'inétendue des Elémens de la matiere, avec l'étendue des Corps, c'eft l'illuftre Bofcovich, ingénieux

Philofophe & profond Mathématicien. Son Systeme, clinquanté & éblouiffant, a de quoi en imposer à quiconque peut prendre le brillant pour le folide, l'efprit pour la raifon, le roman pour la vérité. Voici une légere efquiffe de ce fyftême.

Io. Chez Bofcovich, comme chez Zénon, les élémens de la Matiere, font des points ou des atomes inétendus, de différente nature.

II. Chez Bofcovich, comme chez Newton, ces élémens ont des attractions réciproques, en vertu defquelles ils tendent les uns vers les autres.

III. Chez Boscovich, les attractions font jointes à des répulfions. Ces Points s'attirent & fe repouffent alternativement, fans pouvoir jamais arriver. au point de contact: enforte que dans la Nature. entiere, dans les Corps les plus denfes & les plus durs, il n'y a jamais & il ne peut jamais y avoir deux atomes contigus.

IV. Dans la plupart de ces élémens, l'Attraction réciproque a lieu jufqu'à un certain degré de proximité, auquel la Répulfion commence. De-là, l'action de la Nature, dans l'Air, dans la Lumiere, dans la Matiere fubtile.

V. Dans quelques-uns de ces élémens, l'At-, traction & la Répulfion ont un Point d'équilibre, ou d'égalité. Quand l'attraction & la répulfion font, égales elles fe détruifent réciproquement, & le repos a lieu entre ces élémens. De-là, la dureté des Corps.

[ocr errors]

Les Corps fluides font compofés d'élémens qui' s'attirent & fe repouffent fans ceffe: fans pouvoir' parvenir à un point de proximité ou d'éloignement, où l'une des deux Forces oppofées ne l'em porte pas fur l'autre.

Les Corps durs font compofés d'élémens dans lefquels l'attraction & la répulfion arrivent à des

Points d'équilibre, dans un grand degré proximité éntre ces élémens, mais toujours fans aucun contact.

Un Mélange de ces deux efpeces d'élémens, dont les uns parviennent & les autres në parviennent jamais à un point d'équilibre entre la force attractive & la force répulfive, produit des Corps d'une moin dre dureté.

VI. Ces Elémens inétendus, dans ce Systême, forment aifément une étendue réelle. Car, foit un Poucé cubique d'étendue, pris dans le Vide ou dans l'Ef pace pénétrable.

Divisez par la pensée, ce Pouce cubiqué d'étendue, en cent mille millions ou billions de parties; & placez dans chacune de ces parties, un Atome inétendu d'or ou de marbre, que fon attraction & fa répulfion empêcheront de s'approcher de plus près des autres élémens: vous aurez un Pouce cubique d'étendue folide & impénétrable:

Le dernier point inétendu qui fera du côté de l'o rient, fera éloigné du dernier point inétendu qui fera du côté du couchant, de l'étendue d'un pouce; & cent mille millions ou billions de Points iné tendus d'or ou de marbre, fans avoir aucune éten due par eux-mêmes, auront l'étendue de l'espace qu'ils occupent fans fe toucher, & dans lequel ils empêchent d'autres points femblables de fe placer.

57 REMARQUE. Ce Syftême, né en Italie, à peu près dans le même tems que les Pantins naiffoient en France, femble fe fentir un peu trop du génie de fon fiecle; & vouloir faire de la Nature entiere, une vraie Pantalonade, digne peut-être d'amufer incapable sûrement d'inftruire & d'éclairer.

La Loi de continuité, fur laquelle on tâche de l'établir, & en vertu de laquelle tout s'opere dans la Nature par des acioiffemens & des décroiffemens

fucceffifs, eft-elle bien rigoureusement démontrée dans la généralité qu'on lui donne? Pourquoi un Corps qui a un mouvement comme 100, ne pourroit-il pas perdre fubitement tout fon mouvement: fans paffer par tous les degrés décroiffans depuis 100 jufqu'à zéro ? Et quand même cette Loi de continuité, feroit auffi rigoureusement démontréé qu'on le prétend à qui perfuadera-t-on les chimeres que l'on veut en faire découler? Un fyftême qui fuppofe our qui prouve qu'il n'y a pas deux élémens contigus dans la Nature, eft un fyftême tout réfuté par lui-même; un fyftême que la Raifon défavoue, lors même qu'elle en admire le brillant échafaudage.

:

Il eft peu probable que Defcartes ait jamais été bien perfuadé de la réalité de fes Tourbillons & de fes Automates; Leibnitz, de la réalité de fes Mona-des; Boscovich, de la réalité de fon Inconuguïté.

Les grands hommes s'amufent quelquefois à enfanter, en badinant, d'ingénieufes chimerés, que d'autrès grands hommes adoptent & foutiennent quelquefois dans le même goût & dans le même efprit; & que des hommes d'un génie borné & peu judicieux, époufent avec perfuafion, & réalifent avec enthoufiafme.

PARAGRAPHE SECOND.

SENTIMENS POUR L'INFINIE DIVISIBILITÉ DE la MATIERE.

58. EXPLICATION. L'Ecole péripatéticienne, qui enfanta ou adopta bien des Chimerés, mais chez qui exifta auffi un certain fonds de Vérité, fe déclara pour l'infinie Divifibilité de la Matiere; & fe divifa, en deux Claffes ou en deux Sectes opposées & rivales. Parmi ces deux Sectes péripatéticiennes :

1. L'une admit dans une portion quelconque de

« AnteriorContinuar »