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A ces deux Loix générales & primitives, il faut en affocier une troifieme, favoir la Loi d'Affinité, qui ne dépend d'aucune Caufe ultérieure & plus générale; & qui eft elle-même la Caufe primitive d'un grand nombre de phénomenes de différente efpece, dans l'union & dans la défunion des Parties intégrantes & des Parties conftituantes des diverfes efpeces de Corps: ainfi que nous l'obferverons & que nous le démontrerons dans le troifieme Paragraphe fuivant.

III. Parmi les Loix primitives de la Nature, qui ne dépendent d'aucune autre Loi, & defquelles toutes les autres Loix dépendent, il y en a une qui a été connue de tout tems: c'eft l'Impulfion. Il y en a une autre, qui n'eft bien connue que depuis environ un fiecle : c'eft l'Attraction. Il y en a une troifieme, qui eft encore peu connue, & qui ne le fera peut-être jamais mieux : c'est la Loi d'affinité.

Les regles ou les loix particulieres de l'Impulfion & de l'Attraction font très-bien connues: nous nous bornerons, dans cette théorie générale de la Matiere, à en donner une idée préliminaire, à en faire entrevoir le Mécanifme phyfique : nous réservant à les développer & à les démontrer en détail, celleslà, dans la théorie du Mouvement; celles-ci, dans la théorie de l'Aftronomie phyfique.

Les regles ou les loix particulieres de l'Affinité, reftent encore à connoître, & ne feront vraisemblablement jamais bien connues : nous nous attacherons, dans un Paragraphe à part, à faire bien voir & bien fentir fon influence dans une foule de Phénomenes frappans, que nous avons fans ceffe fous les yeux; & qui ne peuvent être attribués à aucune autre caufe générale ou particuliere.

IV. Mais, en regardant ces trois Loix générales & primitives, comme les vraies fources & les vraies

caufes primitives de tout ce qu'il y a d'action dans la Nature matérielle, de tout ce que nous préfente de phénomenes, le grand Ensemble des chofes vifibles: il faut ne point perdre de vue, ce Corol laire général de toute faine Métaphyfique, de toute vraie Philofophie; favoir, que ce font des Loix de confervation, & non des Loix de production.

Étant données ces trois Loix générales & primi tives, la Nature aujourdhui exiftante, en la fuppofant primitivement formée dans fon tout & dans toutes fes parties,, par l'être incréé & Créateur, pourra exifter & fubfifter à l'infini, en reftant tou jours foncierement la même.

Mais étant données ces trois mêmes Loix géné rales & primitives, au commencement des tems & avant la formation de la Nature aujourdhui exiftante; il n'en réfultera jamais, fans l'action formelle de l'Être créateur, une Nature femblable à celle qui fe montre à nos regards: par exemple, il n'en réfultera jamais une Terre qui fe meuve autour de fon Axe & autour du Soleil ; une Terre enrichie & couverte d'une infinité d'Efpeces végétales; une Terre peuplée d'une infinité d'Efpeces animales; & ainfi du refte.

PARAGRAPHE

PREMIER.

L'INERTIE DE LA MATIERE.

74. OBSERVATION. It eft vifible qu'il y a une action permanante, une action uniforme & réguliere, une action foumife à des Loix fixes & invariables. dans toute la Nature matérielle. Mais quelle eft & la fource & la caufe de cette action de la Nature matérielle ? C'est ce qui n'eft pas vifible de même.

1°. Le Peuple, qui communément ne voit rien audelà de ce qu'apperçoivent fes Sens, juge fans exa

men, que l'action des Corps, n'a d'autre fource, d'autre principe, d'autre caufe efficiente, qu'une vertu propre à ces corps.

Juger ainfi, juger que les Globes céleftes fe meuvent, parce qu'ils ont en eux-mêmes & par euxmêmes la vertu de fe mouvoir; que les Corps terreftres gravitent vers le centre de la Terre, parce qu'ils ont en eux-mêmes & par eux-mêmes une vertu gravitante; que la Terre produit des végétaux & des minéraux, parce qu'elle a en elle-même & par ellemême la vertu de produire tout cela : c'eft juger que l'aiguille d'une Montre, fait fa révolution fur le cadrân; parce qu'elle a en elle-même, la vertu de fe mouvoir, de marquer les heures, de diviser exactement le tems, fans le fecours d'aucun reffort qui produise & qui regle fon mouvement.

