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ver que chaque Nation a fon goût particulier.

Dans cette fuppofition, fi nous voulons acquerir une notion distincte de la Poëfie Epique, il ne faut que jetter les yeux fur tous les differens Poëmes de ce genre, qui ont paru dans differens fiecles & dans differens paiis.

Il ne fuffit pas de connoître Virgile & Homere. Un homme qui n'a lû que Sophocle & Euripide, ne fçauroit avoir une parfaite idée du Théâtre ; nous devons être les admirateurs des Anciens & non leurs efcla

ves.

Nous ne parlons pas le même langage; la religion, cette bafe du Poëme Epique n'eft pas aujourdui telle qu'autrefois; nos Sieges, nos Batailles,

Batailles, nos Armées navales font plus differentes des leurs, que nos manieres ne le font de celles des Americains. L'invention de la Poudre à canon, de la Bouffole, & de l'Imprimerie, tant d'autres Arts nouvellement découverts, ont changé la face de la terre. Un Poëte environné de tant d'objets nouveaux doit avoir un genie bien borné, s'il n'ofe pas être original & s'il n'invente rien.

في

Nous envoyons nos enfans yoyager dans les paiis étrangers, après qu'ils ont lû Homere & Virgile au College; feroit-ce leur faire perdre le tems que de leur donner une connoiffance parfaite de Milton en Angle terre, & du Taffe en Italie ? Où peut on trouver des monumens plus dignes de l'attention d'un voyageur?

B

Le refpect que nous devons aux Anciens dégénere en fuperftition,s'il nous porte à méprifer nos voifins & nos compatriotes ; ne faifons pas cet affront à la nature, de fermer les yeux à toutes les beau tez dont elle nous environne, pour ne les ouvrir que fur fes anciennes productions.

Il eft certainement agréable & avantageux à l'efprit humain, de confiderer tous les auteurs des Poëmes Epiques dans leur propre paiis, depuis Homere jufqu'à Milton, & de remarquer les traits & les ajustemens qui diftinguent ces hommes illuf tres. Je ne prétends point traf ter ce fujet à fond: ce feroit une entreprise fuperieure mes forces: je me contenterai de crafonner quelques traits i

une main plus habile achevera cette ébauche.

Un lecteur judicieux pourra par fes réflexions fortifier mes foibles idées : c'eft à moi de propofer & à lui de juger; mais il doit éviter toute partialité, & écarter les préjugez du College & l'amour pueril des productions de fon paiis. Il confiderera le progrès, la décadence & la renaiffance de l'Art, & le fuivra dans tous fes differens états; il fçaura diflinguer les beautez & les deffauts, qui font beautez & deffauts, dans tous les paiïs & dans tous les fiecles de ces beautez équivoques qui font méprifées d'une Nation & admirées d'une autre : il ne fe laiffera

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point maîtriser par Ariftote Caftelvetro, le Boffu, & Dacier; mais ne confultant que la rai

fon,& gouverné par fon feul bon fens, il fe conftituera Juge entre les fictions d'Homére & celles de Milton, & entre Calipfo, Didon, Armide, & Eve.

2

Mais fi le lecteur a l'équité de faire attention aux differens tems dans lefquels chacun de ces divers Auteurs a écrit, on le prie auffi d'avoir quelque indulgence pour cet Effai, & de pardonner les fautes d'un Ecrivain qui ne fçait un peu la langue Angloife que depuis une année, qui a tiré la plus grande partie de fes obfervations des livres Anglois & qui fouhaitte de s'ac quiter envers cette illuftre Nation des obligations qu'il lui a. Une nourrice entend avec plaifir le begayment d'un enfant qui lui communique avec peine fes premieres penfées.

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