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préfomptueux, il pouvoit fe flatter de fe faire aimer, en fuppofant que la Comteffe de Dammartin eût ignoré les charmes & les peines d'un premier amour. Mais oublions le malheureux Robert, & achevez de m'apprendre, mon cher Roger, ce qui vous refte à me conter.

Je partis pour Rethel, reprit Roger. Lorfque mon pere me vit, fes premieres paroles, en m'embraffant, furent: Alix, la divine Alix fera donc ma fille? voilà tous les obftacles vaincus. Ah mon fils, que je fuis content! Je mourrai fatisfait! Je vous laifferai tous deux heureux !

Les tranfports de mon pere fuf, pendirent les miens; fa joie ne donna pas le tems à la mienne de paroître. Vous ne dites rien, mon fils, pourfuivit-il avec quelque furprife La Comteffe de

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Dammartin ne feroit-elle plus pour vous Mademoiselle de Rofoi? Votre voiage en Italie auroit-il eu l'effet que j'en défirois? Ce dernier malheur feroit-il réfervé à la trop digne Alix? Je fuis toujours le même, repliquai-je avec transport: la Comteffe de Dammartin eft toujours Alix pour moi; je vais la pofféder; jugez de l'excès de ma joie. Vos embraffemens, qui m'afsurent de votre tendreffe; celle que je vous vois en faveur de l'adorable Alix, ne me laiffent rien à défirer.

Occupé de la plus forte paffion pour la Comteffe de Dammartin, mon pere prévenu pour elle de la plus tendre amitié, vous croïez bien, mon cher Raoul, qu'elle a fait le fujet de tous nos entretiens pendant mon fejour à Rethel. En nous rap

pellant fes malheurs, mon pere me dit un jour : Le croiriezvous, mon fils? la mort de Madame de Rofoi m'a coûté des larmes : oui ! en ceffant de vivre, elle m'a arraché des pleurs. Je vais vous apprendre les particu laritez des derniers inftans de fa vie.

En arrivant dans cette Province, pourfuivit mon pere, j'ap pris que Madame de Rofoi, à fon retour de Paris, n'avoit rendu aucune vifite; qu'elle avoit même refufé celles de toute la Nobleffe; qu'elle menoit la vie du monde la plus trifte, dans fon Château de Rofoi, inacceffible à ceux même dont elle avoit le plus goûté le commerce. Il n'y avoit pas encore un mois que le Vicomte de Melun m'avoit appris la mort de Robert de Dammartin, dont ni lui

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ni moi n'avons pû vous inftruire d'abord, ne fçachant dans quelle Ville d'Italie vous étiez alors, quand un Gentilhomme vint, de la part de Madame de Rofoi, demander à me parler. Je fus étonné ; mais ma furprife redoubla, lorsque j'appris par ce Gentilhomme, que Madame de Rofoi, n'aïant plus que quelques heures à vivre, me prioit de ne pas lui refufer la confolation de me voir. J'allai fur le champ à Rofoi. Ah! mon fils, quel fpectacle frappa mes yeux! Je trouvai Madame de Rofoi mourante quoiqu'elle n'eût d'autre maladie qu'une langueur qui l'avoit minée, affoiblie & décharnée, au point que cette femme, autrefois fi belle, n'étoit plus qu'un Squelette, duquel il fortoit une voix lente & lugubre, qu'on ne pou Ff iiij

voit entendre qu'en s'approchant de fort près. Elle me dit, en me voiant: Les approches de la mort m'ont enhardie, Monfieur à foutenir vos regards. Je vais enfin perdre une vie que j'ai renduë funeste à tout ce qui m'étoit cher j'ai défendu qu'on inftruisît ma fille de l'état où mes cruels remords m'ont réduite; je n'aurois pû foutenir les reproches que m'auroit fait fa feule vûë, & peut-être une douleur qui m'auroit encore montrée plus criminelle à moi-même. Ma fille, ma chere Alix ! que ne puis-je penser, en mourant, que mes regrets & la fin de vos malheurs, vous rendront ma mémoire moins odieufe! C'eft pour obtenir d'elle, de vous Monfieur, & de votre fils, le pardon, & s'il fe peut, l'oubli de mes égaremens, que je vous ai fait

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