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la Comteffe de Dammartin étoit toujours Alix pour moi; mais Alix, maîtreffe d'unir fa deftinée à la mienne, & qu'elle me permettoit de lui écrire : je pris la plume; je lui écrivis avec tranfport, comme je lui écris tous les jours. Je n'avois pû me réfoudre à partir pour Rethel comme je viens de vous le dire que je n'euffe la réponse de Mademoiselle de Rocheville : quand je l'eus reçûë, j'aurois voulu attendre celle de la divine Comteffe; cependant après bien des combats avec moi-même & preffe par le Vicomte & par mon pere, je partis.

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Arrêtez, mon cher Roger, dit Raoul; il faut, avant de partir pour aller à Rethel, m'apprendre par quel accident le malheureux Comte de Dammartin a vû fitôt finir fa carriere. Je

vais vous en inftruire, repartit le Comte de Rethel.

Vous fçavez avec quelle adreffe Madame de Rofoi s'étoit fervie de Guebriant, infinuer , pour au trop paffionné Comte de Dammartin d'enlever fa fille. Guebriant découvrit, par les fuites fâcheufes de cet enlèvement, la noirceur de Madame de Rofoi & fa tendreffe pour moi; il en fut défefperé. Honteux d'avoir eu part à ce crime, & méprifé d'une femme qu'il adoroit, même en déteftant fon caractere; de plus, n'aïant rien qui l'arrêtât à la Cour de France, mais n'ofant retourner à celle de Bretagne où la douleur d'Alix & le défefpoir de Robert l'auroient accablé de reproches, il prit le parti d'aller en Angleterre. La mort de fon pere le força de repaffer à Nantes. Le Comte de Dammartin

martin ne put, fans un reffentiment des plus vifs, foutenir la présence de Guebriant : elle lui renouvella l'idée affligeante du rapt de Mademoiselle de Rofoi, dont il étoit, comme elle, la Victime. Il lui reprocha avec aigreur, d'avoir été d'intelligence avec Madame de Rofoi pour le féduire; il lui en donna pour preuve, la Lettre qu'il n'avoit point rendue à Mademoiselle de Rofoi, & la fauffe réponse qu'il lui avoit faite en fon nom. Guebriant voulut fe juftifier; mais le Comte de Dammartin qui fentoit à tous les momens fon malheur, emporté par un mouvement de colere qu'il ne put commander, le traita de Perfide & de Traître. Guebriant, brave peu patient, & offense, répondit par un gefte qui fut le fignal d'un combat. Le combat fut auff Ff

Tome I.

court que la querelle. Robert fut mortellement bleffé. La Comteffe de Dammartin touchée du malheur d'un époux qu'elle n'aimoit point, il eft vrai, mais à qui elle n'avoit pû refufer fon eftime, lui en donna de tendres preuves. Ce mari mourant, lui dit: Guebriant vient de vous vanger, Madame, & me punir de fa perfidie. Le chagrin continuel de n'être pas aimé de vous, en vous adorant, & fans pouvoir m'en plaindre ; que dis-je ? le malheur de m'être fi juftement attiré votre haine, me rendoit la vie infupportable : je la perds fans regret. Ma mort, à laquelle un fentiment vertueux vous fait donner des pleurs, va yous rendre la maîtreffe de don' ner votre main au trop heureux Roger : j'ai plus fouffert que lui & que vous, Madame, du vol

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que je lui en ai fait. Hélas! pardonnez-le moi, & ceffez du moins de me hair, quand je ne ferai plus. Ma mort va tout expier; elle pouvoit feule finir nos maux : elle va vous rendre tous deux auffi fortunez, que nous étions tous trois miferables. Adieu, Madame; fouvenez-vous que Roger ne vous aimera jamais plus tendrement que moi. Le Comte de Dammartin, en achevant ces mots, ceffa de vivre, & laiffa la Comteffe pénétrée d'une douleur d'autant plus vive, qu'elle fe regardoit comme la caufe, quoique bien innocente, de la mort de fon

.mari.

or Je plains le Comte de Dammartin, repartit le Sire de Couci il n'a que trop porté la peine de fa faute! Je le plains d'au tant plus, que fans être trop

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