! avez euë à la Guerre du Comte de Flandres, & votre gloire m'intéresse encore plus que votre amour: car je me doute, mon cher Roger, que vous aimez. Songez-vous, mon cher Raoul, repartit Roger que vous me demandez des chofes qui, aujourd'hui indifférentes pour vous, m'empêcheront de vous instruire de celles qui me regardent, que vous ignorez, & qui m'occupent sans cesse? Ce fera, tout au plus, un moment de perdu pour vous, repondit Raoul; vous pouvez me le sacrifier, nous avons le tems vous de m'apprendre tout ce que j'ignore, moi de vous écouter. De plus, je sçaurai par vousmême ce que vous fites dans cette Guerre, & fur tout les tristes circonftances de la mort de votre oncle : c'est un détail que vous me devez. Il faut donc m'en acquiter, repliqua Roger, je ne sçaurois refuser à votre amitié, ce qu'elle peut defirer de moi. Vous sçavez que Philippe n'avoit encore que quinze ans quand il monta fur le Trône, où Loüis le Jeune, sentant approcher sa fin, voulut le voir place. Philippe Comte de Flandres, à la faveur du mariage d'Elifabeth de Hainaut sa niece, avec le jeune Roi s'empara d'une autorité dont il ufa avec trop peu de ménagement à l'égard de la Reine Adélaïde de Champagne, mere de notre Monarque, pour ne pas laisser dans le cœur de cette Princesse, le defir de détruire cet Audacieux auprès du Roi fon fils. Comme elle avoit blessé les yeux de Philippe de Flandres, revenuë de l'exil qu'elle s'étoit imposé elle-même, (a) le Comte blessa les fiens. La triste expérience qu'elle avoit fait de l'inutilité d'une haine déclarée, lui donna la force de diffimuler fon reffentiment : mais le deffein de perdre le Comte de Flandres, n'en étoit. que plus déterminé. Le Comte présomptueux, fe perfuada bientôt que fa faveur, & les revers d'Adélaïde avoient éteint chez elle le defir ambitieux de gouverner le Roïaume avec fes freres. Philippe de Flandres connoissoit mal Adélaïde, ou plutôt, il connoissoit mal le cœur humain. Son imbécile sécurité donna le tems & les moïens à la Reine, aidée par le Seigneur du Mez Gouverneur du Roi, de tirer fi adroitement le rideau qui cachoit à ce Prince les défauts & les vûês du Comte de Flandres, que Philippe étonné, crut voir de lui-même le caractere du Comte, tel qu'il étoit. L'intervale du moment où le Roi entra en défiance, à celui de la disgrace du Comte, fur court. Adélaïde triompha: le Seigneur Robert du Mez fut fait Maréchal de France; (a) l'eftime & l'amitié que le Roi avoit conçûës pour lui, déterminerent fon choix en sa faveur, pour en faire le dépositaire de son autorité, en lui accordant toute fa confiance.. Si ce choix faifoit honneur au Maréchal du Mez, il faisoit auffi connoître quel étoit déja le juste difcernement de notre jeune Monarque. Le Comte de Flandres se re (a) Dignité alors d'autant plus éclatante, qu'elle étoit anique. tira tira dans ses Etats, où Souverain absolu, il se trouva moins grand qu'il ne l'étoit à la Cour de France. Inquiet & remuant de plus, injufte & ambitieux, il ofa prendre les armes. Il pafla la Somme, & vint investir Corbie des deux côtez de la Riviere. (a) L'air d'assurance du Comte de Flandres, fit croire qu'il vouloit en faire le fiége. Le Roi, qui ne croïoit pas devoir faire l'honneur à ce Temeraire, de marcher contre lui en personne,chargea mon Oncle du commandement de quelques Troupes, pour s'oppofer à l'entreprise du Comte, avec ordre de jetter, s'il fe pouvoit, du secours dans Corbie. Après avoir donné ses ordres à mon Oncle, le Roi se tourna vers moi, & me dit, avec un fouris, qu'il me défioit de faire (a) En 1181. Tome I. E |