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tant de gloire,fera regardé com me un Auteur foible & fterile, & fera certainement mal reçû du Public.

Qu'on life les bons Ecrivains de quelque Paiis que ce foit, On ne fentira point cette prétendue uniformité ennuyeuse reprochée aux vers rimez. Le Taffe eft lû avec plaifir, quoique tous fes vers, même prefque toutes les fillabes, fe terminent en a ene, eni, & eno. Au refte, c'est une erreur de croire que la rime foit une invention des Moines du feptiéme fiécle. Toutes les Nations dont les langues nous font connues, excepté les Grecs & les Romains, ont des vers rimez.

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Le retour des mêmes tons eft une espece de musique naturelle, plus analogue à la nature de

foüie & plus aifée à reduire en art, que la valeur arbitraire & la mesure gênante des fillabes. Il eft vrai que les longues & les breves fourniffoient aux Romains & aux Grecs une varieté harmonieufe de fons,qui parleur rapidité, ou leurgravité fervoient à exprimer les mouvemens im petueux ou tranquilles de l'ame.. Mais par ce que ces avantages nous manquent, devons-nous négliger le feul que nous poffedons, & que nous ne pou vons remplacer? Faudra-t'il que nous abandonnions notre propre terrain, parce que celui des autres eft plus fertile ?

J'ajoûterai à cette petite digreffion fur notre langage & fur notre versification, qu'un Poëme Epique eft une entreprise plus perilleuse en France que dans

quelqu'autre Paiis que ce foit non feulement parce que nous fommes affervis à la rime, mais parce que notre rime & toutes les autres parties de notre verfification, font fujettes aux regles les plus fatiguantes & les plus difficiles. Notre langue ne manque point de majesté, mais de liberté.

L'esclavage eft toûjours un obftacle à l'abondance; il faut avoüer auffi que notre langue n'eft pas aujourd'hui auffi riche qu'elle pourroit l'être.Nous nous fommes défaits d'une multitude d'anciennes expreffions fort énergiques, & cette perte a beaucoup affoibli la langue Françoise; les Anglois au contraire ont naturalifé plufieurs de nos anciens mots, comme ils ont naturalife plufieurs de

nos

os compatriotes, & ils ont infi augmenté à nos dépens & eur langue & leur nation.

Mais ce qui s'oppofe le plus à Poëfie Epique en France, eft le enie de la nation:il ne nous eft refque pas poffible de hazarder ucune machine; les anciens Dieux font bannis du monde, la Religion prefente ne peut es remplacer parmi nous: les Cherubins & les Seraphins qui üent un fi beau role dans Milin, auroient de la peine à se utenir dans un Poëme Franbis; les noms de Gabriël, de aphael, de Michel, risquepient d'être tournez en ridicule Jos Saints qui font une fi noble gure dans nos Eglifes, en febient une toute differente dans os Poëmes Epiques. Sainte Geeviéve, Saint Denis Saint

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Roch & Saint Chriftophe ne doivent point être celebrés ailleurs que dans notre Legende ouvrage qui contient plus de merveilles que lePoëte le plus fécond n'en peut imaginer,

Enfin la meilleure raifon que je puiffe rendre du mauvais fuccez de notre Poëfie Epique, eft l'incapacité & la foibleffe de tous ceux qui ont voulu cour cette carriere. Je n'ajoutera rien à cet aveu.

FIN.

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