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le Duc, tantôt avec les personnes les plus graves de fa Cour. On ne sçavoit en faveur de qui des deux , l'on devoit décider : la solidité de leur esprit , l'étenduë de leurs lumieres, l'usage moderé qu'ils en faisoient, les rendoient égaux en mérite. Ils ne conservoient pas cette même égalité chez les. Dames. Raoul de Couci y étoit toûjours vif, léger, & galant ; Roger de Rethel étoit plus sérieux & plus retenu. La joie animoir tous les discours de l'un ; un air réservé, qui tenoit plus de la tristesse que de la timidité, rendoit ce que l'autre disoit, moins brillant. Les Dames jouissoient de tout l'esprit de Raoul, & fe plaignoient de ne pas jouir de tout celui de Ro ger : dans le peu qu'il disoit , elles sentoient combien il en avoit, & elles étoient curieuses de pé

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nétrer ce qui pouvoic l'empêcher d'en faire le même usage que Raoul. Malgré cette difference; elles disputoient avec chaleur qui des deux étoit superieur à l'autre , inais sans jamais pouvoir terminer le differend. L'amour propre , peut-être assez bien fondé, persuade au beau sexe qu'il lui appartient de juger du mérite des hommes, & de prévoir même les fuccès

que
leur

prometa tent les grandes qualitez qu'elles apperçoivent en eux. Cependant, malgré le privilege que les Dames s'arrogent en ce genre ,elles t’ofoient prononcer entre Roger, & Raoul : elles convenoient de bonne foi, que la simple sympathie pouvoit déterminer pour l'un ou pour l'autre ; car si Roger

fi avoit l'avantage d'être mieux fait que Raoul, si fa phisionomie avoit quelque chose de plus ten

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dre, Raoul avoit l'esprit plus brillant , & l'imagination plus vive, source de son goût pour la Poësie. L'esprit de galanterie , & l'amour délicat , le forcerent à faire des Vers, & il se trouva grand & excellent Poëte, fans avoir jamais songé à le devenir. Il céda , avec d'autant moins de peine, à ce penchant, que dans

" ces tems reculez, les personnes de la plus haute qualité se faifoient un mérite de bien faire des Vers, & pouvoient sans rougir, se donner pour Auteurs en ce genre. Ce talent le rendoit agréable au Roi , à la Reine Adelaide de Champagne, mere de Philippe, & à la jeune Reine Elisabeth de Hainault. Roger & Raoul s’aimoient dès leur enfance ; la plus tendre amitié leur avoit presque fait oublier qu'ils étoient unis: par le sang. Eh ! Comment ne feu

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feroient-ils

pas aimez ? Que de rapports entre eux ! Mêmes inclinations, même ardeur de sçavoir & de s'instruire, même droiture dans le cæur, même zele pour la gloire, même caractere de douceur ; douceur qui ne leur ôtoit rien de cette noble fierté, dont l'heureux mélange fait paroître certains hommes au-dessus des autres. Parvenus à la fleur de leur âge, leur taille majestueuse, leur beauté mâle, leur front ouvert & prévenant, inspiroient en leur faveur les sentimens d'une affection respectueuse, dont les Grands sont li jaloux, fans fonger

à la mériter. La nature ébauche les grands: Hommes par les dons précieux dont elle les décore ; mais ils ont besoin d'une éducation qui les: perfectionne , & d'exemples propres à leur donner de l'émula

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tion ; les exemples domestiques font toûjours les plus puissans. Raoul & Roger eurent tous ces avantages. Une simple idée d'Enguerrand de Couci , pere de Raoul ; de Henri de Rethel, oncle de Roger , suffira pour convaincre de cette verité.

Enguerrand de Couci , furnommé le Grand, avoit été Favori de Louis le Jeune: il en étoit digne par l'étenduë de fon génie, par fa prudence, par sa

profonde politique, par une fermeté d'ame héroïque, enfin par sa probité. Ennemi de la flaterie, il osoit montrer à fon Roi, la verité ; quelque désagréable qu'elle fût, il la présentoir toute nuë , quand la vûë devoit produire un effet ou utile ou glorieux , comme il fçavoir la cacher, lorsque son aspect ne pouvoit causer que des desirs impuissans, ou des re

grets

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