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mais aïant ceffé de parler, fon filence me fit rompre celui que j'avois gardé. Ce que vous venez de m'apprendre, lui dis-je, met le comble à mes malheurs: mon défespoir fe change en une douleur fi accablante, qu'il me refte à peine la force de me plaindre. Non; je ne vois plus les maux dont me menace une mere infenfée; je ne vois que Mademoifelle de Rofoi victime de notre innocente tendreffe. Hélas! pourquoi eft-elle fenfible à ma paffion? Qu'il va lui en coûter cher! He bien ! divine Alix, reprenez ce cœur qui feul peut re ma félicité. Affreuse fituation, m'écriai-je en adorant Alix l'amour même me force à défirer fon indifférence. Mais, ma chere Rocheville, lui dis-je, qu'efpere Madame de Rofoi? Qu'attendelle de fon artifice Que veut

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elle? Ne jamais voir fa fille Com teffe de Rethel, me répondit cette tendre amie. Que dit Alix, repris-je Sçait-elle l'aveuglement de fa mere? Ai-je pû le lui taire, me repartit Mademoiselle de Rocheville? Sa douleur, fes larmes, l'état attendriffant où je l'ai vûë dans mes bras, m'ont arraché ce fatal fecret ; mais je vous quitte pour voler à fon fecours elle a befoin de confolation.

La nuit tomboit. En fortant du Parc, je paffai dans l'appartement de mon pere: je le trouvai trifte & rêveur; je n'eus pas le tems de lui en demander la caufe. Je vis fur une table, la caffette de Pierreries que j'avois donnée à Alix. C'en eft donc fait, dis-je douloureusement? Madame de Rofoi ne garde plus de mefure: elle perfifte à vouloir que je meure, & elle m'aime, m'é

criai-je Quelle funeste passion! Que dites-vous, reprit mon pere étonné Expliquez - vous. Lorfque je l'eus inftruit, il me dit: Madame de Rofoi, en me remettant cette caffette, vient de me tenir les mêmes difcours qu'elle vous a tenus. La converfation a été vive, haute de ma part, peut-être brufque. Je lui. ai reproché fa foibleffe, le peu de respect qu'elle avoit pour fes engagemens, & pour des engagemens pris avec un homme tel que moi. Plein de reffentiment contre la mere, & de mépris pour la malheureuse Alix, je voulois partir dès cette nuit ; mais, mon fils, demeurons: il faut que vous voïez Alix, elle vous aime; Mademoiselle de Rocheville eft pour vous; efpérons encore.

Mon pere, qui fçait toujours fe poffeder, prit un air ferein.

Nous foupâmes avec Madame de Rofoi, & Mademoiselle de Ro+ cheville; mais Alix ne parut point, & ne fortit plus de fon appartement, où fa mere nous dit qu'elle vouloit refter, pour n'être pas exposée à me voir. En fe retirant, mon mon pere dit bas à Mademoiselle de Rocheville qu'il fouhaitoit lui parler; elle vint nous trouver. Après avoir tous trois cherché les moïens qui pourroient ramener Madame de Rofoi, après de longs & vains raifonnemens, nous reftâmes perfuadez qu'elle ne confentiroit jamais à mon bonheur.

Il faut, pour mieux cacher notre intelligence, me dit Mademoiselle de Rocheville, que vous paroiffiez toujours agité de la même inquiétude, & défefperé du changement de Mademoiselle de Rofoi. Que ce foit feulement

Monfieur votre pere qui en demande raison à Madame de Rofoi; il doit toujours la preffer de tenir une parole, dont le prétendu caprice de fa fille ne peut la dégager. Mon pere méditoit un deffein hardi; mais il ne voulut pas le communiquer à notre amie: il fe contenta de la conjurer de lui faire voir Alix. Elle réfifta long-tems; elle trembloit que Madame de Rofoi ne découvrît qu'elle étoit du parti de l'innocence: cependant elle fe rendit.

Le lendemain au foir, mon pere fut introduit dans l'appartement de Mademoiselle de Rofoi: la douleur où il la trouva ; fa tendreffe pour moi, qu'elle ne lui cacha pas; fes larmes, fon défefpoir, tout lui perfuada qu'en prenant bien fon tems, il pourroit la réfoudre à confentir à ce

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