II°. Le Philofophe, qui ne confond pas les effets avec les caufes, qui fait que l'action de la Matiere, ne vient pas plus de la nature de Matiere, que le mouvement d'une aiguille de Montre, ne vient de la nature du métal dont elle eft formée, a cherché & dans la Matiere & hors de la Matiere, quelle peut être la Caufe efficiente à laquelle elle doit fon action, fes divers mouvemens. Deux fentimens oppofés ont été le fruit des fpéculations philofophiques fur cet objet.

Parmi ces deux Sentimens, l'un vouloit que l'action de la Nature matérielle eût pour caufe efficiente, une vertu fecrete de la Matiere: c'étoit celui des Péripatéticiens; & c'eft encore celui du Peuple & de quelques Philofophes Allemands, Sectateurs de Leibnitz.

L'autre prétend que l'action de la Nature matérielle, a pour unique caufe efficiente, l'action permanante d'un Etre incréé & créateur, qui meut & anime perfévéramment toutes les parties de la Matiere & de la Nature, felon certaines Loix fixes & inva¬

riables, par , par lui librement établies au commencement des tems: c'est le fentiment de Defcartes & de tous ses Disciples, de Newton & de tous fes Sectateurs; c'eft-à dire, de tout ce qu'il y a maintenant de vrais Philofophes.

III°. Šelon ce dernier Sentiment, qui eft aujour dhui le plus commun, & qui eft le feul vraiment philofophique; la Matiere a en partage une Inertie abfolue & univerfelle: l'action permanante de l'Etre créateur, eft la Caufe efficiente de tous les mouvemens quelconques de la Matiere, de toutes les parties, de tous les compofés, de tous les principes de la Matiere: les diverfes Substances matérielles ne font que la Caufe occafionnelle, ne font jamais la Cause efficiente, des actions réciproques qu'elles exercent les unes fur les autres.

« Je fuppofe d'abord, dit Voltaire dans fes Mélan» ges de Philofophie, que l'on convient que la Ma»tiere ne peut avoir le mouvement par elle-même : » il faut donc qu'elle le reçoive d'ailleurs. Mais elle >> ne peut le recevoir d'une autre Matiere: car ce fe>>roit une contradiction. Il faut donc qu'une Caufe >> immatérielle produife le mouvement. Dieu eft cette » cause immatérielle; & on doit ici bien prendre » garde que cet Axiome vulgaire, qu'il ne faut point recourir à Dieu en Philofophie, n'est bon que dans » les chofes que l'on doit expliquer par les Caufes » prochaines phyfiques. Par exemple, je veux expliquer pourquoi un poids de quatre livres, eft » contrepefé par un poids d'une livre. Si je dis que Dieu l'a ainfi réglé: je fuis un ignorant. Mais je >> fatisfais à la queftion, fi je dis que c'eft parce que >> le poids d'une livre, eft quatre fois éloigné du point » d'appui, que le poids de quatre livres. (426).

»

» Il n'en eft pas de même des premiers Principes » des chofes : c'eft alors que ne pas recourir à Dieu,

» eft d'un Ignorant. Car, ou il n'y a point de Dieu, » ou il n'y a de premiers Principes que dans Dieu. » C'est lui qui a imprimé aux Planetes, la force par » laquelle elles vont d'occident en orient. C'est lui » qui fait mouvoir ces Planetes & le Soleil fur leurs » axes. Il a imprimé une Loi à tous les corps, par » laquelle ils tendent tous également à leur centre. » Enfin il a formé des Animaux, auxquels il a donné » une force active avec laquelle ils font naître du

» mouvement ».

75. ASSERTION I. La Matiere a une Inertie intrinfe quement inhérence à fa nature; une incapacité intrinfeque & radicale de fe donner le mouvement & l'action.

DÉMONSTRATION. Soit que l'on confulte l'Expérience, foit que l'on confulte la Raifon : il eft conftant que la Matiere n'eft qu'une Puiffance purement paffive, capable de recevoir l'action & le mouvement, incapable de fe les donner par une vertu intrinfeque qui lui foit propre.

I. L'Expérience démontre l'inertie de la Matiere. Car un bloc de marbre, un tas de terre

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une

piece d'or ou d'argent, un morceau de fer ou de bois, reflent immobiles au même lieu & en la même fituation, à moins qu'une cause étrangere ne les déplace.

Donc ces fubftances, que l'on voit & dans tous les tems & dans tous les lieux n'avoir d'action & de mouvement, qu'autant que des causes étrangeres leur en impriment, n'ont en elles-mêmes & par ellesmêmes, aucun principe intrinfeque d'action & de

mouvement.

Donc toute l'action & tout le mouvement que nous découvrons dans ces fubftances, eft un mouvement & une action qui leur font imprimés par une Caufe étrangere: quelle que foit cette caufe,

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