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tomber par terre? En verité, s'il m'eft permis de m'exprimer ainfi, c'eft-là jouer aux quilles ; & les chofes qui font fi terribles & fi grandes fur la terre devien nent bien petites & bien méprifables dans le Ciel.

Je ne puis obmettre ici la contradiction qui regne dans un Episode. Dieu envoye fes fideles Anges combattre, réduire & punir les rebelles: Allez, dit-il à Michel & à Gabriel.

And to the brow of heaven

Purfuing, drive them out from God and
bliff

Into their place of punishment, the Gulpla
Of Tartatus, wich ready opens wide
His fiery chaos to receive their fall.

Et les pourfuivant jusqu'aux extrémités du Ciel, précipitez les loin de Dieu & du bonheur, dans le lieu de leur fupplice, dans l'abime du

Tartare, qui déja entr'ouvre fon af feux cahos pour les engloutir. Comment fe peut-il donc faire, après un ordre fi précis, que la bataille refte douteuse, & pourquoi Dieu le Pere com. mande-t-il à Gabriel & à Raphaël de faire ce qu'il execute enfuite par le miniftere de fon Fils.

Je laiffe au Lecteur à prononcer fi ces obfervations font folides ou mal fondées, & fi je les ai portées trop loin. Mais fuppofé que mes idées foient juftes, les Critiques les plus féveres doivent cependant avoüer qu'il refte affez de perfections à Milton pour expier tous fes défauts: On me permettra de conclure cet article par deux au tres obfervations.

Adam fon Heros & fon prin

cipal perfonnage eft malheu reux ce qui démontre contre tous les Critiques, qu'un fort bon Poëme peut avoir une cataftrophe funefte, malgré toutes leurs prétenduës regles.

Secondement, le Paradis perdu a une fin complette, la fable y eft filée parfaitement: Milton & le Taffe ont eu foin de donner à leurs fictions une étenduë proportionnée. L'un fuit Adam & Eve jufqu'au moment qu'ils font chaffés du Paradis ; l'autre ne finit fon Poëme qu'à la prise de Jerusalem : Homere & Virgile ont fuivi une route differente: l'Iliade finit par la mort d'Hector, & l'Enéide par celle de Turnus.

Le peuple des Commentateurs a établi pour loi, qu'une maison ne devoit point être

finie, parce qu'Homere & Vir gile n'avoient point fini la leur. Mais fi Homere avoit pris Troye, & fi Virgile avoit marié Lavinie à Enée, les Criti ques n'auroient pas manqué d'établir alors une loi directement contraire.

Si j'étois touché du plaifir vulgaire de vanter mon paiis aux Etrangers, j'effayerois de donner ici place à quelques-uns de nos Poëmes Epiques, & de les mettre dans un jour avanta geux; mais il faut que j'avoue fincerement, que parmi plus de so que j'ai lûs,il n'y en a pas un qui foit supportable : ainsi au lieu de critiquer vainement quelques miferables Poëmes François, je fuis reduit à rechercher pourquoi nous n'en avons pas un feul, que nous

puiffions avoüer. Car il femble un peu étrange qu'une Nation qui fe glorifie d'avoir réuffi dans tous les autres genres de Poëfie, reffemble fi peu à ellemême dans cette efpece particuliere.

J'ai entendu accuser ici la langue Françoise d'infuffifance, comme n'étant ni affez énergique ni affez majestueufe,pour atteindre à la fublimité de la Poëfie Epique mais je fuis perfuadé que chaque langue a fon genie particulier, formé principalement par le génie de la Nation qui la parle, & afforti à fon caractere; d'un côté plus ou moins de liberté dans le gouvernement & dans la Religion, un commerce plus ou moins libre entre les deux fexes, l'exemple & l'influence des pre

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