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que je ferai content quand je la verrai la Comteffe de Rethel ! Mais achevez, que je fçache si vous ferez bientôt l'un & l'autre, auffi heureux que vous avez été miférables.

A cette nouvelle, reprit le Comte de Rethel, je ne me donnai pas le tems de m'abandoner à la jóie; je m'occupai d'abord de mon départ, qui fut deux heures après l'arrivée du Courier du Vicomte. Tout répondit fi heureusement à mon impatience, que j'étois déja à Paris, que le Vicomte me croïoit encore bien éloigné. Nos embraffemens furent donnez & reçus avec une égale chaleur : nous nous dîmes peu de chofes; cependant nous fumes perfuadez que nous n'avions rien à défirer l'un de l'autre. Il m'apprit que la Comteffe de Dammartin étoit toujours en

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Bretagne, où la Ducheffe Conf tance la retenoit par les liens d'une amitié trop chere à fa Niéee, pour quitter cette Princeffe, du moins tant qu'elle garderoit le nom de la Comteffe de Dammartin. Allons, mon cher Vicomte, repris-je vivement, allons lui faire quitter ce nom qui m'a coûté tant de larmes & de chagrins allons lui en donner un, que je me flatte qu'elle prendra fans répugnance: Partons. Vous ne touchez pas encore mon cher Roger, me répondit le Vicomte, au moment qui doit faire de la Comteffe de Dammartin, la Comteffe de Rethel. Tout le monde a fçû avec quelle répugnance ma Niéce époufa Robert; cependant elle doit à fa mémoire, & à elle-même, les délais qu'exigent les bienféances: mais, ajouta-t'il, il ne

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vous fera pas défendn dans quelque tems, d'aller en Bretagne : Geoffroi ne vous fera plus arrê ter, ni ramener fur les Fron tieres. Non, mon cher Roger, & je fuis caution que ma Niece vous y verra arriver avec plai fir; j'en ferai le témoin, ainsi que de votre joie. Je lis dans vos yeux que votre cœur murmure: vous voudriez être heureux dès cet instant ; mais la gloire d'Alix demande que vous foiez au moins deux mois fans paroître à la Cour de Bretagne. Vous devez ce dernier facrifice à la Comteffe de Dammartin; vous vous le devez à vous-même. Songez que votre réputation & la fienne vont être inféparables; que l'une ne pourroit être bleffée fans que l'autre n'en reffentît quelque atteinte. Mais, Comte, pourfuivit-il, voulez-vous

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m'en croire ? allez à Rethel recevoir les embraffemens d'un pere qui vous aime, qui vous chérit, & qui eft prefque auffi content que vous, de fçavoir la Comteffe de Dammartin maîtreffe de fon fort, après tant de traverfes. L'eftime & la tendre amitié que j'ai pous vous, repartis-je au Vicomte, & ce que vous m'allez être par les liens du fang, me font recevoir vos confeils avec déférence. Oüi ; j'irai à Rethel, où j'aurai le plaifir de m'occuper fans ceffe de ma félicité prochaine, de m'en entretenir avec mon pere, & où j'attendrai, avec l'impatience de l'homme du monde le plus paffionné, le moment qui me ramenera auprès de vous pour vo ler en Bretagne.

Les tranfports de joie que je reffentois étoient trop vifs, vifs, pour

aller à la Cour en quittant le Vicomte je craignois les em→ braffemens de tous ceux qui auroient crû que j'avois le tems & la liberté de les recevoir, & d'écouter leurs complimens. J'allai chez moi me renfermer. J'écrivis fur le champ à Mademoifelle de Rocheville; car je n'ofai écrire directement à la Comteffe de Dammartin. La crainte que mes tranfports ne fuffent défapprouvez, me retint; mais cette crainte ne m'étoit point à charge: elle naiffoit de mon refpect pour la divine Alix, & de la parfaite connoiffance de fon caractere. Malgré l'envie que j'avois de voir mon pere, je ne pus confentir à partir fans avoir cu la réponse de Mademoifelle de Rocheville: je la reçus. Jugez, mon cher Raoul, fi elleme charma. Elle m'apprenoit que

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