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de parties, qui doit former & conftituer la nature finie de ce Pouce cubique de marbre, foit toute créée à la fois : parce qu'il ne répugne point qu'une nature finie & bornée reçoive en un inftant, avec l'existence, le nombre infini de parties qui conftituent néceffairement cette existence.

71. OBJECTION VII. Si la Matiere eft divifible à l'infini: une Surface d'un pouce, a une infinité de points dans fa longueur. Si une furface d'un pouce, à une infinité de points dans fa longueur : un Mobile ne peut parcourir cette furface dans fa longueur, fans paffer par des attouchemens fucceffifs, fur toute cette infinité de points, qui conftituent cette longueur. Si un Mobile paffe par des attouchemens fucceffifs fur une infinité de points: il faut néceffairement à ce mobile, qui ne peut toucher & parcourir qu'un point à chaque inftant, un infinité d'inftans pour parcourir cette ligne d'une infinité de points.

Donc, fi une furface d'un pouce, a une infinité de points dans fa longueur : il ne faut rien moins qu'une infinité d'inftans ou qu'une éternité, pour qu'un Mobile parcoure la longueur de certe furface.

Donc un homme ou un boulet de canon, quelque vîteffe qu'on leur fuppofe, ne pourroient jamais parcourir un espace d'un pouce d'étendue.

RÉPONSE. Le Tems, ainfi que la Matiere, eft divifible à l'infini: puifqu'une Heure peut être divifée fans fin, en parties proportionnellement décroiffan tes; par exemple, en moitiés, en quarts, en huitiemes, en feiziemes, qu'exprimera cette fuite décroiffante 329649128

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1. La fomme infinie des parties d'une heure, proportionnellement décroiffantes, eft précisément égale à une Heure ; & il ne faut rien moins qu'une

infinité de fois le dernier terme de cette fuite décroiffante, pour faire la durée d'une heure.

Une minute, une feconde, une tierce, eft également divifible en un nombre infini de parties à l'infini décroiffantes; dont la fomme infinie ne fera ou qu'un minute, ou qu'une feconde, ou qu'une

tierce.

II°. Il eft facile, d'après ces Principes, de réfu ter l'Objection dont il eft ici queftion.

Un Espace déterminé, par exemple, une Toise, exige dans le Mobile qui le parcourt, un tems dé terminé, par exemple, une Seconde. Un Point in finiment petit de cet efpace déterminé, exigera une infiniment petite partie du tems déterminé, ou de la Seconde. Pour parcourir l'efpace total qui a une infinité de points infiniment petits, dont la fomme infinie fait une toife; il faudra donc fimplement une infinité d'instans infiniment petits, dont la fomme infinie fait une Seconde.

Il eft donc faux que l'infinie divifibilité de la Ma tiere, entraîne l'impoffibilité du Mouvement; ou qu'il faille, dans ce Sentiment, un tems infini parcourir un espace fini.

pour

III. On voit, par cette théorie de l'infinie Divifibilité, quels nuages offufquent toujours néceffairement l'Efprit humain : toutes les fois qu'il ofe étendre fes idées finies fur la nature de l'Infini, dans les chofes même où l'existence de l'Infini lui paroît le mieux démontrée ; & où la nature de l'Infini, femble être le plus à fa portée.

71. IIo. REMARQUE. L'Objection que nous venons de réfuter, eft foncierement le célebre Argument par lequel Zenon s'efforçoit de démontrer à Diogene l'impoffibilité du Mouvement. Diogene, em barraffé & ne fachant que répondre, fe leva de fon

fiege;

fiege; fe promena dans fa Salle; fe remit à fa place. En se promenant, il démontra à son Adversaire, la poffibilité du mouvement. En avouant enfuite qu'il ne favoit comment répondre à la difficulté propoiće: il apprenoit à ce même Adverfaire, qu'une Difficulté infoluble ne doit pas faire abandonner une Vérité certaine.

1o. Si Zénon attaquoit fimplement & abfolument la poffibilité du Mouvement: la réponse muette de Diogene, étoit ingénieufe & triomphante. Mais fi Zénon fe bornoit à faire voir que la poflibilité du Mouvement, étoit incompatible avec l'infinie divisibilité de la Matiere, qu'admettoit peut-être Diogene: la réponse muette de ce dernier, étoit nulle & inepte.

II°. On attribue à Zénon, d'autres Argumens contre la poffibilité du Mouvement; & en particulier cellui-ci, qui nous paroît peu digne d'un Philosophe tel que Zénon.

