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qu'il fouhaitoit d'elle. Il com mença par obtenir qu'elle me verroit; mais ce ne fut qu'aux conditions qu'il feroit préfent à notre entretien. Quel adouciffement ne fentis-je pas à mes maux, en apprenant que je verrois Alix le lendemain Si je paffai ces vingt-quatre heures avec l'impatience d'un homme amoureux, je les paffai auffi avec l'inquiétude d'un Amant, qui craint de ne jamais pofféder l'Objet qu'il adore.

Je vis Mademoiselle de Rofoi; je me jettai d'abord à fes pieds: la douleur nous fit à tous deux garder un moment le filence: nos yeux, nos pleurs, & nos foupirs, furent les premiers interprétes de nos cœurs. Alix rompit ce filence fi éloquent. Qu'il me faut de vertu, me dit-elle, pour foutenir vos malheurs & les miens!

C'en eft donc fait, Comte! Je ne ferai jamais à vous: ma mere l'a juré. Oui, Mademoiselle, repartis-je, elle a juré ma mort, & je vois que vous y confentez. J'y confens, reprit-elle ! Que vous êtes cruel! Que puis-je oppofer à la volonté d'une mere? Celle d'un pere, répliquai-je ; fa paro le que le mien a reçûë; la permiffion qu'il vous avoit donnée, de me choifir ou de me refuser pour époux; votre choix fait & autorife même par cette mere, qui n'a plus le droit de le trouver mauvais; enfin votre cœur, qui vous feroit ofer davantage, s'il étoit plus touché. S'il étoit plus touché, s'écria Alix! S'il l'étoit moins, je ferois moins à plaindre. Elle ne put, dans ce moment, retenir fes larmes. Quoi! divine Alix, lui dis-je, je vous coûte des pleurs quand je vous

adore! Ou ceffez de m'aimer, ou aimez-moi affez pour ofer vous arracher des bras d'une mere, qui n'a plus pour vous que de la haine. Ni fa haine, me répondit Mademoiselle de Rofoi, ni fes perfecutions, ni ma tendreffe ni la vôtre, ne me feront jamais fortir du respect & de l'obéïffance que je lui dois : mais, Comte, espérons tout du tems. Ma mere m'a trop aimée, elle a toujours eu trop de taifon & de vertu, pour ne pas fentir fon injuftice, & pour ne pas revenir de fon égarement. Vous l'efpérez en vain, dit alors mon pere; il eft plus aife de conserver toute fa vertu, que de revenir à elle, dès qu'on a fait un pas qui nous en a éloignez. Hé qu'a fait encore ma mere, qui puiffe avoir bleffé fa vertu, reprit Mademoifelle de Rofoi? Ne fuis-je pas fon

bien ?

bien? N'eft-elle pas la maîtreffe de mon fort? Ne peut-elle pas me donner ou me refufer à fon gré? Non, Mademoiselle, répondit mon pere. Monfieur de Rofoi a difpofe de vous en faveur de mon fils : vous l'aimez, il vous adore ; & cependant vous voulez oublier les ordres refpectables d'un pere jufte & fage, pour ne vous fouvenir que de ceux d'une mere injufte & barbare ? Mon pere ne vit plus, répondit Mademoiselle de Rofoi; fa mort laiffe ma mere maîtreffe de ma deftinée ; je dois lui obéir, quelque effort qu'il m'en coûte pour lui facrifier mon bonheur. Vous renoncez donc pour jamais à mon fils, Mademoiselle, repartit froidement mon pere? Voilà donc la derniere fois qu'il vous verra ? Hé bien mon fils, me dit-il, faites vos adieux à MademoiTome 1.

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felle; fa fermeté vous doit être une leçon pour fupporter courageufement votre malheur. Partons. Quoi dit Alix, en courant à mon pere, vous voulez m'abandonner? Vous ordonnez à ce fils qui m'est fi cher, & pour qui feul je me vois exposée à la fureur de ma mere, de m'oublier! Qui m'aidera donc à foutenir mon infortune? Hélas! que vaisje devenir, s'écria-t'elle en verfant un torrent de larmes, tout fe déclare contre moi ! Ma mere me hait, vous m'ôtez votre amitié, & tous deux vous voulez m'enlever tout ce qui m'eft cher.

Mon pere voïant Mademoifelle de Rofoi dans cet état de trouble & de crainte, crut l'inftant favorable pour lui propofer de l'enlever dès ce moment même; mais ni toutes ses raisons, ni tout ce que put lui faire envifa

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