Un Mobile fe meut, ou dans l'endroit où il eft, ou dans l'endroit où il n'eft pas. S'il fe meut dans l'endroit où il eft; il ne fe meut pas : puifqu'il change pas de place. S'il fe meut dans l'endroit où il n'eft pas: il agit où il n'eft pas; & par conféquent, il eft où il n'eft pas. (Fig. 30).

fit

Un fimple moment d'attention philofophique, fufpour faire évanouir en plein ce puérile fophifme. Le Corps P, par exemple, en vertu de fa Gravitation qui lui eft toujours & par-tout inhérente, fe meut ou tend à fe mouvoir dans le Point P où il eft, vers le Point D où il n'eft pas. Il agit où il eft; & fon action, quel qu'en foit le Principe, le porte ou tend à le porter où il n'eft pas.

Une fauffe Métaphyfique dénature l'idée des chofes: de-là, des ténèbres; de-là, des fophifmes; delà, des difficultés que l'on donne pour infolubles. Une faine Métaphyfique ramene les chofes à leurs Tome I.

F

vraies idées; & les ténébreufes difficultés qu'avoit fait naître un faux Apperçu, vont fe perdre & s'évanouir dans l'empire des chimeres.

ARTICLE QUATRIEMÉ.

INERTIE DE LA MATIERE ET LOIX GÉNÉRALES D'OU DÉPEND SON ACTION.

72. DÉFINITION I. ON nomme Inertie de la Ma

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tiere, une propriété négative qui fait de la Matiere, une Subftance purement paffive; une fuftance incapable d'avoir par elle-même & de puiser dans fon propre fonds, aucune action, aucun mouvement aucune influence, aucune vertu pofitivement agiffante ou réfiftante; une fubftance qui doit néceffairement à une Caufe étrangere, à une Caufe d'une nature effentiellement différente, tout ce que nous voyons d'activité & d'action, dans toute la Nature matérielle. Mais il ne faut point confondre, dans la Matiere, la Qualité d'inertie, avec la Force d’inertie, dont nous parlerons ailleurs. (286).

I°. La Qualité d'inertie, dans la Matiere, eft une propriété négative & naturelle : elle exprime un fimple défaut d'action intrinfeque, née de la Matiere: elle exprime ce qu'eft la Matiere en elle-même par elle-même.

&

II. La Force d'inertie dans la Matiere, eft une propriété pofitive & accidentelle : elle exprime ce que donne de force agiffante ou réfiftante à la Matiere, la volonté libre du Créateur, qui l'anime & la met en jeu felon certaines Loix fixes & invariables.

73. DÉFINITION II. Nous nommerons ici Loix de la Nature matérielle, la maniere fixe & conftante dont

la Matiere reçoit, conferve, communique, & perd l'action qui l'anime. Par exemple, c'est une Loi de la Nature matérielle, qu'elle n'acquiere point le mouvement, fans une caufe qui l'y faffe naître; qu'elle ne perde point le mouvement qu'elle a acquis, fans une réfiftance qui l'y faffe ceffer; qu'elle ne communique & ne tranfmette fon mouvement, que felon certaines Regles fixes & invariables; qui, bien connues, en font connoître toute l'action.

Io. Parmi les Loix de la Nature matérielle, il y en a de générales, qui affectent indifféremment toutes les efpeces de corps : il y en a de particulieres, qui n'affectent que certaines efpeces de corps; par exemple, qui affectent les corps fluides, fans affecter les corps folides; qui affectent les corps élaftiques, fans affecter les corps inélaftiques.

II. Parmi ces Loix de la Nature matérielle, on nomme Loix générales & primitives, celles qui ne dé-pendent d'aucune caufe ultérieure & plus générale; & qui font elles-mêmes la caufe primitive de différentes efpeces d'effets ou de phénomenes, que l'on peut regarder comme tout autant de Loix particulieres.

Par exemple, l'Impulfion & l'Attraction font deux Loix générales & primitives. Ce font deux Loix générales : : parce qu'elles affectent indifféremment tous les corps quelconques. Ce font deux Loix primitives: parce que d'elles dépendent un grand nombre d'effets généraux, tels que les phénomenes de la Mécanique, de l'Hydroftatique, de la Gravitation; & qu'elles ne dépendent elles-mêmes que de la volonté primitive du Créateur; qui, pour perpétuer dans la Nature, l'Ordre par lui choifi & établi, décerna librement que les Corps recevroient telle action & produiroient tels phénomenes, à l'occafion de l'Impulfion & de l'Attraction..

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